Ce n’est pas tous les jours qu’Apple lance une nouvelle catégorie de produits et arrive sur un nouveau marché. Encore qu’on pourrait argumenter que la société de Cupertino s’est déjà frotté au monde des enceintes, avec feu l’iPod Hi-Fi. Mais reconnaissons que le HomePod, enceinte compacte et intelligente, n’a pas grand-chose à voir avec son aîné…
Les temps ont changé et les enjeux aussi. On serait tenté de penser qu’Apple a un agenda bien à lui et qu’il échappe aux tendances du marché. Mais c’est faux : avec le HomePod, Apple doit empêcher ses concurrents de prendre le large… à sa manière, et en servant ses intérêts. Ainsi, en plus d’offrir un son de qualité, l’enceinte doit pousser en avant Apple Music, populariser Siri et faciliter le contrôle des accessoires HomeKit, pour la maison connectée.
Compacité et technologie
Une tâche bien lourde pour une enceinte si petite et compacte. Tant qu’on ne l’a pas vue, le design minimaliste peut séduire ou rebuter, mais il est difficile d’avoir une idée de ses dimensions. Le HomePod, c’est un peu plus de 17 cm de haut de finition soignée, et un peu plus de 14 cm de circonférence. L’enceinte paraît plus petite qu’on ne l’imaginait… et plus lourde (2,5 Kg, tout de même).
Il faut dire qu’Apple y a empilé une quantité assez invraisemblable de composants. Sept haut-parleurs directionnels (chacun équipé de son propre amplificateur), six microphones extérieurs pour capter votre voix et les bruits ambiants, un woofer d’environ 14 cm de large pour des basses fortes, profondes et rondes et une surface tactile, au sommet. Elle permet, en plus de montrer que Siri est actif, de régler le volume sonore, de passer un morceau, de revenir au précédent ou d’arrêter la musique.
L’essentiel des composants est caché derrière un revêtement tissé gris clair ou gris sidéral, qui est la meilleure solution pour ne pas entraver la diffusion du son. Est-ce tout ? Non.
Comme la plupart des produits sortis récemment par Apple, le HomePod embarque une puce maison, l’Apple A8, introduite avec l’iPhone 6/6 Plus. Elle est chargée d’une double mission d’importance : vous faciliter la vie et… gérer le son.
La force et le génie de la simplicité
Apple ne déroge pas à ses habitudes. L’ergonomie doit être la meilleure possible et l’installation totalement transparente. De ce côté, il faut reconnaître que la promesse est tenue. On pose le HomePod là où on souhaite l’installer, on le branche. Puis, on suit sur l’iPhone les quelques étapes qui permettent de définir dans quelle pièce il est situé, quel compte iTunes il utilisera, etc. La configuration prend moins de deux minutes.
Cette simplicité a un revers, pour l’heure, seul un iDevice pourra configurer l’enceinte d’Apple. En l’adoptant, vous entrez dans un univers clos. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
En revanche, inutile de vous promener avec votre smartphone dans la pièce, comme avec les enceintes Sonos, pour configurer et optimiser le rendu sonore. Les premières secondes de chaque morceau joué permettent au HomePod de se localiser dans l’espace, de mesurer les rebonds sonores liés aux meubles et objets alentour afin de faire en sorte que le son soit le meilleur possible.
Et si vous avez décidé d’acheter deux HomePod, l’installation change à peine. Le multi-room fonctionne parfaitement, comme dans un rêve, et sans latence si votre réseau Wi-Fi tient la route. On le contrôle très facilement pour écouter la même musique partout ou pour créer des ambiances différentes selon les espaces de vie.
Si vous en installez deux appareils dans la même pièce, vous pourrez les coupler en appuyant sur un bouton dans l’appli pour qu’ils jouent en stéréo. L’enfance de l’art… La musique sera alors « scindée » en deux voies, gauche et droite. Le passage de deux HomePod séparés à deux enceintes qui jouent en stéréo se réalise tellement facilement qu’on peut être tenté de le faire à l’occasion, pour sonoriser une soirée, par exemple.
