Tout est une question d’adaptation dans la ville de Luleå. Deux mois par an, alors que l’Europe connaît ses journées les plus courtes, la petite ville suédoise n’est même pas ensoleillée. Seul un soupçon d’aurore apparaît sur les coups de midi avant de se fondre en crépuscule. Autrement, l’obscurité y est totale. Plongé en plein hiver sur les berges de la mer baltique, les températures chutent. Mais l’activité ne s’arrête pas.
L’industrie sidérurgique permet à la ville d’être visible de loin avec ses colonnes de fumée. Luleå rayonne par les étudiants de son université, et de façon plus originale, attire les ingénieurs du secteur automobile. Avec l’émergence de la voiture électrique, le développement des batteries à des températures extrêmes vient se mêler à celui des systèmes de sécurité, et de la capacité de motricité sur la glace.
Plus froides qu’à Stockholm, et plus accessibles qu’en Islande ou qu’en Laponie, les températures de la région forment un laboratoire à ciel ouvert. Une épreuve aussi. Les propriétaires de voitures électriques le savent : l’hiver l’autonomie de leur voiture baisse. Et avec des systèmes entièrement électriques, mieux vaut éviter la panne technique.
« Nous testons la résistance des batteries, mais aussi de tous les autres équipements », nous confirme Christoph Zobl, qui travaille chez Volvo sur l’expérience utilisateur. Comme plusieurs responsables du dernier modèle électrique présenté par Volvo, l’EX30, il a fait le déplacement pour rencontrer la presse et leur présenter ce petit SUV compact du segment B dans le Grand Nord. « C’est la première fois que je viens, mais nous avons une présence ici » dit-il, avant d’ajouter : « l’Armée suédoise nous prête un terrain, il y a aussi Mercedes, Tesla et Volkswagen sur place ».
Göteborg se trouve à 1200 kilomètres de là, au sud-ouest de Luleå. Mais le siège social de Volvo a beau abriter toute l’équipe derrière l’EX30, il n’est en rien le berceau de la voiture, qui sort des chaînes d’assemblage de l’autre côté de la planète. En Chine à Xi’an, il emprunte les chaînes de Smart, qui y produit sa Smart #1 sur la même plateforme. Elle n’est pas la première de Volvo à connaître une telle délocalisation, mais elle est LA voiture électrique sur laquelle Volvo compte sécuriser son avenir.
EX30 : balle de match entre Volvo et Geely
La Chine n’est pas une localisation anodine pour Volvo. Il s’agit du signe bien sûr d’une stratégie d’économie des coûts, mais aussi et surtout du témoin de la main-mise du groupe chinois Geely sur le constructeur. Il détient 78,7 % de ses parts, et peut donc en faire ce qu’il veut. Qu’il s’agisse de maintenir son siège social à Göteborg et le positionnement de ses produits sur le marché, ou de transformer radicalement l’entreprise en la déclassant.
L’avenir n’est pourtant pas si effrayant. Il est même positif : l’année prochaine, la production du Volvo EX30 sera rapatriée à Gand en Belgique. Une bonne nouvelle pour les 7 000 employés du site, pour l’éligibilité au bonus écologique, et pour l’image de marque avec une production européenne. Mais n’oublions pas Geely si vite. Son ombre plane. Récemment, le groupe a décidé d’écarter Volvo du développement de Polestar. En un claquement de doigts.
Il faudra que l’EX30 se vende pour que Volvo continue de rester Volvo. Déjà dans son portefeuille, Geely a positionné une autre marque sur un créneau plus haut de gamme que le Suédois. Il s’agit de Zeekr, encore peu connue en France. La production en Europe du EX30 en 2025 sera un coup d’essai – peut-être le dernier.
L’EX30 est donc la moins Volvo des Volvo à l’heure actuelle, mais rien n’est moins sûr pour l’avenir en fonction de ce que le groupe Geely peut décider. Dans la réalité, le petit SUV compact est même une sacrée réussite de développement, et disons-le, respire un renouveau de Volvo qui n’en est pas moins efficace et fidèle à son ADN. De là à la préférer face à une EX40 (version électrique du XC40) plus classique.
Les 3 épreuves du froid en Volvo EX30
Mais nous ne sommes pas là pour tester le Volvo EX30 une deuxième fois. À Luleå, nous nous sommes attachés à faire passer trois épreuves supplémentaires au SUV électrique pour compléter notre essai en Espagne. Trois défis qui doivent faire du EX30 une vraie Volvo suédoise, capable d’évoluer à des températures négatives, partir au ski ou passer l’hiver sans regretter le choix de sa voiture électrique. Car il ne fait pas toujours 20 degrés dehors ; que le froid peut faire chuter le rendement d’une batterie de 40 % ; et qu’une piste verglacée met à nue la sécurité de la motricité d’une voiture.
