C’est peu de dire que le Nikon Z7 était attendu. Premier hybride à capteur plein format de la marque au logo jaune et noir, ce boîtier est la réponse à un changement d’ère technologique – le passage des reflex aux hybrides – qui a mis Nikon, et son rival Canon, dans l’embarras. Alors qu’ils contrôlaient 80% du marché des appareils à optiques interchangeables en 2011, depuis 2013 et la sortie des Sony Alpha A7, c’est l’hémorragie. Le 15 août 2018 dernier, Sony annonçait fièrement que plus de 50% du marché américain des appareils photo à capteur plein format était sous son contrôle. En Europe c’est même 53% de parts de marché qui vont dans la poche de Sony. Il était temps que Canon et Nikon répliquent…
Premier à réagir cet été, Nikon s’est lancé dans l’arène des appareils photo hybrides à capteur plein format avec sa nouvelle monture et ses deux premiers appareils, les Z6 (test à venir) et le Z7 que nous vous avions déjà présenté.
Une nouvelle génération de boîtiers dont la première mission est de proposer un niveau de prestation similaire à ce qu’offre Sony pour mettre, dans un premier temps, un frein à la migration. Un vrai challenge au vu de la qualité des appareils de dernière génération Sony que nous avons testés – Alpha A9, Alpha A7R Mark III et Alpha A7 Mark III. Mission accomplie ?
Format Alpha, grip et écran LCD en plus
Nous l’avions constaté lors de notre première prise en main en août dernier : Nikon a suivi Sony dans le format d’appareil, à savoir un boîtier volontairement très compact même si Nikon a conservé des éléments du code des reflex – grip similaire, molettes avant/arrière, joystick et écran LCD de contrôle des paramètres sur le dessus de l’appareil. Notez que le grip est un peu plus agréable que celui des Alpha, à la fois plus prononcé et plus premium en main. Le premier gain utilisateur de ce nouveau système est évidemment à regarder du côté de la balance.
Contrairement à un couple Nikon D850 + 24-120 mm f/4* dont le poids (1,715 kg) peut rebuter certains utilisateurs, le Z7 et son 24-70 mm f/4 forment un couple léger (1,175 kg) qu’on emporte avec bien plus de plaisir : 540g en moins sur l’épaule, ça change la vie à la fin de la journée ! A titre de comparaison, le même genre de couple chez Sony pèse 1,083 kg.
*Nikon ne propose pas de 24-70 mm f/4 en monture F
Le gros avantage de Nikon en 2018 par rapport à Sony en 2013 est son parc optique de la monture F. Quand Sony ne proposait que quelques optiques reflex de bonne qualité à monter sur ses premiers A7 et seulement trois optiques natives, Nikon dispose, en plus des trois optiques natives, d’un catalogue de plus de 300 optiques F qui peuvent être adaptées sur les Z7 et Z6 par le biais de son adaptateur. Si vous êtes détenteur d’optiques F, attention aux zooms bazookas : l’appareil n’offre une prise en main équilibrée qu’avec des optiques compactes. A titre d’exemple, le Z7 est tout à fait maniable avec l’excellent AF-S NIKKOR 300mm f/4E PF ED VR, un téléobjectif de conception moderne utilisant une lentille de Fresnel pour simplifier la formule optique (et diminuer taille et poids), ou encore avec le 14-24 mm f/4, un ultra grand angle au poids modéré. Mais au-delà de 1,0-1,5 kilogramme de verre dans l’optique, l’appareil pique du nez comme… les Alpha de Sony.
Il faudra utiliser un grip qui devrait être disponible en 2019 pour envisager d’utiliser sérieusement et sur le long terme les gros téléobjectifs. En attendant que Nikon comprenne (avant Sony, espérons-le) que certains photographes ont besoin d’un appareil moderne (hybride) mais robuste et physiquement similaire à un reflex (en plus léger) pour les terrains difficiles et donc capables de recevoir les gros téléobjectifs, la marque a bien saisi que l’écran LCD sur le dessus n’était pas un luxe, ce qui est une excellente chose – allô, Sony ?
Détail cocasse : quoi que doté d’un capteur bien plus petit, le Panasonic Lumix G9 offre tous les raffinements d’un appareil professionnel – double emplacement carte mémoire, écran LCD, super viseur, etc. – et une ergonomie bien plus équilibrée avec les grosses optiques tout en pesant le même poids que le Z7. Son secret ? Malgré sa légèreté (658g contre 675g pour le Z7, poids qui inclut la batterie), cet appareil propose une ergonomie copiant… les reflex. On y revient toujours !
