Test du Microsoft Surface Duo : un concept plaisant, un produit déficient

Près de deux ans après son annonce et plusieurs années après l’échec de Windows Phone, Microsoft est de retour sur le marché du smartphone. Le géant de Redmond, qui n’a jamais réussi à rencontrer le succès dans ce secteur, mise sur un concept nouveau pour se différencier du reste du marché. Son idée est assez simple : pourquoi pas relier deux écrans entre eux afin de permettre aux utilisateurs les plus productifs de faire deux choses à la fois, comme s’ils possédaient deux appareils ?

Conscient du risque engendré par une telle idée, Microsoft se veut très prudent avec ce nouvel essai. Le Surface Duo est un appareil expérimental, à la frontière du smartphone et de la tablette, et ne se destine qu’aux geeks, ceux conscients de toutes les limitations imposées par une première génération. Il faut dire qu’à 1549 euros (128 Go) ou 1649 euros (256 Go), Microsoft a trouvé une solution simple pour faire fuir le grand public.

Deux écrans, à quoi ça sert ?

Avant de vous donner notre avis sur ce produit (et de vous faire part de notre immense déception après dix jours à ses côtés), il nous semble important de revenir sur quelques-unes des caractéristiques du Surface Duo. Ce type de produit étant tout à fait nouveau, vous devez d’abord savoir comment il fonctionne pour mieux comprendre nos critiques.

Le Surface Duo dispose de deux écrans de 5,6 pouces (OLED, au format 4:3). Ces derniers sont reliés par une charnière physique qui, contrairement à celle que l’on retrouve dans un smartphone pliant comme le Galaxy Fold, peut se retourner des deux côtés. Cela permet, quand le smartphone est « refermé », d’avoir les deux écrans pliés vers l’intérieur. Ils sont donc complètement protégés dans votre poche. Dans le sens inverse, les deux écrans sont visibles des deux côtés. L’utilisateur peut donc en choisir un et l’utiliser (il est impossible d’allumer les deux écrans en même temps, ce qui est un peu dommage). Cette charnière permet aussi de plier le Surface Duo comme une tente pour, par exemple, le poser sur une table et regarder un film Netflix. Elle est vraiment solide et offre une sensation plaisante, on se sent en confiance avec ce produit.

À l’utilisation, le Surface Duo ne tente pas vraiment d’utiliser ses deux écrans pour proposer une expérience unifiée. Chaque écran dispose de sa propre page d’accueil, ce qui vous permet de lancer une application différente sur chacun d’entre eux. Grâce à des gestes assez simples (en faisant glisser l’indicateur en bas de l’écran), on peut passer une application d’un écran à un autre ou, si on le souhaite, la mettre sur les deux écrans en même temps en glissant l’application au milieu (la charnière cachera un bout de l’écran, ce qui n’est vraiment pas très joli).

Enfin, parlons du logiciel. Après l’échec de Windows Phone, Microsoft est conscient que développer un nouvel écosystème mobile est presque impossible. Le Surface Duo tourne sous Android, dispose du Play Store et des services Google et peut donc faire tourner les mêmes applications que les autres smartphones sur ses deux écrans.

Si vous affichez un logiciel sur tous les écrans en même temps, elle prendra la forme de sa version tablette (à moins d’un bug logiciel). 

Bugs à gogo

Si le concept du Surface Duo ne peut séduire tout le monde (nous y reviendrons dans la conclusion de notre test), nous devons de notre côté avouer que nous étions plutôt emballés par cet appareil à deux écrans.

Malheureusement, après quelques heures avec le mobile, nous avons rapidement compris que la promesse de Microsoft ne serait pas du tout tenue. Bourré de bugs, le Surface Duo n’est pas loin d’être inutilisable. À vrai dire, en plusieurs année de tests, nous n’avons jamais vu une telle catastrophe. Le Surface Duo offre une fluidité inférieure à celle d’un smartphone d’entrée de gamme, fait rarement ce que vous souhaitez, perd souvent l’application en cours d’utilisation sans raison, gère très mal le passage d’un écran à un autre et vous oblige souvent à le mettre en veille et à le rallumer.

