A défaut de proposer une rupture technologique, les fabricants tentent d’apporter des fonctionnalités supplémentaires à leurs smartphones. Dans les pas de Microsoft, Samsung joue la carte du 2-en-1 avec un Galaxy S8 qui ferait office de PC (trans)portable. Pour cela, le sud-coréen commercialise le DeX, un accessoire vendu 149 euros. Dans les faits, il s’agit d’une station d’accueil équipée d’un port RJ45, de deux ports USB 2.0, d’une sortie HDMI et d’un port USB Type-C. Le but est d’y connecter le smartphone, un écran, un clavier et une souris pour que S8 se transforme en bon vieux PC.
En main, l’accessoire n’est pas bien lourd. Il s’agit davantage d’un boîtier en plastique bardé de connectique que d’un appareil à proprement parler. La paroi supérieure abrite un ventilateur. En coulissant, elle laisse la place à un connecteur USB Type-C qui viendra alimenter le Galaxy S8. Notons que le DeX devra lui-même être relié à une prise de courant pour fonctionner.
Installation enfantine, environnement familier
La force de ce DeX est sa simplicité de configuration… puisqu’il n’y a rien à configurer. On pose l’accessoire sur une table, on le branche, on lui connecte un clavier et une souris en USB avant de relier le tout à un écran HDMI. Les amateurs de réseau filaire pourront y ajouter un câble ethernet. Les autres se serviront de la connexion Wi-Fi ou de la 4G du S8. Une fois le smartphone connecté, ce qui ressemble à un bureau de Windows 10 apparaît à l’écran. En réalité, il s’agit d’une déclinaison d’Android mise au point par Samsung.
La copie est sommaire mais efficace. Le menu traditionnel d’Android vient se loger dans le coin inférieur gauche de l’écran. A droite, les raccourcis vers les fonctionnalités basiques – réseau Wi-Fi, niveau de batterie, fonction recherche etc. – font aussi écho à l’OS traditionnel de Microsoft. On retrouve enfin la barre des tâches, dont les éléments les plus récurrents pourront être fixés. Mais contrairement à ce que l’on peut faire sous Windows, il est impossible de placer le moindre fichier sur le bureau. Seules les applications peuvent s’y loger. Autrement dit, il s’agit d’un écran d’accueil Android géant. Sans les widgets.
On comprend la volonté de Samsung de répliquer un univers que l’on connaît bien. Quelques secondes suffisent pour prendre ses repères. Le premier réflexe est d’aller chercher du côté du tiroir d’applications, placé à l’endroit de l’habituel menu démarrer. Sans grande surprise, on y trouve la liste des applications installées sur le mobile.
Dans un premier temps, nous avons choisi d’ouvrir Slack, Twitter, Facebook, Chrome, Netflix et Google Docs. Immédiatement, on comprend ce qui sera la principale force du DeX : sa capacité à afficher une multitude de fenêtres. Immédiatement, on comprend ce qui sera l’un des principaux défauts du DeX : afficher une multitude de fenêtres… dont on ne sait pas trop quoi faire !
Les Mille et Un bugs
Pour être le plus concret possible, nous avons lancé une vingtaine d’applications différentes au total. Voici un bref retour d’expérience sur chacune d’elles.
- Netflix : l’affichage se fait uniquement en format mobile. Le plein écran est impossible et serait de toute façon peu utile : la qualité vidéo est très moyenne. A de nombreuses reprises, un bug a empêché les films et séries de se lancer.
- Spotify : l’application n’est jamais parvenue à se lancer.
- Facebook : là encore, impossible de faire passer le contenu en plein écran. En plus de la contrainte d’un affichage de type mobile, l’application s’adapte très mal. A titre d’exemple, le contenu d’une page officielle – comme celle de 01net – est totalement figé. Seule une infime bande horizontale permet de faire défiler les publications. Tout simplement inutilisable.
- Facebook Messenger : la messagerie instantanée apparaît de la même façon que sur mobile…. mais sans prendre en compte le bouton «Entrée». Pour envoyer un message, la souris est donc indispensable.
- Twitter : mieux adaptée, l’application peut être mise à n’importe quelle échelle – y compris en plein écran. Mais on se retrouve alors avec des images totalement disproportionnées et un flux très peu ergonomique.
- Slack : l’application ressemble beaucoup à celle qu’offre Windows. L’expérience utilisateur est convaincante, avec une optimisation qui permet d’afficher le contenu en plein écran.
- Instagram : non optimisée, elle doit être utilisée en format mobile. On peut néanmoins accéder aux Stories, et même en enregistrer avec la caméra du smartphone – mais avec l’impossibilité de taper du texte. Posé sur son DeX, le champ d’action du S8 est toutefois très limité.
- Feedly : pour se lancer, l’application nécessite d’effleurer l’écran vers le haut. Le swipe n’étant pas réplicable avec un clavier et une souris, nous n’avons jamais pu la lancer. Au revoir Feedly.
- Le Monde : l’application n’est pas optimisée et doit donc être utilisée comme sur smartphone. Mais certains articles ne sont pas franchement lisibles.
- franceinfo : l’application fonctionne en grand écran, mais avec un affichage que l’on qualifiera d’approximatif. Pour parcourir les articles, impossible de se servir de la molette de la souris. Mais pour remplacer le défilement tactile, les touches de direction du clavier sont désactivées. Il faut donc se servir… de la souris.
