Le retard que nous avons pris dans le test du Nikon Z6 est finalement une bonne chose. Le firmware du boîtier le moins cher de la première fournée d’appareils photo à capteur plein format de chez Nikon est en effet à sa version 3.0. Le Z6 est désormais bien plus mature que lors de son lancement, grâce de nombreuses améliorations logicielles. Citons notamment en vrac : un gain de précision de l’autofocus notamment en basses lumières, l’ajout du suivi de l’œil chez les humains (et chez les animaux), l’activation de la sortie vidéo RAW 12 bits via la prise HDMI et l’arrivée d’une LUT 3D pour le N-Log.
Comme ses concurrents, Nikon a changé d’état d’esprit côté mises à jour de firmware (par le passé, elles étaient rares et maigres) et s’inscrit dans la mouvance des constructeurs qui font vivre leurs boîtiers le plus longtemps possible via des améliorations logicielles. La chute des volumes de ventes et le recentrage sur les produits haut de gamme a du bon pour les utilisateurs… et pour l’environnement !
Nous avions beaucoup aimé le Nikon Z7 lors de sa sortie, que ce soit pour sa compacité, son ergonomie ou sa qualité d’image. Et vous l’aurez deviné – qualité d’image mise à part avec un capteur qui est différent –, le Z6 offre peu ou prou la même partition. Mais avec un argument majeur : un prix bien inférieur.
Boîtier compact
Un Z6 n’est rien de moins qu’un Z7 avec un autre capteur et un logo différent. Pour tout le reste, les deux appareils sont à 100% similaires. La prouesse ergonomique de Nikon est d’avoir développé un boîtier compact comme ceux des Alpha A7 de Sony, mais avec un écran LCD de contrôle des réglages sur le dessus. Une touche « reflex » qui se perçoit aussi au travers des matériaux employés (Nikon aime parler de « cameraness »), de la petite « virgule » rouge sur le haut du grip au look général de l’appareil.
Moins robuste que les Lumix S1 et Lumix S1R de Panasonic, il n’en reste pas moins très bien construit et suffisamment bien équilibré avec les optiques courantes – le très bon 24-70 mm f/4 ou les excellents 35 mm f/1.8 S et 50 mm f/1.8 S. Au-delà de ces objectifs plutôt compacts – on pense notamment au 24-70 mm f/2.8 S – il faudra s’équiper d’un grip optionnel (Nikon MB-N10) pour shooter de manière confortable.
Capteur 24 Mpix : idéal pour photographier plus « léger »
Le capteur du Z7 est très bon. Mais il a le défaut de ses qualités : avec ses 45 Mpix, il produit des fichiers RAW pesants, jusqu’à 72 Mo, une plaie tant à stocker qu’à traiter tant il y a de pixels. Plus modeste avec ses « seulement » 24 Mpix, le Z6 est un boîtier plus léger au sens informatique du terme. Les fichiers occupent presque deux fois moins d’espace et Adobe Lightroom ou DxO Photolab souffrent bien moins lors de l’édition des fichiers RAW, notamment sur les PC portables.
Le niveau de qualité photographique acceptable se situant subjectivement aux alentours de 16-20 Mpix, les 24 Mpix du Z6 devraient suffire à la plupart des photographes. Notamment aux reporters qui ont besoin de cette légèreté informatique. De plus, ce que l’on perd en définition d’image pure, on le gagne en sensibilité d’image et en rafale. La limite de qualité optimale de 3200 ISO du Z7 est clairement repoussée à 6400 ISO avec ce Z6.
Quant à la rafale, quand le Z7 pousse à 6 i/s au maximum, le Z6 peut envoyer 9 images par seconde, voire jusqu’à 12 i/s en AF continu (mais les RAW sont alors dégradés en 12 bits au lieu de 14 bits. La profondeur de la rafale varie selon les modes de prise de vues, mais reste située autour de 30 images, ce qui est suffisant pour quasiment tous les domaines de la photo – sauf le sport, quelques cas de photo nature (oiseaux en vol) et autres domaines spécifiques. En clair, Nikon a ajusté les performances de son boîtier pour convenir au plus grand nombre, sans exploser le prix (lire au bas de cet article « Positionnement tarifaire (très) agressif »).
