Le Mac mini a une histoire tumultueuse. Positionné comme le premier Mac à moins de 500 euros, destiné à attirer les déçus de Windows, il a ensuite eu des velléités changeantes couronnées de divers succès, montant en puissance, avant de se perdre et de paraître abandonné.
Un bref rappel d’une histoire en dents de scie
Ainsi, au fil des mises à jour, le Mac mini s’est vu doter d’un processeur à quatre coeurs en 2011, puis 2012, avant de repasser à un double coeur en 2014. La faute à Intel, sans doute, ou à un positionnement peu clair. De fait, ce dernier Mac mini avait des airs de retour en arrière ponctuel en termes de performances. Une situation d’autant plus trouble qu’il n’était pas possible de changer le stockage.
Après une traversée du désert de quatre ans, Apple remet son Mac mini à jour et souhaite en faire une sorte d’ordinateur couteau suisse, à mi-chemin entre machine grand public et professionnelle – sans lui attribuer l’appellation Pro pour autant. Un Mac qui se veut puissant et adaptable, capable de satisfaire les particuliers, les codeurs, les vidéastes, etc. Une lourde tâche pour un Mac toujours aussi mini…
Pas de changement mais du mieux
Car Apple ne change pas de design, là où la concurrence PC a beaucoup innové avec des formats ultra compacts et plutôt novateurs. On retrouve le boîtier parallélépipédique aux coins arrondis de 19,7 cm de côté pour 3,6 cm d’épaisseur. Peu encombrant, il ne pèse que 1,3 Kg et pourrait même faire office de station de travail volante qu’on glisse dans un sac à dos quand on sait qu’on trouvera clavier et souris à l’arrivée.
Les amateurs du fini gris sidéral seront ravis, le Mac mini l’adopte, pour un résultat très plaisant à l’oeil.
Difficile de trouver à redire sur la finition et la qualité des matériaux – en l’occurrence de l’aluminium recyclé comme pour le MacBook Air. On a beau le tourner et l’observer sous tous les angles, esthétiquement, ce Mac mini est au top.
Le regarder en détail aboutit à noter une ouverture circulaire sous son pied pour laisser passer l’air chaud que son processeur desktop ne manquera pas de produire. Une grille est également aménagée à l’arrière du boîtier.
Justement, il faut convenir que c’est à l’arrière qu’on note un grand mieux. Alors qu’Apple nous a habitué ces dernières années à moins de connectique, sur ses MacBook surtout, le Mac mini sort le grand jeu. Sont ainsi à disposition un port Gigabit Ethernet (il est possible d’opter pour une option 10 Gigabit Ethernet, d’ailleurs), quatre ports Thunderbolt 3 au format USB-C, une sortie HDMI 2.0, une prise mini-jack et, enfin, deux ports USB 3 au format classique (USB-A).
Cette richesse et variété de la connectique fait écho à la promesse de ce Mac mini de servir une grande palette d’usages. En cumulant HDMI et Thunderbolt 3, il est ainsi possible de brancher simultanément un écran 5K et un écran 4K ou alors trois moniteurs 4K. La disparition de la prise micro est compensée par la capacité des prises USB à gérer le son numérique/analogique. De ce côté-ci, la promesse d’une machine polyvalente et adaptée à tous les usages semble clairement tenue. Voyons maintenant s’il a dans le ventre ce qu’il faut côté puissance.
Un processeur de « bureau » sans arme secrète
La première chose à noter, c’est qu’après quatre ans de jachère, cette mise à jour permet au Mac mini de revenir dans la course, même si, comme pour le MacBook Air et ses concurrents ultra-portables, la concurrence a bien évolué également.
La seconde chose qu’on peut relever, c’est le retour des processeurs à quatre coeurs. En l’occurrence, nous avons testé le modèle d’entrée de gamme avec son processeur Core i3-8100b. Il ne propose ni HyperThreading, ni TurboBoost, vous aurez donc droit à quatre threads seulement et pas d’augmentation de la fréquence en cas de besoin.
Par ailleurs, la lettre B implique une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, il s’agit d’une puce pour ordinateur de bureau. Autrement dit, malgré le fait que le Mac mini soit un mini PC, il n’est pas limité à un processeur pour portable, comme cela a parfois été le cas – et comme ça l’est pour les modèles Core i5 et i7 à six coeurs (douze threads) disponibles en option pour le Mac mini.