Dans un cas comme dans l’autre, la promesse est belle, celle d’un son diffusé en fonction de l’espace occupé pour une meilleure lisibilité. Schématiquement, la voix et l’instrument principal sortent par la voie centrale, les instruments d’accompagnements et les back vocals sont poussés sur les côtés. Au sommet trônent les basses.
Et je monte le son…
Parlons du son justement, et plus précisément de sa qualité. Apple est parfois paré de vertus quasi magiques. Comme si le géant américain pouvait réussir l’impossible. Mais n’imaginez pas que le HomePod est un système audio haute-fidélité. Il produit un son de bonne qualité, voire de très bonne qualité… pour un appareil de cette taille.
En guise de préliminaires, deux remarques. La première, une fois un certain seuil qualitatif atteint, l’appréciation du son est toujours assez subjective avec ce genre d’enceintes. Il arrive ainsi qu’un son « moins » bon séduise davantage. La seconde, le fait qu’un processeur gère le signal à la volée en fonction de la pièce, complexifie et la perception et les mesures.
Quoi qu’il en soit, nos tests en chambre sourde ont montré les limites de ce genre de produit et la performance réalisée par Apple. Malgré sa petite taille, le HomePod assure une belle puissance, sans saturation ni vibration désagréable – sauf s’il est posé sur un support susceptible de vibrer. Attention à ce détail. Quand on pousse le volume, on note peu, voire pas de distorsion, le son emplit alors pleinement et joliment une pièce de bonne taille (environ 30 m2 parisiens).
Il couvre par ailleurs une bande passante quasi complète, de 35 à 20 088 Hz. Un bel effort, conforme aux promesses d’Apple. Néanmoins, les basses sont prééminentes, soutenues en cela par des médiums bas plus présents que les médiums aigus. Les aigus eux sont, toujours d’après nos mesures, plutôt faiblards, pour ne pas dire absents. Pourtant, grâce à l’Apple A8 et à ses sept haut-parleurs, le HomePod réussit à faire ressortir la voix et les instruments phares.
A l’oreille, sans être audiophile, ces observations se confirment. Pour faire court, on a l’impression d’avoir à faire à un son… Beats. Les basses pulsent fort et couvrent l’ensemble du son. Ce qui est parfait pour certaines productions rap récentes ou des morceaux pop rythmés, ou même le rock “gras”.
En revanche, quand les morceaux se font un peu plus subtils, on regrette l’absence d’un certain relief et de détails dans les aigus même si l’ensemble reste lisible dans ce cas. Les amateurs de metal risquent d’être les plus échaudés. La prédominance des fréquences basses aboutit parfois à une sorte de bouillie d’où émerge à peine la voix.
Si vous vous essayez à écouter du classique, le résultat est tout à fait audible – sauf pour les puristes ? – et parfois agréable, mais vous noterez immédiatement l’absence de nuance, notamment si les violons entrent en piste. Le son paraît alors un peu plat, un peu terne, dépourvu des petites aspérités qui donnent vie à la musique.
Mais stop. Mettons en pause. Avant d’aller plus loin, précisons que cette qualité sonore varie également beaucoup en fonction de la source : Apple Music ou… le reste du monde.
Car le HomePod est un jardin clos. Comme quasiment toutes ces concurrentes, l’enceinte est ainsi pensée pour fonctionner avec le service musical maison. Mais là où les Google Home et autres Echo permettent de configurer par défaut un autre service, comme Spotify, le HomePod impose Apple Music. Le service est certes de très bonne qualité et a de nombreux atouts (plus de 45 millions de titres, 2 millions d’artistes, des playlists thématiques, des radios assez exceptionnelles et une présentation éditoriale très intéressante de nouveaux contenus), mais la liberté de choisir aurait également été un bon argument.