La liste des bugs est si longue qu’il est impossible d’en faire une liste exhaustive, mais en voici quelques uns, histoire de vous donner une idée. 

• Le Surface Duo est lent. Ouvrir une application prend parfois 4 à 5 secondes, ce qui est une éternité pour un smartphone. Le tout est à chaque fois accompagné d’un bug d’animation.

• Changer l’orientation de l’écran (vertical à horizontal) est anormalement long. On doit une nouvelle fois attendre 4 à 5 secondes avec le risque que les applications se ferment sans raison.

• Lorsque l’on passe une application d’un écran à un autre, il n’est pas rare que celle-ci disparaisse complètement. Il faut alors la rouvrir avec la vue multitâche.

• Lorsqu’une application dispose d’un mode deux écrans (Office ou Outlook par exemple), il est parfois impossible de la fermer. À chaque fois, elle réapparait. La seule solution est de redémarrer le smartphone.

• La gestion du clavier virtuel est chaotique. Lorsque l’on tourne le Duo à l’horizontale, le clavier est censé occuper l’écran du bas pour vous aider à l’utiliser. Problème 1, il met 5 secondes à apparaître. Problème 2, il cache parfois une partie de l’application importante (comme l’endroit où on tape le texte). Problème 3, il n’apparaît parfois pas du tout.

• Ouvrir la caméra depuis l’écran de verrouillage peut faire planter Android. Impossible de revenir à l’écran d’accueil, c’est l’écran noir.

• En mode horizontal, la page 1 de l’écran d’accueil n’apparait pas. On commence à la page 2.

• Parfois, quand vous recevez une notification (dans l’appli Caméra par exemple), l’écran devient complètement noir.

• Lorsque le smartphone est plié pour une utilisation « 1 écran », il faut le retourner pour passer d’un écran à un autre. Malheureusement, le tout manque de réactivité. Seuls un geste brusque et cinq secondes d’attente permettent de le réveiller.

• Une application occupant les deux écrans peut parfois devenir noire sur un écran. 

• Il y a des oublis de traduction. Le message pour passer d’un écran à un autre ou l’appel à poser son empreinte digitale est, parfois, en anglais.

Nous avons aussi rencontré des bugs étonnants dans des applications tierces :

• Lorsque l’écran est disposé à l’horizontale, certaines applis (comme YouTube) apparaissent verticalement. Elles sont alors très dures à utiliser.

• Lorsqu’une application occupe les deux écrans simultanément, le milieu est caché par la charnière. Cela rend le bouton « pause » inaccessible dans YouTube.

• Sur Facebook Messenger, impossible d’enregistrer un message vocal. L’application change alors complètement de forme et plante.

• Les bulles de Facebook Messenger ralentissent le smartphone, il est dur de les déplacer.

Bref, vous l’avez compris, le Surface Duo est difficilement utilisable (malgré six mois d’existence aux États-Unis et de nombreux correctifs). On aurait pu penser que Microsoft excellerait dans le logiciel mais l’entreprise se rate finalement complètement. Nous sortons dès maintenant un carton rouge, d’autant plus que le reste n’est pas meilleur.

Un design à la hauteur

Ce logiciel exécrable est-il compensé par un matériel à la hauteur ? Notre réponse ne va pas vous plaire, oui et non. Le Surface Duo dispose de nombreuses qualités… et d’un nombre encore plus grand de défauts.

Commençons par les qualités. Le Surface Duo est un appareil magnifique. Ultra fin, très léger (250 grammes), recouvert d’un très beau verre blanc, l’appareil est extrêmement réussi. Le déplier offre une véritable sensation de haut de gamme. Son capteur d’empreintes situé sur sa bordure droite est également très efficace. Dommage d’avoir une nouvelle fois oublié les gauchers qui, ici, n’ont pas la possibilité d’atteindre avec leur main de prédilection ce capteur.  Ceci dit, nous avons adoré le design du Surface Duo.

