Round 3 : un peu plus de quatre ans après la sortie du premier Alpha A7R, Sony lance la troisième itération de son boîtier hybride à capteur plein format de sa gamme « riche en pixels ». Riche signifie ici 42 mégapixels, une définition similaire à la génération Mark II. C’est bien tout ce que les deux boîtiers ont en commun : de l’ergonomie en passant par le viseur jusqu’au système AF, tout a été revu de A à Z. De quoi combler les lacunes de son aïeul… et séduire les pros ?
Boîtier hérité de l’Alpha A9
Comme ce fut le cas pour les génération I et II de ses hybrides plein format, Sony a développé un corps de boîtier pour sa nouvelle gamme et le décline sur tous les appareils suivants, comme cet A7RM3 et l’A7M3 fraîchement annoncé (et bientôt en test sur 01net.com).
Le précurseur physique de l’Alpha A7RM3 est donc l’Alpha A9 dont il reprend l’essentiel. On regrette que Sony l’ait privé de la molette supplémentaire (en haut à gauche quand on tient l’appareil) apparue sur l’A9 mais la prise en main reste similaire c’est-à-dire qu’elle se rapproche encore un peu plus d’un reflex. Sony n’a fait grossir son boîtier que de quelques millimètres mais cela suffit à changer radicalement l’équilibre en main avec les optiques de dimensions moyennes. Avec les optiques lourdes (70-200 mm, 24-70 mm G Master), on ressent encore un petit déséquilibre mais c’est quand même bien mieux qu’avec la génération Mark II.
La molette arrière est toujours un peu petite à note goût mais l’arrivée du joystick est un vrai plus et l’appareil dégage un plus grand sentiment de solidité (lire plus loin) avec un positionnement des commandes proche de l’A7R Mark II – la transition avec ce boîtier sera immédiate et les bénéfices ergonomiques également.
L’AF qui change tout, la rafale qui fait plaisir
L’A7R Mark II offrait une excellente qualité d’image et une bonne stabilisation du capteur, et pourtant nous avions nos réserves. Pourquoi ? Essentiellement à cause d’un AF mou du genou qui le pénalisait dans les prises de vue dynamiques comme le reportage. A quoi bon avoir la meilleur qualité d’image si on a du mal à faire la mise au point ?
La bonne nouvelle c’est que l’A7RM3 corrige cette grosse faiblesse. Sans égaler l’A9, il offre enfin un AF « pro » réactif et capable de coller aux sujets. Mieux, sa fonctionnalité de tracking de l’œil est très efficace. Tellement qu’elle met les reflex dans l’embarras. Non seulement, en tant qu’hybride, il n’y a pas de problèmes de front ou back focus comme chez les reflex, mais en plus on peut shooter à pleine ouverture en étant presque sûr d’avoir l’œil dans la zone de netteté, un œil que l’on dit « miroir de l’âme » et dont la netteté fait la différence entre un portrait raté et un portrait réussi.
La rafale, quant à elle, permet de suivre très efficacement des séquences un peu “sport”, ce qui est un énorme plus. Non seulement on aura des images nettes et suivies sur le sujet, mais en plus la définition de 42 Mpix offre une énorme latitude de recadrage ou beaucoup de matière pour les grands tirages. On lui préférera l’Alpha A9 (voire l’A7M3 actuellement en test) pour les vrais travaux d’action, mais l’A7RM3 est loin d’être manchot.
Face aux reflex, les hybrides avantagés dans les super définitions
La lignée « R » des Alpha A7 qui cible les photographes à la recherche de super définition d’image a commencé sa carrière à 36 Mpix, tout comme le D800 de Nikon pour lequel Sony fut suspecté d’avoir développé le capteur. Les A7R Mark II et ce Mark III sont passés à la vitesse supérieure avec 42,5 Mpix. C’est un peu moins que le Canon EOS 5Ds et ses 50 Mpix ou le D850 de Nikon lancé l’an dernier avec ses 45 Mpix. Mais l’écart n’est désormais plus significatif, on a assez de matière pour les grands tirages et les gros recadrages.