Finesse et douceur : du viseur aux images
Tout comme les clichés du Z7 sont quasiment indiscernables de ceux pris avec un D850, les clichés d’un Z6 correspondent à ceux d’un Nikon D750, non seulement en termes de définition, mais aussi en termes de couleur et de « douceur » d’image. Un très bon point pour ceux qui ont un flux de travail mixte couplant reflex et hybrides de la marque.
Par rapport au Z7, les images sont moins définies et moins ciselées, mais la grande qualité des optiques de la monture Z fait que les images ne manquent pas de piqué et offrent de très beaux microcontrastes.
De manière subjective, les clichés du Panasonic S1 offrent un meilleur rapport entre douceur et impact. Mais outre le fait que cela soit une question de goût, la nature des optiques a aussi une grande influence.
La douceur est aussi de mise dans le viseur. Plutôt que de jouer la surenchère des pixels et pour coller à son héritage de la visée reflex naturelle, Nikon a équipé son Z6 d’un viseur électronique au rendu très doux. Si l’impression de netteté est beaucoup moins marquée qu’avec un Lumix S1 par exemple, le caractère artificiel de la visée numérique est un peu gommé. La visée au travers des Z6 et Z7 est l’une des plus naturelles du monde de l’hybride, mais elle se fait au prix d’une petite perte de précision dans l’évaluation de la zone de netteté par rapport à certains boîtiers concurrents.
Autofocus efficace, l’Eye AF en renfort
Nous l’avions dit lors de notre test du Nikon Z7. L’autofocus de cette première génération d’hybrides plein format est de niveau « Sony Mark 2,5 », comprendre supérieure aux Alpha A7 Mark II/A7R Mark II, mais en deçà des A7 Mark III/A7R Mark III.
Or, une partie des futurs utilisateurs du Z6 sont des Nikonistes qui veulent profiter des atouts de l’hybride avec leurs optiques F. Il ne s’agit pas là d’une population qui a adopté les hybrides dès leurs débuts et qui aurait vécu de près les améliorations successives en termes d’autofocus. Non, ces photographes travaillent depuis longtemps avec des D500, D750 et autres D850. Et là il vaut mieux être prévenu : le Z6 ne dispose pas d’un AF au niveau des reflex de la marque. Il faut dire qu’au cœur des D500 et D850, c’est le module du Nikon D5 qui est aux commandes. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est performant !
Si la visée par l’écran ou le viseur électronique du Z6 a ses avantages – meilleur contrôle de la zone de netteté, évaluation de l’exposition en temps réel, facilitation de la mise au point manuelle la nuit, etc – en matière d’agressivité d’AF, il n’égale pas les gros reflex de la marque.
Il est pourtant un domaine dans lequel le Z6 les domine largement, celui des portraits. La raison de cette supériorité est le suivi de la mise au point sur l’œil appelé « Eye AF » dans le jargon. Après la mise à jour 2.0, le Z6 s’est vu équipé de cette fonctionnalité phare des hybrides. Une technologie qui peut (sacrément) faire la différence pour certains photographes, notamment ceux qui réalisent des portraits d’entreprise à la chaîne.
Alors qu’il faut vérifier la zone de netteté avec les reflex (sans même parler des éventuels soucis de calibration des optiques), les hybrides équipés d’Eye AF font que le photographe n’a (presque) plus qu’à se soucier de sélectionner le portrait où le sujet a la meilleure attitude. Presque, car il y a parfois de petits ratés quand le sujet bouge un peu trop vite. Si Nikon n’est clairement pas au niveau de Sony en ce qui concerne l’Eye AF, la fonctionnalité est déjà suffisamment avancée pour faire oublier le reflex dans l’exercice du portait corporate.