Cependant, quelques points nous dérangent. L’exemplaire que nous avons reçu avait un défaut de fabrication. En effet, son capteur d’empreinte était légèrement décalé par rapport au reste du châssis. Pas besoin de vous dire que cela ne nous rassure pas quant à la longévité du produit. Autre interrogation, ce design tout en verre n’est-il pas dangereux ? Si le Surface Duo fait une mauvaise chute, on ne parierait pas beaucoup sur sa survie. On déteste aussi les bordures autour de son écran qui sont dignes d’un smartphone de 2012, pas de 2021.

Autre problème, sa largeur. Pas agréable en main, le Surface Duo n’est surtout pas fait pour les poches des pantalons des femmes. Il ne rentre pas intégralement. La productivité est-elle réservée aux hommes ? 

Des écrans moyens

Justement, que valent les écrans du Surface Duo ? Selon les mesures de notre laboratoire, ils sont moyens. D’une luminosité de 556 cd/m2, ces derniers offrent une grande lisibilité en intérieur mais sont un peu trop faiblards en extérieur. On ne parierait pas beaucoup sur eux au bord de la piscine. La fidélité de leurs couleurs est aussi une des pires que nous avons mesurée sur un smartphone haut de gamme (Delta E = 7,2 par défaut, au mieux 6,2 sur l’écran de droite). On est loin de l’excellence Apple ou Samsung.

À l’utilisation, nous avons surtout été embêtés par la difficulté d’utilisation des deux écrans en même temps. Tenir un smartphone comme un livre n’est pas pratique, il est souvent plus tentant de n’utiliser qu’un écran. 

Au passage, Microsoft a commis selon nous une importante erreur en se contentant de deux écrans. Lorsque l’appareil est « fermé », un troisième petit écran aurait vraiment été pratique. À chaque vibration, on est en effet obligé de le saisir, de l’ouvrir et de le refermer s’il s’agit de quelque chose de peu important. Avec un tout petit écran façon Galaxy Z Flip, nous aurions pu plus facilement savoir de quoi il s’agissait. Espérons que le Surface Duo 2, s’il existe un jour, corrige ce problème. En attendant, la montre connectée est la meilleure alliée du propriétaire d’un Duo.

Un matériel déjà obsolète

Attaquons la partie la plus sévère, les composants choisis par Microsoft pour son Surface Duo datent tous de 2019. En conséquence, le smartphone souffre d’un coup de vieux avant même d’être commercialisé en France. Son processeur Snapdragon 855 couplé à ses 6 Go de RAM sont sans doute en partie responsables de son manque de fluidité. Cette puce rend aussi le mobile incompatible avec la 5G ou le Wi-Fi 6, ce qui est dommage pour un produit présenté comme « outil ultime des professionnels ». Par ailleurs, le smartphone vous indique avec un petit « 6 » quand vous êtes connecté sur un réseau Wi-Fi 6… alors qu’il n’est pas compatible. Qui a pu avoir une idée aussi bizarre ?

Autre absent, le NFC. On vous laisse imaginer la tête que nous avons fait en voulant payer avec le mobile après avoir configuré notre carte de paiement dans Google Pay… et qu’il ne s’est rien passé. Le Surface Duo est aussi incapable de remplacer un titre de transport. Quitte à dire ce qui ne va pas, citons aussi ses très médiocres haut-parleurs, son flash à l’avant qui vous éblouit beaucoup trop souvent, l’absence de recharge sans-fil ou les boutons de volume qui, parfois, fonctionnent à l’envers (le – augmente le son, le + le baisse). Il n’y a pas non plus d’étanchéité.