Capteur 45 Mpix : du reflex à l’hybride, une qualité toujours au top
La définition et le rendu d’image du Z7 sont similaires au D850, ce qui est une excellente nouvelle. Pourquoi ? Parce que comme nous vous l’avions confié lors de notre test, le D850 est le meilleur reflex numérique jamais conçu. La comparaison est donc flatteuse pour le Z7 et très importante pour les utilisateurs de D850 et de boîtiers Nikon en général : les couleurs et le rendu d’image du Z7 sont tellement similaires au D850 qu’on peut shooter un projet indifféremment avec l’un ou l’autre des boîtiers – avec l’hybride dans la rue, avec le D850 dans la nature par exemple – sans que cela ne se remarque dans les images finales. Ainsi, le traitement électronique du Z7 n’est pas aussi tranchant que chez Sony par exemple, où la précision chirurgicale des capteurs et des optiques (haut de gamme) impose parfois d’adoucir des images, comme portraits par exemple. Ici le rendu par défaut est plus doux, typé reflex.
Dérivé du capteur du D850, le capteur CMOS plein format du Z7 est pourtant différent par un aspect d’importance: il intègre des collimateurs de phase sur toute sa surface et l’ajustement des microlentilles qui guident la lumière est adapté à la faible distance de tirage optique – seulement 16 mm ! Selon les informations que nous avons recueillies auprès de Nikon France, les performances d’imagerie pure de ce nouveau capteur sont au-dessus de celui du D850… Mais cela doit se remarquer uniquement en laboratoire : sur le terrain, nous n’avons vu aucune différence de comportement colorimétrique ou de réduction de bruit.
Certains utilisateurs mettent en lumière un phénomène de « banding », des bandes d’artefacts parasites qui apparaissent en basses lumières quand on pousse l’exposition des fichiers RAW au-delà de +4 EV. Un défaut que nous n’avons pas réussi à mettre en lumière et qui ressemble un peu à du coupage de cheveux en douze : la plage dynamique des fichiers est excellente – merci le plein format – et on arrive à récupérer énormément d’informations dans les hautes comme les basses lumières – privilège des grands capteurs.
Le rendu des couleurs par défaut en Jpeg est, comme chez le D850, vraiment bon puisqu’il s’avère être un bon équilibre en couleurs justes et rendu agréable. Il n’y a pas le caractère, le chien du traitement d’image Fujifilm, mais la neutralité maîtrisée du Z7 convient bien plus à l’ADN photo plus généraliste de Nikon.
Dans le domaine des hautes sensibilités, le capteur 45 Mpix et son processeur d’image réalise un excellent travail. Dans la lutte contre le bruit numérique – on shoote tranquillement jusqu’à 3200 ISO sans craindre les artéfacts – mais aussi dans la cohérence des couleurs.
Même à 25.600 ISO, où les clichés fourmillent, l’électronique arrive à maintenir les tons. Le bruit est là, mais le naturel des scènes est maintenu, ce qui est excellent compte tenu de la densité du capteur.
AF satisfaisant mais rafale moyenne
L’autofocus était un élément où l’appareil hybride de Nikon était attendu. Et pas qu’un peu : Nikon est avec son copain Canon les marques star des photographes de sport avec leurs reflex professionnels. Ici, Nikon avait cependant un handicap : utiliser un autofocus hybride. Si Nikon avait déjà expérimenté un tel autofocus dans ses Nikon 1, la marque n’avait pas encore adapté cette solution sur un si grand capteur, ni ne l’avait utilisé dans un appareil aux prétentions professionnelles.
Pour cette première mouture d’AF hybride en version “pro”, la partition est correctement jouée, mais on n’est pas encore au niveau d’un D500 : en plein jour l’appareil fait mouche sur les sujets dont la trajectoire n’est pas trop erratique, mais nous avons connu quelques ratés même en AF-C (autofocus avec mise au point en continu). Dans la vraie vie, l’autofocus est très bon pour un usage en plein mais il s’avère médiocre en basses lumières. En ressenti, il se situe entre les génération II et III des Sony Alpha, ce qui est plutôt bon considérant qu’il s’agit de la première génération de Nikon Z. S’il est ainsi moins « snappy » qu’un D850, le Z7 offre cependant un meilleur ratio d’image nettes, la grâce en soit rendue à son AF hybride dont la partie « détection de contraste » permet d’ajuster la mise au point de manière plus juste que la seule corrélation de phase des reflex.
Technologiquement, il manque à l’AF du Z7 une des fonctions phares des A7 de génération III de chez Sony : le suivi de l’œil. Perfectionné pendant des années – le « eye AF » a longtemps été une promesse peu fonctionnelle chez Sony – ce système qui maintient la mise au point sur l’œil (miroir de l’âme) du sujet en temps réel pendant le shoot est un must pour la photo de portrait. Et nous sommes un peu déçus de ne pas voir Nikon suivre dans ce domaine.