La mauvaise nouvelle tient au fait que la puce est soudée à la carte mère – pour des raisons de compacité. Il ne sera donc pas possible de la mettre à jour.
Dans les faits, quand on frotte le Mac mini a des usages grand public, le Core i3 est largement assez puissant pour le quotidien numérique : Web, mail, traitement de texte, streaming, même 4K, etc.
Quand on le pousse un peu plus, on est satisfait de constater qu’il ne throttle pas trop. La ventilation du Mac mini permet de bien dissiper la chaleur et donc d’éviter que la fréquence de fonctionnement ne chute trop.
Si on considère le Mac mini comme une machine grand public, il est assez logique de vouloir le comparer aux derniers Mac mis à jour. Rapidement, on constate qu’il domine la gamme grand public. Avec Geekbench, son résultat en Single Core dépasse tous les autres Mac, de toutes les autres gammes non pro, à l’exception de l’excellent iMac 27 pouces sorti en juin 2017 et équipé d’un Core i5-7500 à 3,4 GHz.
Quand on s’intéresse aux résultats « multi-core », le nouveau Mac mini dépasse largement tout le monde, même son grand frère l’iMac. Evidemment, il n’est pas nécessaire de préciser qu’il est bien plus performant que le Mac mini précédent. Comment autrement, après quatre ans d’attente.
Si on prête l’oreille aux promesses faites à une multitude floue de professionnels, il est alors normal de le comparer aux dernières machines estampillées Pro d’Apple qui sont passées entre nos mains.
D’emblée, les résultats sont différents. Aussi bien en single core qu’en multi-core, Geekbench donne l’avantage aux modèles Pro, y compris pour le MacBook Pro 13 pouces (avec Touch Bar).
La charité pour une carte graphique
Comme cet ultra-portable, le Mac mini souffre du mal des plates-formes sans carte graphique dédiée. Car l’UHD Graphics 630, le chipset intégré au processeur ne fait évidemment pas de miracle, même si Apple clame qu’il est jusqu’à 60% plus performant que celui du modèle de 2014.
Dans les faits, il est moins médiocre que celui qu’on retrouve notamment dans le MacBook Air 2018, mais il ne permet pas de se lancer sans réfléchir dans toutes les tâches un peu exigeantes qu’un Mac peut être amené à rencontrer.
A l’usage, CPU et GPU arrivent à gérer l’édition bout à bout de fichiers vidéo 4K, mais le GPU commencera très rapidement à peiner quand on lui demandera d’y appliquer des corrections colorimétriques ou des effets. A l’heure où les smartphones filment en 4K, c’est peut-être un peu léger. Même chose avec quelques rendus 3D ou des jeux vidéo.
Pour mesurer ses performances, nous avons eu recours à Cinebench pour le comparer au Mac mini précédent. La logique donne évidemment un large avantage au dernier-né des mini PC d’Apple, qui est environ 1,6 fois plus rapide que son aîné – la promesse faite par Cupertino est tenue. Le Mac mini 2018 est plus puissant que le modèle 2014. La belle affaire ! Mais que vaut-il face à des machines plus récentes ?
Pour en prendre la mesure, nous nous sommes tournés vers les benchs Metal, l’API graphique qu’Apple met en avant depuis son introduction en juin 2014. C’est elle qui présidera très bientôt au rendu graphique sur macOS.
Une fois encore, grâce à son Core i3 (et son chipset graphique) plus performant, le Mac mini s’en sort mieux que le MacBook Air, mais pour le reste, il s’en laisse démontrer par les MacBook Pro récents, même le 13 pouces qui n’a pas de puce dédiée. Même tendance face à l’iMac 2017… Par pudeur et parce que les prix et positionnement sont résolument différents, on ne parlera même pas de l’écart colossal qui le sépare de l’iMac Pro.
Pour conforter cette première observation, on se tourne alors vers GFXBench Metal.
