Un nom à coucher dehors, une arrivée tardive sur le marché et un problème technique dès les premiers jours de commercialisation. L’histoire de la première voiture 100% électrique de Toyota pouvait-elle commencer de plus mauvaise manière ? Si certains choix stratégiques douteux et d’autres coups du sort semblent s’acharner sur la bZ4X, il n’en demeure pas moins que l’arrivée de la première voiture zéro émission de Toyota est un événement.
À ce titre, il nous était tout simplement pas permis de ne pas saisir l’occasion de la tester. Au cours d’une courte journée d’essai dans les environs de Copenhague, nous avons pu prendre le volant de l’un des véhicules les plus attendus de l’année. Comment Toyota s’en sort-il pour une première ? Qu’est-ce que ce SUV électrique de plus apporte dans un marché submergé par les SUV ? Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre dans les prochaines lignes.
Mais avant de nous pencher sur ces questions secondaires, attaquons-nous à l’essentiel : pourquoi ce nom, pourquoi bZ4X ? Non, il ne s’agit pas d’un hommage raté à R2D2 ou C-3PO. Pour Toyota, ce code a bien une signification. « bZ », pour « Beyond Zero, le nom du programme électrique de la marque. « 4 » pour le segment ou positionnement du véhicule, et X, parce qu’il s’agit d’un SUV. Cela sous-entend donc qu’il y aurait d’autres bZ en cours de développement, des probables 2, 3 et 5. Nous avons hâte !
Pas la plus consensuelle des Toyota
Les dernières productions de Toyota avaient été plutôt saluées pour leur audace en matière de design. Du CH-R à l’Aygo X en passant par la nouvelle Yaris, le Japonais semblait avoir trouvé un équilibre entre originalité des traits et esthétique consensuelle. Il n’est pas sûr que le Bz4 reçoive le même accueil que les précédents modèles de la marque sur ce point.
Pour concevoir le bZ4X, Toyota est parti du Rav4, l’un de ses succès actuels. Il n’est donc pas étonnant que ce SUV électrique affiche à peu de choses près les mêmes dimensions que son prédécesseur hybride. Mais c’est à peu près tout pour les ressemblances, car pour le reste le bZ4X a sa propre identité visuelle. Elle se base sur une face avant taillée à la serpe dans laquelle la calandre semble disparaître.
À l’arrière, c’est presque l’effet inverse avec des feux très massifs reliés par un bandeau lumineux. Enfin, il y a du plastique, beaucoup de plastique, notamment sur des arches de roues exagérées qui s’aventurent jusqu’au bouclier. Bien qu’il emprunte la forme classique des SUV, le bZ4X ne ressemble à aucun autre de ces mastodontes. Séduira-t-il pour autant ? Cela reste à confirmer.
À l’intérieur : quelques fulgurances et beaucoup de manques
En matière d’originalité, l’habitacle du SUV électrique de Toyota n’est pas en reste. Petit écran d’instrumentation reculé à l’excès, grand écran de 12,3 pouces flottant au centre d’une planche de bord suspendue d’un bord à l’autre… les idées ne manquent pas. Mais parmi elles, certaines paraissent quelque peu saugrenues. Toyota a, par exemple, décidé de faire l’impasse sur la boîte à gants. Les passagers devront donc se contenter d’un espace de rangement, certes généreux, en lieu et place du tunnel de transmission.
Venons en maintenant aux écrans et plus globalement au système embarqué. Donner la priorité à l’écran d’infotainment peut s’entendre, mais il ne s’agit pas pour autant de négliger l’affichage de l’instrumentation. Or, sur ce point, Toyota fait un pari plutôt osé en reculant au maximum le petit écran qui donne les informations principales sur la conduite. Plus encore que sa taille, c’est sa position qui interroge, loin, très loin du volant, presque collé au pare-brise. L’effet visuel est appréciable, le cockpit donnant l’impression d’être plus spacieux, mais à l’usage c’est moins convaincant. En effet, même en réglant le volant en hauteur, celui-ci obstrue systématiquement une partie de l’écran. Le résultat pourrait être différent en fonction de la taille du conducteur. Disons simplement qu’avec notre taille relativement commune (1,76m) nous avons été gênés en permanence.