L’unique emplacement XQD en question
Le format XQD a comme force, outre la robustesse de la carte et ses performances supérieures à celle de la SD, sa compatibilité avec le format CFexpress, un standard encore plus rapide. Pourtant, s’il y a bien un frein à l’achat du Z6, c’est cette satanée carte mémoire. Entendons-nous bien : nous n’avons rien contre le format XQD en lui-même, mais son implantation dans ce Z6 (et dans son frère le Z7) pose problème, car il s’agit du seul format de carte mémoire pris en charge.
Non seulement ces cartes sont hors de prix, mais en plus le format est peu répandu. En cas de problème (perte, vol, bris), les XQD sont très difficiles à dénicher hors des magasins (physique ou virtuels) spécialisés. Sans même parler du lecteur de carte mémoire externe… Seule option pour les photographes de terrain : s’équiper de plusieurs cartes mémoires. Car ce n’est pas au Ladakh que vous pourrez dénicher une XQD facilement. Et à 170€ la carte de 64 Go (voire 199 euros pour une carte Nikon officielle !), la sécurité revient bien cher.
La seule bonne approche avec la XQD, c’est celle adoptée par Panasonic avec ses S1 et S1R qui intègrent un second emplacement pour cartes SDXC. Non seulement la SD offre déjà un très bon niveau de performances, mais en plus les cartes sont disponibles partout dans le monde (ou presque). Et elles sont bien moins chères. La recherche de compacité de Nikon a condamné l’ajout d’un second emplacement pour cartes mémoire dans les Z7 et Z6, et nous le regrettons. Tout autant que l’absence de mécanisme de protection d’ouverture de la trappe à carte mémoire, un peu trop sensible à notre goût.
Bon point cependant du côté de la batterie : l’accumulateur EN-EL15b est compatible avec les anciennes batteries (EN-15, EN-15a) qui équipent de nombreux boîtiers reflex plus anciens. Seule la version actuelle EN-15b permet toutefois la recharge par USB (uniquement via les Z7 et Z6) et c’est elle qui offrira la meilleure autonomie. Mais si vous avez des batteries de D800, de D500 ou de D750, vous pourrez les partager entre vos différents boîtiers.
Gamme optique Z : de la qualité mais un choix limité
En un an et demi, Nikon a développé onze optiques en monture Z plein format, plus deux optiques Z en monture APS-C. Enfin… disons plutôt dix optiques plus une : le Nikkor Z 58 mm F/0.95 S Noct est un monstre de deux kilogrammes à mise au point manuelle – une superbe optique qui sert de démonstration technologique et qui s’avère parfaitement inutilisable dans des situations standards.
Les dix optiques « normales » prennent la forme de cinq zooms et cinq focales fixes qui couvrent une plage allant de 14 mm à 200 mm. Les différentes optiques que nous avons eues dans les mains pour le Z7 et le Z6 (24-70 mm f/2.8, 24-70 mm f/4, 35 mm f/1.8 et 50 mm f/1.8) se sont toutes révélées très bonnes – voire excellentes – et surtout modernes. Les fûts en alliage de magnésium sont épurés et légers, tandis que la large monture Z offre d’excellentes performances optiques. Notre regret est de n’avoir pas pu mettre la main sur le tout fraîchement annoncé 24-200 mm f/4-6.3, un zoom à tout faire qui se pose en concurrent direct du Canon RF 24-240 mm f/4-6.3. Une optique top que nous avions testée avec l’EOS RP.
Le parc optique en monture Z plein format est donc pour l’heure assez limité, notamment côté téléobjectifs et super ouvertures. Mais heureusement, il y a la compatibilité avec la monture F. Un argument massue en faveur du système Z de Nikon.
Adaptateur FTZ indispensable pour les Nikonistes
L’adaptateur d’optique FTZ (F to Z, de F à Z) qui permet de monter les optiques reflex en monture F sur les hybrides en monture Z est parfois disponible en kit avec le Z6. Vu la légèreté actuelle du parc Z et la richesse du parc optique Nikon F (signé Nikon ou Sigma, Tamron, etc.), il serait dommage de passer à côté. Et ce, même si vous ne disposez pas d’optique F dans vos armoires. Le marché de l’occasion est tel que vous pouvez acquérir de nombreuses optiques pour pas (trop) cher. Ce, d’autant plus que la définition du capteur de 24 Mpix souffrira moins de l’éventuel manque de piqué de certaines références que les capteurs embarquant beaucoup plus de pixels comme celui du Z7.