L’autonomie du Volvo EX30 par temps froid
La Volvo EX30 ne s’est pas seulement faite remarquer par ses qualités lors de ses premiers essais presse à Barcelone. On lui a très vite reproché des consommations anormalement élevées pour son gabarit et sa masse (entre 1830 et 1943 kg). C’est toujours mieux que la C40 Recharge, mais loin d’être compétitif. Si l’on atteignait 15,8 et 16,9 kWh à Barcelone selon la version de la Volvo EX30, entre -5 et -10 degrés, elle décolle à plus de 21,4 kWh voire 22 kWh.
Nos deux jours à Luleå ne furent pas des plus froids, alors que le printemps arrive. Plutôt que des températures extrêmes, nous avions plutôt affaire à des températures proches de ce que l’on peut retrouver en France l’hiver et en montagne. Une nouvelle fois, nous avions en main la version Single Motor Extended Range (propulsion) et la version Dual Motor (intégrale), avec ses 428 ch et son 0 à 100 km/h en seulement 3,6 secondes.
Au final, l’autonomie réelle du Volvo EX30 entre -5 et -10 degrés oscillait entre 300 et 200 km, avec une préférence pour la version Single Motor Extended Range, moins gourmande. Les deux versions empruntent la même batterie de 69 kWh et pourront sous une température plus clémente passer entre 400 et 430 km d’autonomie selon la version.
À noter que nos mesures ont été effectuées sur un parcours très plat, qui ne reflétera donc pas ce que l’on trouverait en montagne. Nous avions une conduite plutôt économique, mais nous avons tout de même emprunté plusieurs dizaines de kilomètres de voie rapide (entre 100 et 110 km/h) et laissé le chauffage réglé à 22 degrés.
Des routes verglacées au circuit de glace
L’arrivée du printemps n’empêche pas Luleå de profiter des rivières et des lacs gelés. Notre itinéraire pour rejoindre le circuit de glace du lac de Björnträsket, au nord de la ville, nous a fait passer sur plusieurs tronçons verglacés étendus sur 50 kilomètres de routes secondaires. C’est la deuxième fois que nous l’entraînons sur la glace, après le passage d’une rivière gelée plus tôt.
Arrivés sur le lac, le briefing et une reconnaissance du tracé nous permettent de découvrir les 75 virages et les 3,7 kilomètres de la piste. Les deux versions du EX30 sont disponibles à l’essai, tout comme un EX40 pour comparer. Le but de l’exercice : voir comment réagit la voiture, définir ses limites, tester la motricité, et discerner les différences dans le comportement de la voiture avec ou sans les aides activées.
Sous les 50 km/h, les deux versions de la Volvo EX30 sont particulièrement à l’aise, sans perte d’adhérence. La glisse arrive en accélérant le rythme avec la version Single Motor, du fait de sa transmission sur les roues arrière. La version Dual Motor est plus efficace avec sa transmission intégrale, mais toutes les deux donnent confiance : un coup de frein rapide pour transférer le poids sur l’avant et la direction reprend du service. L’ABS permet de ne pas transformer la procédure en un aller simple vers le talus.
L’antipatinage intervient à l’accélération, et particulièrement sur la version propulsion. Disposant de moins de puissance avec son unique moteur, il a tout de même tendance à chasser. Heureusement, même pied au plancher, le train arrière reprend vite de la motricité. Sur la version Dual Motor, l’efficacité est bien plus importante malgré la puissance cumulée de 436 ch. Dans les réglages de conduite, le crossover permet de bloquer la répartition du couple à 50/50 pour ne jamais voir l’arrière prendre le dessus.
Les aides ont offert de quoi gagner de la confiance dans le comportement de la Volvo EX30. Déconnectées, l’exercice du slalom et des tours de pistes permettaient de réellement s’amuser, car contrairement à une EX40, l’EX30 est fun, en plus d’être plus efficace grâce à son gabarit plus équilibré et plus ramassé.
Évidemment, les conditions sont toujours optimales, avec des pneus qui vont bien (les modèles à l’essai sont équipés de pneus cloutés Michelin X-Ice North 4). Mais l’exercice n’est pas réussi par tous les modèles et l’intérêt pour les constructeurs aujourd’hui est de promouvoir l’intérêt de l’arrivée de l’électrique pour améliorer la réponse d’une voiture sur de la glace ou en condition de perte d’adhérence.