En matière d’OS, Toyota a fait des progrès considérables aussi bien en matière de réactivité que d’ergonomie. Seul problème : pour l’instant, l’OS du constructeur est vide. En effet, en dehors des réglages liés au véhicule, le menu principal ne présente qu’une seule application. C’est d’autant plus dommage que l’OS regorge de très bonnes idées par ailleurs comme le fait d’appliquer un filtre transparent sur l’aperçu du véhicule lorsqu’il est modélisé sur l’écran. Les manœuvres de parking s’en trouvent facilités, l’environnement global étant plus clair.
En revanche, là où Toyota paye sa jeunesse sur le 100% électrique, c’est sur certaines fonctionnalités qui nous semblent indispensables sur des véhicules zéro émission. Ainsi, il est regrettable que la fonction de navigation du bZ4X ne prenne pas en compte les stations de recharge. Il n’y a tout simplement pas de planificateur de voyage. Idem sur le pré-conditionnement automatique de la batterie, qui a été oublié. Toyota intègre certes une pompe à chaleur, mais on en attendait plus de la part d’un constructeur aussi pointilleux, qui a de surcroît bénéficié d’un temps supplémentaire pour la mise au point de son électrique.
Lors de nos différents échanges avec les officiels de Toyota, notamment sur la pauvreté de l’OS en fonctionnalités ou sur d’autres absences surprenantes, la réponse a souvent été la même. Le système d’exploitation a été pensé pour être mis à jour à distance (en OTA). Ces manques pourraient donc être comblés dans le futur. En attendant, les premiers acheteurs du bZ4X devront prendre leur mal en patience.
Autonomie : entre bonnes surprises et déceptions
Toyota se vante, non sans raison, d’être un pionnier en matière d’électrification. Celle-ci passe essentiellement par l’hybride et a débuté en 1997 avec la commercialisation de la première Prius. Cette expérience des voitures dotées d’un moteur électrique et d’une batterie serait, selon Toyota, un avantage considérable dans le développement de véhicules zéro émission. Le sous-texte de cette assertion est le suivant : Toyota arrive certes après ses concurrents sur la voiture électrique, mais son savoir-faire sur l’hybride est tel qu’il suffirait à combler son retard. Qu’en est-il vraiment ?
Le premier enseignement de notre virée en bZ4X est une confirmation : même Toyota ne peut rien contre les lois de la physique. Un SUV de deux tonnes, même particulièrement bien optimisé au niveau du bloc batterie/moteur, ne sera jamais un modèle de consommation. Lors de notre boucle d’essai qui ne comprenait qu’un bref passage sur voie rapide, notre compteur affichait 18,7 kWh/100 km. Dans l’absolu, c’est un score tout à fait honnête compte tenu du gabarit du véhicule, mais il faut tenir compte d’une route assez peu exigeante en matière de relief, d’une météo très clémente et d’une conduite relativement douce.
Cette partie de notre essai demande nécessairement de prolonger l’expérience en bZ4X afin d’avoir un aperçu plus réaliste de la consommation de la bête. En attendant, il est possible de s’appuyer sur les chiffres officiels fournis par Toyota. Selon le Japonais, l’autonomie de son SUV 100% électrique oscillerait entre 411 et 516 km d’autonomie en fonction de la version choisie. Notez que la taille des roues fait sensiblement varier l’autonomie. Aussi, quelle que soit la motorisation, nous vous enjoignons à opter pour des jantes de 18 pouces. C’est certes moins plaisant à l’œil que la version 20 pouces, mais nettement plus économique. Si la partie consommation offre des performances honnêtes, on ne peut que déplorer l’absence de choix en matière de régénération au freinage. Sur le bZ4X, il n’y a pas de mode « One Pedal » ou monopédale. Il n’y a pas non plus de réglage de l’intensité du freinage régénératif. Toyota n’en propose qu’un seul, par défaut, et il faudra s’en contenter. Outre le fait que le constructeur n’encourage pas l’utilisateur à adopter une conduite optimisée, nous regrettons tout simplement qu’il ne lui laisse aucun choix.
Notre véhicule d’essai disposait d’une option assez rare, mais pas inintéressant : le toit solaire. Celui-ci ne sera disponible à la vente que sur la version la plus chère du bZ4X. Comme le toit solaire que nous avions pu tester lors de notre essai du Ioniq 5, de Hyundai, celui de Toyota est une source d’électricité d’appoint qui ne permet évidemment pas de recharger le véhicule, mais qui prolonge légèrement son autonomie. Si l’on en croit, les données fournies par le véhicule, sur notre boucle d’essai de 150 km, le toit solaire aurait récupéré quelque 137 W d’énergie, soit de quoi ajouter 1,4 km à notre trajet. Il va de soi que la pertinence d’une telle option, dépend du taux d’ensoleillement de votre région.