Adossée à ces performances AF, nous avons bien sûr la rafale. Une rafale dont la promesse initiale alléchante – 9 images par seconde – cache des limites. Primo une mémoire tampon limitée entre 20 (RAW) et 30 (Jpeg) clichés consécutifs avant ralentissement de la rafale. Ensuite, si les 9 i/s s’entendent avec suivi de l’AF – une bonne chose – elles ne s’entendent pas avec l’exposition qui reste bloquée sur la mesure de la première image. Les performances rafales intégrales « suivi + mesure de la lumière » sont moins ébouriffantes : 5 images par seconde. C’est bien au regard de la définition d’image, mais largement moins que la promesse initiale de 9 i/s. Et c’est surtout moins que le D850 qui carbure à 7 i/s dans les mêmes conditions voire à 9 i/s « all inclusive » avec le grip.
Excellent viseur, mais pas encore assez rapide
La qualité des dalles électroniques (LCD, OLED) disponibles sur le marché a souvent été un argument pointé par les constructeurs historiques de reflex pour ne pas lancer d’appareils hybrides. Les 3,6 millions de points de la dalle OLED du viseur du Z7 ont fini par séduire les ingénieurs de Nikon, lesquels lui ont offert un superbe jeu de lentilles et un traitement de surface qui la rendent particulièrement agréable à utiliser. Le rendu, à l’œil, est très réaliste, les pixels étant tout bonnement invisibles. Attention cependant : pour certains utilisateurs, les tons peuvent paraître trop saturés et/ou contrastés, il conviendra de bien faire attention à la luminosité.
Bon en plein jour, ce viseur est très agréable à utiliser de nuit puisque son amplification très efficace permet de voir et cadrer proprement, contrairement à un reflex – l’avantage d’avoir un viseur électronique. Seuls vrais reproches : un taux de rafraîchissement de seulement 60 i/s (60 Hz donc) quand certains modèles d’hybrides concurrents aussi bien définis (3,6 Mpix) poussent à 100Hz (Fujifilm X-H1) voire 120 Hz (Lumix G9, Sony A7R Mark III). Ainsi, le viseur du Z7 est moins taillé pour les scènes d’action que les appareils susmentionnés.
Nikkor S 24-70 mm f/4 : un petit zoom en or !
Si nous avons utilisé le Nikkor S 35 mm f/1.8 notamment en basses lumières, l’essentiel des clichés que nous avons produits proviennent du premier zoom que Nikon lance avec ce Z7, le Nikkor S 24-70 mm f/4. Nous pouvons vous affirmer sans détours que ce petit zoom est un bijou : lancé à 1000 euros nu (600 euros en kit), il restera vissé à bien des boîtiers tant il est bon ! Précis d’un coin à l’autre de l’image, ce zoom « standard » est un monstre de détails et produit des images qui allient peps et douceur des transitions. Il est bien supérieur au Zeiss 24-70 mm des Sony Alpha – une optique certes bien plus ancienne puisqu’elle a été lancée en 2013 avec le lancement du système hybride plein format Alpha.
Mais outre cette performance optique dans cette gamme de prix, l’autre élément clé de son succès sera sa compacité : ne mesurant que 8,9 cm repliée, elle ne pèse que 500 g, soit moins de 1,2 kg une fois combinée avec le boîtier. Voilà bien une combinaison qui remplit le contrat de légèreté des hybrides plein format !
Si vous êtes un obsédé de la qualité optique ou que vous êtes à la recherche d’un zoom encore plus lumineux, sachez que Nikon a officiellement dévoilé sa feuille de route de lancements d’optiques sur deux ans et qu’un 24-70 mm f/2.8 sera de la partie en 2019. Mais cela se fera au prix d’un poids et d’un encombrement supérieur. En tout cas, la gigantesque monture de Nikon semble effectivement donner toute la latitude à Nikon pour produire des optiques compactes tout en étant de grande qualité.
Résistance : ceci n’est pas tout à fait un reflex
Le Z7 est vendu comme un mini D850 en termes de résistance – boîtier en alliage de magnésium, etc. – mais ce n’est pas réellement le cas. D’une part, l’autonomie n’a rien à voir avec le dernier monstre de la gamme plein format de Nikon (le D850 peut enchaîner plus de 1800 clichés avec une seule charge selon la batterie de tests CIPA quand le Z7 est estampillé 330 images !) mais en plus, ni le boîtier ni les optiques, ne semblent aussi bien taillées pour encaisser les violences qu’un « bon gros reflex ». Qu’il s’agisse de qualité réelle ou de qualité perçue – parfois les matériaux ressentis comme fragile car légers s’avèrent plus résilients que des matériaux lourds –, le Z7 n’invite pas à être bousculé comme un reflex professionnel. Un sentiment renforcé par l’absence de pression ressentie sur les trappes à batterie et à carte mémoire – attention à l’immersion involontaire.