L’avantage des hybrides sur les reflex dans le domaine de la photo à haute définition est la netteté d’image garantie. Les reflex peuvent en effet souffrir de soucis d’ajustement dans la mise au point appelés problèmes de front focus ou back focus – en gros, l’optique fait la mise au point un peu en avant ou un peu en arrière du point désiré – qui nécessitent des calages réguliers. La cause étant essentiellement le système de mise au point par détection de corrélation de phase, ultra rapide à s’approcher du sujet, mais plus imprécis en fin de course (quand le miroir se relève au moment du déclenchement, le reflex devient aveugle).
A contrario, le système d’AF double de Sony (et de tous les autres constructeurs d’hybrides à part Panasonic) conjugue détection de phase (rapide) et détection de contraste (précis) ce qui garantit le maximum de netteté dès lors que le point est acquis. Toujours aussi précis que par le passé mais enfin rapide, cet A7RM3 a les armes pour donner le change aux reflex pros, éclipsant ainsi son prédécesseur l’A7RM2.
La précision des clichés, quoi que dépendante de la qualité des optiques, est donc nativement supérieure à celle des reflex. Ils sont riches d’informations et d’une netteté irréprochable. Si les hybrides de Sony sont en pleine progression, ce n’est pas pour rien ! D’autant plus que, dans le cas d’un shoot de nature morte (packshot), cet hybride dispose d’une arme de choix : le Pixel Shift.
Comme l’EOS 5DS R de Canon et les D800/D810/D850 de Nikon, cet A7RM3 est dépourvu de filtre passe bas à la surface du capteur afin de garantir le meilleur piqué d’image possible. Le petit revers de cette médaille est l’apparition de moiré sur les motifs réguliers comme ces volets dans l’illustration ci-dessus. Un phénomène qui peut se corriger par voie logicielle, mais qu’il faut garder en tête.
Qualité d’image similaire à l’A7RM2 (c’est-à-dire excellente)
La qualité d’image de l’A7R Mark III est, selon nos tests, en tous points similaire à celle de l’Alpha A7R Mark II. Déception ? Pas vraiment : la qualité d’image de ce Mark II était excellente, nous pestions essentiellement contre l’AF, corrigé ici. Si une amélioration de la plage dynamique ou de la gestion des hautes ISO est toujours bienvenue – si c’est le cas, elle est marginale – la partition originale était déjà suffisamment bonne pour que Sony se concentre sur les autres domaines.
Sur le terrain, l’A7RM3 shoote sans bruit numérique apparent jusqu’à 3200 ISO, joue tranquillement jusqu’à 6400 ISO et reste encore acceptable en RAW à 12.800 ISO moyennant un petit travail de traitement du bruit. C’est très bon ! D’autant plus que l’appareil affiche 42 Mpix : avoir autant de pixels qui fonctionnent bien en basses lumières est un vrai atout. Avec un capteur aussi performant, Sony permet aux photographes de profiter d’une qualité d’image approchant les petits moyen-formats, ce qui n’est pas rien !
Le piqué d’image dépend de la qualité de vos optiques. Si vous souhaitez tirer le meilleur parti du capteur et que vous recherchez la qualité d’image et le piqué absolus, il vous faudra faire l’impasse sur les références d’entrée de gamme et investir dans de bonnes (et chères) optiques.
Pour des shoots sur des sujets immobiles, l’A7RM3 dispose d’un atout de choc volé au K-1 de Ricoh-Pentax : le Pixel Shift (lire plus bas).
Pixel Shift : gain de qualité d’image… sous conditions
Faire des photos de produits de top qualité avec une optique moyenne est tout à fait possible avec cet appareil grâce à une utilisation intelligente de la maîtrise des déplacements du capteur. Appelée Pixel Shit, cette fonctionnalité nécessite deux pré-requis : une scène avec des sujets parfaitement immobiles et un appareil lui aussi immobile – trépied recommandé.