La recharge du bZ4X est, elle aussi, un sujet sensible. Le problème ne vient pas tant des valeurs affichées, son 150 kW en charge rapide DC étant pile-poil dans la moyenne, mais plutôt de l’offre. En effet, les 3 000 premiers modèles fabriqués par le Japonais seront équipés d’un chargeur de 6,6 kW seulement. Il faudra attendre que ce stock de véhicule soit épuisé pour bénéficier d’un chargeur AC digne de ce nom en 11 kW. La faute sans doute à un changement d’équipement de dernière minute qui pénalisera à coup sûr les premiers acheteurs. Toyota dit avoir communiqué en toute transparence avec ses clients sur ce point. Pour notre part, si vous avez l’intention de craquer pour le bZ4X, nous vous conseillons fortement d’attendre sa disponibilité en 11 kW.
Le bZ4X sur la route, ça donne quoi ?
Nous étions impatients de découvrir les capacités de la première voiture électrique de Toyota sur la route. Et pour cause, cette première application de la plate-forme e-TNGA est appelée à faire des petits. Lors de notre essai, nous avons bénéficié de la version la plus musclée du SUV, une version quatre roues motrices, qui repose sur deux moteurs de 109 ch chacun. Le couple, quant à lui, est de 337 Nm, ce qui promet quelques accélérations sympathiques, mais aussi un 0 à 100 km/h en 6,8 secondes. Au-delà, la vitesse est plafonnée à 160 km/h soit une valeur que nous n’étions pas près d’approcher compte tenu de l’environnement urbain de notre essai.
En matière de confort, les jantes de 20 pouces de notre véhicule trahissent des suspensions un peu fermes, qui filtrent difficilement les aspérités de la route à basse vitesse. En augmentant la cadence, le confort s’en trouve également amélioré à une exception près : des bruits d’air qui indiquent, eux aussi, que les ingénieurs de Toyota ne se sont pas surpassés en matière d’isolation phonique. C’est d’autant plus dommageable qu’en électrique, les bruits de roulage sont amplifiés. Rien de rédhibitoire pour autant, mais à ce niveau de tarif, l’utilisateur est en droit d’avoir quelques exigences. En conduite, le bZ4X est vraiment agréable, sans réelle surprise, mais intéressant.
Toyota a également pris le parti, assez surprenant, de doter son SUV 100% électrique de capacités de franchissement. Il s’agit d’un contrôle paramétrable de la motricité du véhicule, connu sous le nom de « X-Mode ». Concrètement, il s’agit d’une aide spécifique sur les montées et les descentes. Le bZ4X peut aussi traverser des cours d’eau de 50 cm de profondeur et immerger intégralement sa batterie (située dans le plancher) dans l’eau. Très bien, mais pour faire quoi exactement ? En effet, en bon gros SUV familial, le bZ4X ne saurait que faire de ses capacités de franchissement. Qui peut le plus peut le moins, certes, mais à quoi bon doter son modèle de tels pouvoirs alors que, pour la grande majorité des utilisateurs, l’obstacle ultime aura l’allure d’un dos d’âne sur la route de l’école.
Verdict de l’essai
Nous attendions de Toyota qu’il propose quelque chose de différent sur le marché de l’électrique. La taille du constructeur japonais, son aura, sa culture de la performance et son savoir-faire hérité de l’hybride laissaient espérer le meilleur. À l’inverse de certains de ses concurrents qui ont dû se précipiter pour annoncer leurs premiers modèles zéro émission, Toyota a eu le luxe du temps pour développer son offre. Le résultat n’en est que plus frustrant. Le bZ4X n’est pas un mauvais SUV électrique, encore moins une proposition malhonnête, mais il n’excelle nulle part et souffre un peu partout. Finalement, malgré son arrivée tardive sur le marché, Toyota fait les mêmes erreurs que les autres quelques années plus tôt sans apporter grand-chose de neuf. En conséquence, le principal intérêt du bZ4X c’est… d’être électrique, ce qui risque de ne pas suffire face à la concurrence.
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