Certes, on peut utiliser un compte Spotify, par exemple, depuis son iPhone et via AirPlay. Mais il est alors impossible de contrôler la lecture des morceaux directement depuis l’enceinte, et le rendu sonore sera alors vraiment moins bon qu’avec Apple Music. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’Apple ne fait pas tellement d’efforts pour le pluralisme des solutions.
Tenir la comparaison
Nous avons sans doute la dent un peu dure, et c’est parce que les attentes sont fortes. Par principe, le prix est assez élevé, et parce que certains défauts auraient pu être corrigés depuis le lancement américain de l’appareil.
Néanmoins, il est évident que dans la gamme des enceintes connectées, le HomePod domine de la tête et des épaules les enceintes de la concurrence. C’est le cas pour les enceintes Alexa d’Amazon, et pour celles de Google, au moins celles commercialisées en France. Il faudrait voir ce que donne le Google Home Max.
Cette course en tête est beaucoup moins évidente quand on place le HomePod face à un concurrent sérieux, la Sonos One. En attendant de faire un comparatif, avec mesures à l’appui, nous nous sommes livrés à un petit blind test familial en écoutant quelques morceaux : Nisi Dominus, de Vivaldi, Immigrant Song, de Led Zeppelin, Time after Time, interprété par Miles Davis, Always Ascending, de Franz Ferdinand, Hotel California, des Eagles et Mobilis in Mobile, de L’affaire Louis Trio (à la demande des enfants).
Systématiquement, l’enceinte Sonos a été désignée comme fournissant le son le plus détaillé, le plus clair. Surtout sur la composition de Vivaldi. Il faut toutefois préciser que le titre de Franz Ferdinand, notamment, paraît plus pêchu, plus entraînant sur le HomePod. C’est là qu’on retrouve un peu du côté subjectif. Paradoxalement, le meilleur son n’est pas forcément celui qu’on a le plus envie d’écouter. Ainsi, on prend plus de plaisir à écouter du rap sur le HomePod, pour la puissance des basses.
Une intégration perfectible
Cette capacité à porter les fréquences basses a également son intérêt si vous décidez de brancher votre HomePod à votre téléviseur ou votre vidéoprojecteur, pour donner plus de coffre à votre film ou série préférée du moment. C’est évidemment encore plus probant si vous utilisez deux HomePod connectés pour sortir le son en stéréo. Un Kit 2.0 à… 700 euros. Tout de même.
Toutefois, pour utiliser le ou les enceintes d’Apple avec un téléviseur, il vous faudra obligatoirement utiliser une Apple TV. Si la configuration est simple – on choisit le couple de HomePod parmi les sorties audio disponibles – il faudra recommencer à chaque utilisation. C’est un pénible…
Le plus regrettable : il est impossible de contrôler l’Apple TV depuis l’enceinte. Cela aurait été très utile – et pertinent – de pouvoir utiliser Siri pour lancer un film, mener une recherche, sans avoir à utiliser la télécommande de la petite box. Ce n’est hélas pas possible.
C’est là un des paradoxes incompréhensibles du HomePod. Apple n’a pas poussé l’intégration aussi loin qu’on aurait pu l’espérer. Il l’a fait de manière très inégale, avec du bon et du très perfectible.
Pour ceux qui ont cédé aux sirènes de la maison connectée, avec des appareils compatibles HomeKit, le HomePod est un vrai facilitateur au quotidien. Plus besoin de passer par un iPhone ou un iPad pour pouvoir baisser ses stores, allumer la lumière ou lancer sa cafetière. On entre dans la pièce et interpelle Siri. En l’espèce, bonne nouvelle, Apple raccroche les wagons avec Google Home et consorts !
Voilà pour le meilleur, passons au moins bon, aux petits ratés de l’intégration. Ils sont assez nombreux. Ainsi, le HomePod n’est pas capable de reprendre « automatiquement » la lecture d’un morceau écouté sur l’iPhone quand vous rentrez à la maison.