Un appareil photo ridicule

Vous l’avez sans doute remarqué, il n’y a pas de module caméra au dos du Surface Duo. Pour cette première génération, Microsoft a décidé de se contenter d’une seule caméra frontale (capteur de 11 Mpix) qui, grâce à l’aspect 360 degrés du Surface Duo, peut se retourner et vous servir d’appareil photo arrière. Oubliez en revanche l’ultra grand-angle ou le zoom optique.

Sans surprise, c’est un échec total. L’appareil photo se lance rarement sur le bon écran et, pire, se lance rarement tout court. Une fois encore, Microsoft est rattrapé par les bugs de son produit. Après une dizaine d’essais ratés et plusieurs secondes d’attente, nous avons parfois réussi à accéder à l’appareil photo. Sa qualité est digne d’un mobile d’entrée de gamme et souffre de très gros problèmes la nuit (en plus d’une lenteur hors norme).

Une autonomie qui sauve l’honneur

Très fin et doté d’une batterie de « seulement » 3577 mAh, le Surface Duo nous semblait bien parti pour être peu endurant. À la surprise générale (c’est au final le point fort de ce produit, il ne cesse de nous surprendre), le smartphone-tablette de Microsoft s’en sort convenablement. Avec un seul écran actif, il a résisté 14h32 à notre test d’autonomie polyvalente, ce qui correspond à la moyenne des smartphones haut de gamme. Avec les deux écrans allumés, il a tenu 10h04. C’est faible, mais peu représentatif de la réalité. Les deux écrans sont rarement allumés en même temps. À l’utilisation, nous avons été plutôt convaincus par le Surface Duo. Nous ne sommes pas tombés une seule fois en panne de batterie avant la fin de la journée.

À nos autres mesures d’autonomie, le Surface Duo s’en est sorti convenablement. 11h34 en streaming vidéo avec un écran, 8h25 avec les deux écrans (ce qui n’a aucun sens à cause de la grosse bordure au milieu qui gâche tout) et 28h43 en appel téléphonique.

Enfin, du côté de la recharge, notre déception est grande. Malgré sa batterie de petite capacité, le Surface Duo met 2h05 à se recharger intégralement. C’est long.

Nous n’avons pas tout détesté

Malgré nos critiques dures, nous ne pouvons pas dire que nous avons détesté le Surface Duo. À la maison, sur notre canapé ou au lit, son format en forme livre s’est avéré plaisant. Pouvoir répondre à une conversation sur un écran en préparant un itinéraire Google Maps nous a plu même si, très souvent, les bugs logiciels nous ont empêché de réellement expérimenter la productivité doublée promise par Microsoft. Nous avons essayé de travailler sur un Duo et avons rapidement compris que nous étions bien plus efficaces sur un iPhone ou un Galaxy S, puisque switcher d’une application à une autre est plus rapide sur ces appareils qu’une utilisation double écran chez Microsoft. De plus, la prise en main du Duo n’est pas facile à cause de sa largeur. Dans la rue, c’est tout simplement intenable et on utilise toujours un écran. Pouvoir le déplier dans les transports pour lire la presse est toutefois pratique.

Dans certains cas, nous avons même trouvé quelques utilités au Surface Duo. Pour jouer (par exemple avec un émulateur DS), le caractère pliant de l’appareil est vraiment superbe. Pour regarder un épisode de série en cuisinant, pouvoir le poser sur une table et le faire tenir debout est aussi très cool (on peut même dédier le second écran à une recette de cuisine). Le produit de Microsoft peut avoir de l’intérêt.

Selon nous, Microsoft s’est complètement trompé en voulant rivaliser avec les smartphones avec son appareil. Le Duo est un smartphone exécrable, mais pas une mauvaise tablette. Commercialisé en tant que rival double écran de l’iPad mini (à un tarif avoisinant les 600 euros), cet appareil aurait pu nous plaire. À 1500 euros, c’est une aberration.

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