Cette fois encore, le Mac mini fait mieux que le MacBook Air sorti cette année, décevant par sa puissance. En revanche, il ne peut prétendre s’aligner avec d’autres machines, même les portables. Cet état de fait se remarque quand on cherche à jouer, donc, ou à réaliser des tâches plus lourdes. En définitive, les limites au quotidien, quand on cherche à dépasser les usages de base et les résultats de ces tests, nous poussent à deux réflexions.
La première est de l’ordre de la constatation. Il paraît évident que toute personne un peu sérieuse pour des rendus 3D, du calcul scientifique, etc. n’aura pas d’autre choix que d’ajouter un eGPU à ce Mac mini, si elle le choisit.
Nous avions observé des performances multipliées par 3,7 pour les mêmes tests avec le MacBook Pro 13 pouces 2018 lorsque nous lui avions apporté le soutien du boîtier eGPU de BlackMagic Design. Le gain pour le MacBook Pro 15 pouces était évidemment plus réduit, du fait de la présence d’une puce graphique dédiée dans le portable. Mais on notait toutefois un quasi x2. On peut donc espérer un gain oscillant entre ces deux coefficients si on fait l’effort financier d’accoler un eGPU au Mac mini.
La seconde réflexion tient à une forme d’incompréhension. Le Mac mini est par définition et en général appelé à être une machine de bureau, mise en valeur ou cachée, qu’on ne bougera pas souvent. Pourquoi dès lors avoir opté pour le maintien des limites de son design. Nous l’avons dit, il est séduisant et peu encombrant. Mais pourquoi ne pas s’être affranchi de cette compacité auto-imposée pour pouvoir lui intégrer une vraie puce graphique et un système de ventilation adapté le cas échéant ? Voilà qui donne encore un coup de canif dans l’image du mini PC pensé pour tout faire…
Un rapide coup d’oeil sur la concurrence
D’ailleurs le comparer aux différents mini PC, qui émergent d’un marché plutôt calme, confirme cette impression qu’Apple n’a pas forcé son talent.
Pour trouver ses opposants, nous nous sommes tournés vers le Top 3 de nos mini PC, à savoir l’Intel NUC7I5BNH, sorti en 2017, le Bleujour Wood Kubb Noyer, également commercialisé en 2017, et enfin le Revo One, d’Acer, le grand ancien de cette sélection puisqu’il est disponible depuis 2015.
Que ressort-il de cette petite comparaison réalisée sous Windows ? Que le Mac mini n’écrase pas la concurrence, loin de là, bien qu’il soit plus récent. En termes de performances globales, il est battu par le NUC d’Intel et s’avère légèrement plus puissant que le mini PC made in France, le Bleujour Wood Kubb Noyer, sorti en 2017.
Enfin pour faire court, notons que ces trois PC sont tous moins chers que le Mac mini et obtiennent un score bien supérieur pour ce qui est du stockage avec PCMark 8.
Le SSD, une lueur d’espoir malgré tout
Lorsque nous avons testé le MacBook Air 2018, nous avons versé de lourdes larmes de déception sur son disque SSD de 128 Go. Manque de chance, on retrouve grosso modo le même ici… La capacité est toujours aussi ridicule et pose les mêmes problèmes de saturation rapide du stockage. Toutefois, les performances en lecture et écriture sont un peu meilleures, sans être pour autant aussi flamboyantes que peuvent l’être celles des MacBook Pro ou des iMac.
Néanmoins, il faut bien garder en tête qu’il est moins difficile de laisser un disque dur externe (Thunderbolt 3, de préférence) connecté en permanence à l’arrière d’une machine de bureau. Ensuite, il faut également se rappeler qu’il n’y a pas si longtemps Apple nous affligeait et nous infligeait des disques durs mécaniques (5 400 tours/minute, en règle générale sur les modèles d’entrée de gamme).
Il y a donc ici une forme de progrès qu’on ne peut nier. C’est un peu court, mais mieux.
Précisons à toutes fins utiles que les derniers Mac mini que nous avions testés offraient un stockage Fusion Drive… d’un téraoctet. Les performances de ce disque étaient d’ailleurs plutôt bonnes et s’ajoutaient à la capacité de stockage importante. Un compromis qu’on regrette presque. Ainsi, avec BlackMagic Disk Speed Test, on obtenait des vitesses en lecture et écriture tout à fait honnêtes mais largement éclipsées par celles du modèle actuel.