Une fois l’appareil réglé sur le mode Pixel Shift (MENU/Onglet Photo 1, Page 3/14, Ligne 3 « P.d.v multi décal. pix. ») et correctement mis en place, on choisit le temps entre les quatre prises de vues consécutives (1, 2, 3, 4, 5, 10, 15 ou 30 secondes) et on laisse l’appareil faire. Les images produites sont des fichiers RAW traditionnels (prise de vue en obturateur électronique silencieux pour éviter les vibrations) qui ne peuvent pour l’heure être exploités que par la nouvelle suite logicielle gratuite de Sony, Imaging Edge.
Dans le logiciel de visionnage « Viewer » on sélectionne les quatre clichés et on choisit l’option Edition/Créé et ajuster une image composée P.d.v multi décal. pix (ce n’est pas très clair, on vous le concède) et Viewer va automatiquement lancer l’application « Edit » qui va monopoliser toutes les ressources processeur de votre ordinateur pendant plusieurs secondes pour combiner les quatre images en un seul cliché.
Point de gain de définition d’image puisque l’image finale fait toujours 7952 x 5304 pixels. Mais le gain de précision de l’image, de piqué, de détails est très important. Tellement qu’on peut produire une image très percutante même avec le FE 24-70 mm f/4 ZA OSS siglé Zeiss, un zoom lancé au début de l’aventure Alpha E (2012), qui n’est pas vraiment une référence de qualité optique.
– Télécharger Sony Imagine Edge pour Windows (Gratuit)
– Télécharger Sony Imagine Edge pour Mac (Gratuit)
Une fois l’image assemblée, celle-ci peut être exportée au format interprété TIFF ou Jpeg ainsi que dans un format RAW spécial non pas .ARW comme chez tous les appareils Sony, mais avec une extension .ARQ.
Attention aux disques durs : un fichier .ARQ pèse 320 Mo puisqu’il réunit les quatre fichiers RAW originaux de 80 Mo (deux fois plus qu’un RAW normal !). Jusqu’à il y a peu, seule la suite logicielle de Sony permettait l’édition de ce type de fichiers, Adobe a depuis ajouté la prise en charge de l’.ARQ dans sa dernière mise à jour de Lightroom CC (version Classic et Cloud) et Camera RAW pour Photoshop CC.
Gare à votre processeur… et à vos disques durs !
Les 42 Mpix, la vidéo 4K et le Pixel Shift ont des revers, comme la puissance de l’ordinateur qu’il faut pour éditer des RAW de 42 Mpix. Camera RAW ou Lightroom mettent un certain temps à interpréter chaque image et nous vous recommandons de passer sur une machine avec 16 Go de RAM.
A ces besoins de puissance s’ajoute le stockage des fichiers, qui occupent beaucoup d’espace. Non seulement les fichiers RAW font invariablement aux alentours de 41 Mo, mais en plus les fichiers Jpeg pèsent entre 12 Mo et 38 Mo en mode super. Soit jusqu’à 80 Mo par pression de l’obturateur ! Sans parler des fichiers quatre RAW issus du Pixel Shift qui pèsent 80 Mo chacun et 320 une fois combinés en un fichier au format .ARQ.
L’aspect positif de ces besoins techniques est que cela vous donne une raison supplémentaire de soigner vos cadrages !
Génération Mark III plus solide que Mark II
Sony le sait : quand on cible le haut de gamme et les pros, il convient d’être prudent côté promesses. Notamment en ce qui concerne la tropicalisation, ce qui veut dire que l’appareil dispose de joints d’étanchéité le protégeant partiellement de la pluie et des poussières. Sony n’a pas fait d’annonces précises sur une éventuelle certification car la marque nippone sait qu’elle a encore du chemin pour égaler Canon et Nikon dans ce domaine (ni même de Panasonic avec son excellent et très résistant Lumix G9) – quand l’un des deux géants affiche le mot « tropicalisé », notamment pour les boîtiers type 1DX Mark II ou D4/D5, cela signifie que même la carte mère est protégée par des traitements spéciaux (résine, etc.) !