- Google Docs : optimisée pour le DeX, l’application peut basculer en plein écran. Comme sur mobile, les outils sont sommaires mais permettent une prise de note avec une excellente réactivité. S’il est possible de faire défiler le texte avec la molette de la souris, cette dernière ne pourra être utilisée pour sélectionner du texte. Il faudra donc passer par un raccourci clavier – très peu pratique pour sélectionner plusieurs lignes. Comme sur de nombreuses applications, le clic droit est désactivé.
- Google Sheets : dès l’ouverture d’une feuille de calcul, on comprend qu’il va y avoir un problème. Les cellules s’affichent comme elles le feraient sur un petit écran de smartphone… et sont donc immenses. Autrement dit : l’application est tout simplement inutilisable. Nous avons cherché un moyen de dézoomer. En vain.
- Plants vs. Zombies 2 : le jeu ne s’ouvre pas car « conçu pour être utilisé avec un écran tactile ».
- Riptide GP : Renegade : le jeu se lance et il est jouable au clavier. L’expérience est même plutôt agréable. Mais il faudra faire sans les figures acrobatiques, basées sur le tactile.
- Snapseed : l’application reste au format mobile et permet d’effectuer ses retouches à la souris. En revanche, il vous sera impossible de zoomer sur l’image. Il faudra donc travailler sur une miniature.
- Inbox : l’application mail de Google s’adapte au format de l’écran. Elle fonctionne sans encombre, mais il est impossible d’effectuer un glisser-déposer pour envoyer une pièce jointe.
- Calculatrice : une superbe application pour faire plein de calculs
- Molotov : l’une des seules applications qui sorte vraiment du lot et qui semble avoir été bien optimisée pour le DeX. Tous les menus sont accessibles facilement. On retrouve la plupart des fonctionnalités de l’application pour Windows. Surtout, la qualité d’image est correcte (1080p) et il est possible de basculer en plein écran. L’accessoire permet donc de transformer le Galaxy S8 en TV digne de ce nom.
Chrome? Une mauvaise solution
Face aux limites de ces applications, nous avons tenté de les remplacer par leur version Web. Nous sommes logiquement passés par Chrome, qui fonctionne bien. Mais il faut faire avec un sacré point négatif : par défaut, le navigateur de Google ouvre les versions mobile des sites Web. Si vous allez sur Facebook, vous vous retrouverez donc avec un flux d’actualité géant et des photos qui se transforment en posters de pixels. Il faudra donc penser à cocher la case « Voir la version ordinateur ». A chaque visite.
Pour le reste, Chrome reste efficace et propose une navigation très fluide. Le système d’onglets est conservé, tout comme la plupart des raccourcis clavier. Certains éléments sont plus déstabilisants. La version mobile ne connaissant pas la souris, le passage du curseur sur un lien cliquable ne provoque aucun changement visuel. Pour peu que l’on accepte de rafraîchir chaque page pour avoir accès à la version pour ordinateur (ce qui devient rapidement insupportable), on profite d’une bonne expérience des réseaux sociaux et des sites d’actualité.
En utilisant Chrome, on peut également profiter des vidéos YouTube en bonne qualité, toutefois plafonnée à du 1080p. Mais – comme souvent avec le DeX – il y a un mais. Pour changer la définition d’une vidéo, il faut cliquer sur le menu permettant d’afficher la version pour ordinateur. Pour une obscure raison, un clic dans cette zone entraîne systématiquement le lancement d’une autre vidéo. Un retour en arrière nous faisant rebasculer sur la version mobile, il faut donc de nouveau chercher la vidéo. Du côté de Netflix, c’est aussi la déception. Si l’accès au site se fait sans problème, aucun film n’est parvenu à se lancer.
Samsung Internet? Une moins mauvaise solution
Nous avons tenu quelques heures avant de fermer Chrome une fois pour toutes, et de nous résigner à utiliser le navigateur maison de Samsung. Cette fois, tous les sites apparaissent par défaut en version ordinateur. Mais les bugs ne disparaissent pas pour autant. Google Sheets et Google Docs s’affichent parfaitement, mais perdent considérablement en réactivité. Sur Facebook, la lecture vidéo s’interrompt dès que l’on touche à la barre de progression, qui se colle définitivement au curseur. Il est alors impossible de reprendre la lecture sans rafraîchir la page. Vous voulez avancer à la huitième minute? Vous attendrez. Comme sur Chrome, Netflix ne lancera aucune vidéo.
De manière générale, la réactivité est moins bonne sur Samsung Internet que sur Chrome. Mais les pages Web ont le mérite de s’afficher correctement. Après quelques jours d’utilisation du DeX, nous pouvons conclure qu’utiliser le navigateur Web de Samsung est la meilleure façon d’en tirer profit. Pardon. La moins pire.
Un joyeux pataquès
Le fait d’être contraints de classer les difficultés rencontrées selon les applications démontre que l’interface logicielle du DeX est bien trop irrégulière pour séduire. Clic droit, pas de clic droit. Défilement, pas de défilement. Sélection avec la souris, pas de sélection avec la souris. Affichage plein écran, pas d’affichage plein écran. Version Web, version ordinateur. Chaque application implique son lot d’adaptations et de contraintes, dont les développeurs auraient dû nous débarrasser.
Mais comme c’est souvent le cas avec les nouvelles plateformes, le cercle vicieux n’est pas loin. Les développeurs ne veulent pas travailler pour des utilisateurs inexistants. Les utilisateurs ne veulent pas investir dans un environnement non développé. Et dire que le DeX souffre d’un manque d’adaptation logicielle est un euphémisme. Un (rapide) tour du côté du dossier regroupant les applications développées pour le DeX amènera au même constat. Quand la liste des 500 premières applications est la même que celle des meilleures applications gratuites, qui est la même que celle des nouveautés, ce n’est jamais très bon signe.
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