Attention cependant au format des optiques : si vous shootez au 200-500 mm, le grip n’est pas une option, mais bien un équipement obligatoire !
Positionnement tarifaire (très) agressif
Si la baisse de prix la plus spectaculaire est à chercher du côté du Z7 (lancé à 3700 euros, il coûte aujourd’hui 800 euros moins !), la baisse de prix du Z6 qui tourne autour de 530 euros en fait le boîtier moyen format le moins cher de sa catégorie – aux alentours de 1770 euros. C’est certes une somme, mais c’est 330 euros de moins que le Sony A7 Mark III et surtout 730 euros de moins que le Panasonic Lumix S1.
Outre l’attrait du boîtier face à la compétition, c’est aussi une aubaine pour les photographes nikonistes déjà équipés en optiques : pour 180 euros de plus soit 1950 euros, le boîtier peut directement remplacer ou au moins épauler un D800, un D750 ou tout autre reflex plein format. Avec les atouts de l’hybride que sont l’obturateur électronique silencieux, le mode vidéo 4K et le poids plus modéré, entre autres choses.
Sans doute bousculé par la position de force de Sony sur le segment, Nikon, une fois n’est pas coutume, a dû faire de gros efforts en termes de prix. Et c’est tout à l’avantage des photographes.
Face à la concurrence
Vous shootez déjà avec des appareils Nikon plein format et vous avez un budget serré ? Le Z6 est le meilleur choix pour vous. Avec un FTZ, vous pourrez recycler vos optiques et le prix de départ de 1770 euros est des plus intéressants. Attention cependant au surcoût engendré par les cartes mémoires XQD et le lecteur XQD qui est bien à prendre en compte. À titre purement subjectif, votre serviteur ne se voit pas partir sans au moins deux cartes mémoire Sony XQD d’au moins 64 Go chacune, soit un total de 340 € pour 128 Go de stockage (ce qui ne coûte que 225 € avec des SanDisk SDXC Extreme Pro UHS-II à 300MB/s Class 10). Même en descendant à 2×32 Go, il faut au moins compter 240 euros, contre seulement 130 euros pour la même configuration avec des SD SanDisk Pro.
Dans le cas d’un photographe qui souhaite investir aujourd’hui de manière importante dans un système hybride en partant de rien, l’écosystème Nikon Z n’est pas assez riche, notamment en téléobjectifs. Les systèmes les plus riches sont le Micro 4/3 (très tourné vers la vidéo), Fujifilm X (en APS-C et avec d’excellentes optiques natives) et surtout le système Alpha FE de Sony, le plus riche en optiques professionnelles.
Si on se cantonne au monde du plein format autour de 24 Mpix, le Sony Alpha A7 Mark III est deux fois plus endurant (710 clichés), s’avère meilleur dans les domaines de l’autofocus et de la rafale, tout en profitant d’un parc optique plus riche. Mais il est plus cher (entre 300 et 500 euros selon les offres).
Le Panasonic Lumix S1 s’avère quant à lui technologiquement supérieur en tous points au Z6 (plus d’options vidéo, plus de fonctionnalités, meilleur équipement, notamment le viseur, etc.), mais il est plus lourd, plus encombrant… Et 730 euros plus cher !
À contrario, l’EOS R de Canon, quoique plus cher, s’avère largement inférieur au Nikon Z6 – recadrage violent en vidéo, capteur non stabilisé, etc. Pourtant, il reste le premier choix des Canonistes qui ne veulent pas revendre leurs objectifs, de par sa compatibilité native (moyennant un adaptateur) avec les optiques EF de Canon. L’EOS RP est un tout petit peu moins cher que le Nikon Z6, mais il est tellement inférieur qu’il n’y a même pas match.
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