Pourtant, Sony a bien revu à la hausse la qualité de fabrication. Et, encore heureux, puisque les générations 1 et 2 des Alpha A7x n’ont pas toujours très bien vieilli. Outre la prise en main plus robuste, l’intérieur de l’appareil a lui aussi bénéficié de renforts supplémentaires comme l’ont mis à jour quelques passionnés.
Pour l’avoir emmené à la montagne avec nous, notamment lors de randonnées raquette de nuit sous la neige et sans protection, il est certain que l’appareil peut sortir sans encombre et répondre présent même dans des situations difficiles. Sony progresse.
Les bons points… et ce qu’il faudrait améliorer
Victoire : Sony a enfin intégré une prise USB Type-C qui permet non seulement de recharger l’appareil (comme la prise Micro USB toujours présente) mais aussi de décharger plus rapidement les images (USB 3 oblige) et de permettre un meilleur confort en mode connecté.
On apprécie aussi, par rapport à la génération précédente, l’arrivée d’un second emplacement pour carte SD, l’apparition d’un joystick et une prise en charge partielle du tactile – même si on attend toujours une vraie gestion tactile à la Panasonic (référence dans ce domaine).
Si l’autonomie est en hausse grâce à la batterie plus grosse et plus endurante (merci le boîtier enfin un peu plus épais), on est toujours loin des reflex côté endurance, loin très loin d’un Nikon D850, par exemple. Et on est un peu déçu que le second emplacement de carte SD soit, comme chez l’Alpha A9, limité à de l’UHS-I quand le compartiment principal fonctionne en UHS-II – heureusement avec des fichiers qui pèsent jusqu’à 80 Mo chacun !
Le nouveau boîtier dispose surtout d’un autofocus revu et amélioré, d’une rafale à 10 i/s avec suivi AF qui lui ouvre les portes de la photographie sportive. L’acquéreur trouvera également deux emplacements SD, une batterie nettement plus puissante (donc), un écran tactile, un joystick très pratique et un viseur électronique plus précis.
Un service pro qui devra faire ses preuves
Avec un A9 sorti à 5300 euros et cet A7RM3 lancé à 3500 euros, Sony continue de poursuivre toujours un peu plus loin son offensive dans le haut de gamme en attaque frontalement Canon et Nikon. La stratégie de Sony a jusqu’ici bien réussi : la marque occupe désormais la seconde place de constructeur d’appareils à capteurs 24×36 mm, devant Nikon !
Mais pour continuer sa progression et surtout accrocher durablement les pros et les ultra passionnés – c’est-à-dire les différentes populations qui sont prêtes à investir dans des boîtiers des optiques aussi chers – Sony doit continuer de presser l’accélérateur. Outre la solidité des boîtiers que nous mettons souvent en lumière – oui, un reflex Canon, Nikon ou Ricoh-Pentax est toujours bien plus résistant que les Alpha de Sony – et le manque de téléobjectifs pros dans sa gamme, Sony doit aussi proposer des services.
La marque l’a anticipé. Au début du mois d’avril 2018, Sony a lancé une équipe pour répondre aux besoins des photographes d’agence, etc. en chassant des employés des deux « gros ». Mais outre cette équipe, il va aussi falloir à la marque apporter des services et des garanties supplémentaires, un système dédié de pièces détachées, un support sur place lors des gros événements, etc.
Les équipes de Sony que nous avons interrogées en ont pleinement conscience et tout se met doucement en place. Heureusement, car avec l’arrivée prochaine de Canon et Nikon sur le segment des hybrides à capteur plein format – prévu pour 2018 pour les deux marques – Sony va devoir (encore !) accélérer pour éviter que les indécis ne restent dans le système qu’ils connaissent déjà.
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