Un exercice d’évitement d’obstacle nous a semblé intéressant pour juger de la capacité du Volvo EX30 à réagir en cas d’urgence. L’instructeur nous conseille d’essayer en se présentant à 5 mètres de l’obstacle à une vitesse de 65 km/h. À ce rythme, l’évitement se passe plutôt bien. Après 80 km/h, il faudra maîtriser la glisse pour retrouver sa trajectoire. En tout cas, l’EX30 est plus à l’aise que l’EX40, et fera mieux que les autres modèles de la gamme. D’autant plus qu’ils ne pourront pas disposer d’une aussi bonne motricité et d’un centre de gravité aussi bas qu’une électrique.
Au retour d’une telle session sur piste, on en connaît davantage de la voiture et ses limites. Les kilomètres de routes verglacées du trajet retour paraissent encore plus confortables à traverser. Une centaine de kilomètres nous attendent pour rejoindre à nouveau l’aéroport de Luleå. Petit à petit la glace disparaît, pour laisser place à une chaussée particulièrement abimée par le climat. De quoi nous faire tester l’amortissement et le confort global de la voiture.
Le confort de Volvo à portée de budget
La plus grosse réussite à notre avis du Volvo EX30 tient dans son confort à bord, couplé à une excellente ergonomie et un amortissement qui s’en sort plutôt bien. On se rapproche des standards de suspension pneumatique des modèles plus haut de gamme du constructeur, avec un côté plus dynamique qui ne fait pas de mal pour tailler la route. Le tout pour un véhicule proposé en version Single Motor Extended Range entre 41 700 euros et 47 950 euros, avec des roues de 20 pouces, et des pneus cloutés.
Les sièges sont un peu trop fermes à notre goût, mais ont le mérite d’être bien taillés (peut-être un peu trop étroit au niveau des épaules pour certains), et la position de conduite est excellente. L’essai est transformé par le petit volant, assez fin, mais avec une très agréable prise en main, et la simplicité de la planche de bord qui offre une visibilité sur l’avant proche de ce que l’on retrouve sur la Tesla Model 3.
On se sent très vite bien à bord, et l’on se surprend dans un environnement chaleureux malgré la simplicité et l’utilisation de plastique. Sur ce point d’habitabilité et d’ergonomie à bord, la Volvo EX30 met une claque. Lorsque les températures sont négatives, il est encore plus simple de discerner un habitacle chaleureux et confortable d’un habitacle froid et pas très accueillant. Ici Volvo marque un grand coup et arrive même à nous faire préférer l’habitacle du EX30 à celui du EX40 classique, pourtant plus cossu.
Le gabarit très carré permet aussi une habitabilité exemplaire pour un modèle qui ne fait que 4,23 m et 1,55 m de haut. Les places arrières sont généreuses et le coffre n’est pas oublié. Il propose 318 litres mais dans un format qui permet d’empiler facilement trois à quatre petites valises.
Et les économies, où sont-elles ? À vrai dire, partout, mais elles ne sont pas punitives. Les lève-vitres se trouvent sur la partie centrale, que ce soit à l’avant ou à l’arrière (pour éviter de rajouter des câbles dans les portes), la boîte à gant a été repoussée sur la partie centrale de la planche de bord, et le conducteur ne dispose d’aucun compteur derrière le volant – il devra regarder l’écran central comme chez Tesla. Une nouvelle disposition réussie.
À l’instar de nos essais en Espagne, cette expérience a été sans accro et on apprécie la simplicité et l’efficacité de cette nouvelle disposition du mobilier. Volvo ne propose que quatre versions de son habitacle, pour offrir quelque chose de simple comme la stratégie de Tesla. La planche de bord assez basse permet d’appréhender la voiture en un rien de temps, avoir une excellente visibilité sur l’extérieur, et même ajouter une barre de son qui sera signée Harman Kardon sur les deux derniers niveaux de finition.
L’avis à froid sur le Volvo EX30
L’EX30 sera-t-il la fin d’une ère, ou une réussite qui sécurisera Volvo dans l’avenir de Geely ? Après ces deux jours supplémentaires au volant du SUV urbain, la recette fonctionne toujours aussi bien, et Volvo s’est trouvé un bon moyen de réaliser des économies tout en peaufinant l’expérience globale. Le constructeur suédois revient avec quelque chose d’encore plus pertinent avec moins de matière, alliant style, ergonomie, confort et habitabilité.
Malheureusement, à peine sortie, l’EX30 reste pénalisé par ses consommations trop élevées. La batterie de 69 kWh se montre décevante pour l’autonomie sur autoroute ou par temps froid. Ce sera le prix à payer. Une question d’adaptation face à un compromis qui rappelle celui vécu ici, par les habitants de la belle mais cloisonnée ville de Luleå.
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