Dans la vie de tous les jours, l’appareil que nous avons eu en test lors d’un déplacement presse européen a quand même fonctionné sans soucis, après d’importantes variations de température – alternance nuit-jour en Norvège, passage d’une demi-heure dans un vestiaire empli de vapeur d’eau, nuit sous la tente, etc.
Et sa batterie a tenu un peu plus de 500 images par charge, ce qui est tout de même convenable. Et ce d’autant plus que le Z7 (et son frère le Z6) utilisent la batterie EN-EL15b, une variante d’une batterie bien connue, la EN-EL15 utilisée dans de nombreuses références (D750, D500, D810, D7200 et même D850 dans sa variante EN-EL15a). Un détail qui a son importance : si vous avez des appareils Nikon utilisant de telles batteries, vous pouvez profiter de tout votre parc énergétique sur le Z7 et vice-versa, les variantes étant toutes rétrocompatibles – mais seules les EN-EL15b peuvent être chargées dans l’appareil photo via la prise USB C.
Video 4K sans recadrage, mais pas de 60p
Si le Canon EOS R a un écran plus adapté que le Z7 avec sa rotule orientable, la partition technique de ce dernier domine largement Canon. Un comble quand on se souvient que Canon fut, avec son EOS 5D Mark II, le grand pionner de la vidéo sur reflex. Entre temps le constructeur a bâti un juteux business de caméras professionnelles (C300, etc.) et a préféré castrer ses hybrides et reflex récents pour inviter les utilisateurs sérieux à opter pour ces modèles – qui sont accompagnés, reconnaissons-le, de SAV et services dédiés. Mais cela a laissé le champ libre à la concurrence, notamment Panasonic et Sony. Et Nikon qui peut, avec la qualité et les nombreux paramètres professionnels de ce Z7, se placer en offre intéressante dans le domaine de la vidéo. Dommage que la 4K60p ne soit pas de partie et que dans la vidéo Nikon se contente d’être suiveur. Mais on apprécie, par rapport aux reflex de la marque, que le Z7 n’impose pas de recadrage en vidéo : un 24 mm reste un 24 mm et ça c’est une excellente nouvelle.
Défauts et erreurs de jeunesse
La première pierre d’achoppement que nous avons avec ce Z7 concerne l’utilisation de cartes XQD. Plus rapides, plus solides que les cartes SD, les cartes XQD ont comme défaut majeur d’être très chères, sans beaucoup de compétition et utilisées uniquement par Nikon. Les arguments quant à la vitesse – et leur compatibilité avec le futur format CF Express – ne tiennent d’ailleurs pas beaucoup la route à l’heure actuelle : si elles sont plus rapides que les cartes SD, c’est en réalité la mémoire tampon des appareils qui bride les performances. La preuve étant que l’Alpha A9 avec son capteur énervé qui shoote à 20 i/s ne ralentit qu’après 12 secondes de rafales (environ 250 images !). Le Z7 aurait été plus intéressant avec deux emplacements pour cartes SD et plus de mémoire tampon qu’avec un seul emplacement XQD.
Côté ergonomie, nous aurions préféré un boîtier un poil plus épais façon Panasonic G9 ce qui aurait amélioré la prise en main avec les téléobjectifs. Un rétroéclairage des commandes aurait été, à plus de 3500 euros le boîtier, bienvenu – mais il est difficile de reprocher cela à Nikon quand Sony fait lui aussi l’impasse. En termes de connectivité, si on apprécie la possibilité de recharger l’appareil via la prise USB C, sachez qu’on ne peut pas travailler en mode connecté comme c’est le cas avec Olympus ou Fujifilm par exemple.
Finalement, si l’appareil offre le niveau de performances attendues, viseur mis à part, il n’y a pas d’effet « waouh », c’est-à-dire pas de fonction extraordinaire – PixelShift chez Sony, Focus Stacking chez Panasonic, AstroTracer chez Pentax, etc. – qui le distingue. Nikon a bétonné ses fondamentaux – ce que l’on comprend – mais on aurait apprécié un peu d’audace technologique. Du panache, que diable !
Edit du 29/10/2018 : Nikon avait bien utilisé l’autofocus hybride (phase + contraste) dans les Nikon 1, contrairement à ce qui avait été mentionné dans la première version de cet article.
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