Un compagnon pour sécuriser la plate-forme
Mais ne nous plaignons pas trop du SSD de série, d’autant qu’il s’accompagne d’une bonne surprise : la puce T2. Le Trusted Platform Module (TPM) à la sauce Apple est embarqué dans ce Mac mini. La puce maison va plus loin et joue le rôle de contrôleurs pour le SSD, est en charge de la gestion des clés de chiffrement, etc. Elle sécurise ainsi le boot et s’assure que le système d’exploitation n’a pas été altéré par une attaque.
Au quotidien, c’est donc une plus grande sérénité pour l’utilisateur, qui sait que ses données sont chiffrées et que cette protection n’a pas d’impact négatif sur les performances de sa machine.
Pourtant, si on veut se projeter un peu plus loin, sur une machine à tout faire qui devrait être évolutive a minima, cette médaille à un revers. A cause de l’Apple T2, Linux se retrouve à la porte par exemple. Tandis que les réparations ou évolutions du Mac mini importantes sont bien plus compliquées et pour tout dire impossible à réaliser pour des réparateurs non agréés par Apple. D’ailleurs, puisqu’on parle de mise à jour matérielle, même changer la RAM, une opération bénigne et donnée pour être abordable, demandera d’être très à l’aise avec le démontage de son Mac mini. Redonner un coup de jeune aux Mac actuels sera bien plus dur d’ici quelques années. Le revers de plus de sécurité, pourrait-on dire, optimiste.
Grosse conclusion, petite déception
En définitive, après avoir testé et utilisé ce Mac mini 2018 – et il est possible qu’une configuration plus musclée puisse satisfaire davantage d’usages, notamment ceux des développeurs, on comprend qu’Apple ne lui ait pas accolé l’appellation Pro. Il s’agit d’une machine entre deux eaux. Elle a évidemment des atouts et des spécificités qui pourront séduire certains utilisateurs professionnels. Mais systématiquement, l’atout à son revers. Ainsi l’option 10 Gigabit Ethernet est parfaite pour une ferme de calcul, par exemple. Mais pourquoi une machine destinée à une ferme de rendu n’est-elle pas dotée d’un GPU digne de ce nom, alors qu’ils sont de plus en plus souvent sollicités pour des calculs parallèles lourds ? Et pour les processeurs, pourquoi ne pas avoir d’HyperThreading et de TurboBoost sur ce Core i3 ? Et pour aller plus loin, pourquoi ne pas pousser jusqu’au Xeon et se tourner alors vers de la mémoire ECC, qu’Apple vantait dans son iMac Pro pour la fiabilité des calculs scientifiques ?…
Il y a là une question de prix, évidemment, mais aussi de facteur de forme. Pourquoi le Mac mini est-il resté si petit si son objectif est de s’insérer dans des mondes professionnels variés ? C’est à se demander s’il n’aurait pas fallu créer un Mac mini grand public et un Mac mini Pro, comme a existé une version Serveur il y a quelques années.
En attendant de voir ce que donnera le Mac Pro modulaire, on ne peut que supposer qu’Apple propose ici une petite machine « pro » d’appoint… et qu’il faudra débourser bien plus que les 900 euros de l’entrée de gamme pour vraiment en profiter.
A moins que, comme nous en avons eu la démonstration lors de son introduction à New York, la firme de Cupertino rêve de voir le monde l’adopter en grappe, en petit ou gros cluster. Nulle doute que certains professionnels sauteront le pas. Car, macOS est toujours une force indéniable et certains logiciels, comme Compressor, gèrent intelligemment la répartition de la charge de calcul entre plusieurs Mac mini inter-connectés.
Mais, pour en revenir à ce modèle équipé du Core i3-8100b, ses défauts majeurs peuvent s’expliquer et s’excuser (en partie) si on le considère comme une simple machine grand public ou comme une porte d’entrée dans le monde des Mac, pour un développeur par exemple. Pourtant, dans ce cas, difficile de ne pas trouver que la facture est trop salée par rapport à la promesse tenue… Trop peu pour trop cher, c’est décidément une impression de plus en plus récurrente, ces derniers temps, avec les Mac.
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.