Impossible également, quand le HomePod veut bien vous indiquer le temps de trajet jusqu’à un lieu donné, de transférer le trajet recommandé vers votre iPhone. Il faut refaire la même demande à son téléphone.
Pas moyen, non plus, de lire une note, contenant une recette de cuisine, depuis le HomePod. Siri nous renvoie systématiquement à l’iPhone pour s’authentifier, et c’est lui qui lit ensuite le contenu du petit document.
Bref, le HomePod semble être un îlot isolé sur la planète Apple. Quand des ponts existent, ils sont brinquebalants. Ainsi, il est impossible d’initier un appel téléphonique depuis l’enceinte. On peut prendre ou commencer le coup de fil depuis son iPhone et le transférer ensuite vers le HomePod, où on pourra le conclure en tapotant la surface tactile.
Pourquoi ne peut-on passer d’appel alors qu’on peut envoyer des messages (iMessage, WhatsApp, etc.) ? Serait-ce pour ménager nos vies privées ? Peut-être. Mais dans ce cas, pourquoi permettre à n’importe qui de demander au HomePod de lire le dernier message reçu sur votre iPhone (s’il est connecté au même réseau Wi-Fi) ?
Le simple fait d’autoriser les requêtes personnelles lors de la configuration fait en effet en sorte que n’importe qui peut envoyer des messages ou écouter ceux que vous avez reçus sur votre iPhone. Pourquoi ? Parce que Siri n’est pas capable de faire la différence entre vous et votre fils, un ami ou toute autre personne capable de parler français. En 2018 ? Vraiment ?
Siri toujours trop limité
Qui dit enceinte connectée dit évidemment assistant vocal. Amazon a Alexa. Google a Assistant et Apple a le premier d’entre eux, Siri. Omniprésent dans ses produits désormais, au point que l’activer sur son HomePod l’éveille aussi sur l’iPad, l’iPhone et éventuellement la Watch, Siri est ici dans une version limitée par rapport à celle présente sur l’iPhone. Officiellement concentré sur la musique, l’assistant permet également de gérer quelques fonctions annexes, les messages, la météo, les classiques rappels, un réveil (mais pas en musique !), etc.
Dans l’ensemble, pour ces usages complémentaires, les choses se passent bien. Pour la musique, le bilan est plus mitigé. Si l’enceinte réagit plutôt vite dans la plupart des cas, la donne se complique quand on s’écarte des titres très populaires et des lancements de playlists préétablies. Pas besoin d’aller chercher loin pour se retrouver face à un mur d’incompréhension. Perdue, Siri lance alors n’importe quelle musique plutôt que celle demandée. Parfois, il faut forcer la prononciation française pour être compris, comme quand on veut écouter Windowlicker, d’Aphex Twin.
Pour l’heure, nous n’avons pas encore trouvé la bonne prononciation pour écouter Blodtorst, de Kvelertak, qui figure sur Apple Music. De même, quand on lui demande de jouer le dernier album de Franz Ferdinand, Siri se réjouit de le lancer et met en lecture le premier album du groupe écossais…
Le problème vient souvent de la prononciation, donc. La nôtre, on veut bien le croire n’est pas parfaite, mais celle qu’attend Siri est quelquefois risible. Au point, qu’il nous est arrivé plus d’une fois de nous rabattre sur la saisie manuelle dans l’application Apple Music de l’iPhone. Cela arrive également avec Google Assistant, mais moins souvent malgré tout.
Objectivement, Siri peine à tenir son rôle et perd pied quand on lui demande de s’éloigner de sa zone de confort et de répondre à des questions de « culture générale » . A la question, « qui est président de la République française ? » à laquelle un enfant de huit ans donne la bonne réponse en avalant tout rond une tranche de brioche, il nous a été répondu… « Edouard Philippe ». Une erreur assez incompréhensible, corrigée depuis, qui donne malgré tout un aperçu de la marge de progression de Siri dans le domaine des recherches et de la mise en forme de l’information.
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