Quatre ans après avoir surpris le monde avec son premier « Q », Leica met à jour son célèbre compact expert. Célèbre ? Oui : en dépit de son prix de lancement élevé de 4200 euros, le premier « Q » s’était vendu comme des petits pains, devenant le carton de Leica. La recette ? Un capteur (plein format of course), un look et une ergonomie de Leica (évidemment) et une focale fixe à tout faire, un 28 mm f/1.7.
Rebelote pour le Q2 qui reprend les mêmes codes. Il a toujours un look de boîtier « M » et il conserve la même optique, le Summilux 28 mm f/1.7. Un objectif « qui a été développé dès le début pour monter dans de plus hautes définitions d’image », nous explique Stefan Daniel, responsable produit chez Leica.
Une précision d’importance, car un élément a changé : de 24 Mpix pour le premier « Q » (ou Q1), le capteur passe ici à 46,7 Mpix, un quasi doublement de définition d’image que l’optique, comme on le lira, encaisse sans broncher.
Car autant vous le dire tout de suite : le Q2 est une merveille.
A propos du prix…
Au vu des 4800 euros demandés, il est logique de prendre des précautions pour vous parler d’une telle machine. Avant de nous asséner que « c’est un Leica, il est trop cher » et que « personne n’a les moyens », il faut prendre en compte quelques éléments clés.
Primo, on est presque tenté de dire qu’il ne coûte « que » 4800 euros. Un Leica M10 avec un 28 mm f/2 coûte largement le double de ce prix. Co-développé avec Panasonic, le Q2 profite du savoir-faire de l’industriel nippon et Leica profite d’économies d’échelle (capteur du S1R, AF, etc.). A titre de comparaison, un A7R Mark III (capteur de 42 Mpix) et un 28 mm f/2 (SEL28F20) coûtent 3500 euros. Le système est modulaire bien évidemment, mais c’est plus encombrant. Et moins joli.
Deuxio, s’il faut admettre que le positionnement Leica est celui du luxe, non seulement les matériaux sont de qualité et l’appareil est assemblé en Europe, mais en plus les composants, comme on va le voir, sont au top. Il ne faut pas voir le Leica Q2 comme l’appareil couteau-suisse qui fait tout, mais plutôt comme le luxe de la simplicité, un appareil que l’on s’offre par plaisir plutôt que par nécessité. Une machine à image que l’on veut manipuler – avoir du plaisir en shootant est une belle invitation au voyage – et que l’on veut garder longtemps.
Or, ça tombe bien, les composants du Q2 sont tellement bons qu’ils lui évitent l’obsolescence des débuts du numérique.
Capteur du Panasonic S1R
Le capteur ne tombe pas du ciel : il s’agit, à un détail près, du même capteur embarqué par le modèle haut de gamme de la première génération d’hybrides à capteurs plein format de Panasonic, le S1R. Un capteur CMOS de 46,7 Mpix sans filtre passe-bas qui monte à 50.000 ISO, même si sa zone de confort se situe plutôt entre 3200 et 6400 ISO. Si la circuiterie est identique à celle du S1R, le capteur du Q2 ne dispose pas du même agencement de microlentilles à sa surface puisqu’il n’a pas besoin de gérer un changement d’optique. Mais mis à part ça, son comportement est le même – le S1R est en cours de test dans la rédaction. Comprendre que si le moteur de rendu diffère quelque peu en matière de restitution des couleurs, le Q2 est du même acabit.
Leica propose ici la partition électronique du nec plus ultra de l’hybride plein format de chez Panasonic au même moment que ce dernier. De quoi assurer techniquement dans le temps, autant sur le plan photographique que de la vidéo. Si Panasonic a utilisé les mentions Leica sur ses objectifs pour arriver à se faire un nom dans la photo, Leica profite en retour du savoir-faire du géant japonais. La preuve : l’optique est ici un brevet Panasonic (comme avec presque toutes les optiques avec AF), le capteur est celui du S1R et la vitesse d’opération de l’appareil n’est pas sans rappeler l’efficacité nippone. Pourtant, si les technos et une partie de l’équipement sont bien made by Panasonic, c’est la patte Leica qui fait du Q2 un appareil à part.
Fiche technique haut de gamme et boîtier de baroud (de luxe)
Avant d’aller plus loin dans l’analyse de la performance, décrivons le spécimen : pour ceux qui ont raté le test du premier Q1, le Leica Q2 reprend les caractéristiques principales de son de boîtier, à savoir une variante de boîtier « M ». Ne nous leurrons pas, il s’agit ici autant d’un choix technique qu’esthétique. Quand on va vers un Leica c’est parfois, aussi, pour le look « iconique ». Le mariage technologie et design « intemporel » a magnifiquement fonctionné sur le Q et reste d’actualité sur le Q2. En mieux du côté des composants avec non seulement un nouveau capteur, mais aussi un nouveau viseur électronique – OLED de 3,68 Mpix au lieu de 2,36 Mpix en LCoS pour la génération précédente – et un nouveau processeur d’image. Outre la définition de 46,7 Mpix on profite aussi d’un AF bien plus véloce (0,05 s) et d’une mémoire tampon plus à même d’encaisser les rafales. Détails qui n’en sont pas : en vidéo, l’absence de recadrage permet de profiter à fond de la focale 28 mm.
La conception du boîtier a été peaufinée en termes de simplicité comme de résistance. Côté simplicité, Leica qui va toujours à l’essentiel a réussi à retirer un bouton comme sur le Leica M10-P – trois boutons sur le côté gauche de l’écran au lieu de cinq par le passé – ce qui est toujours un challenge en photo où les appareils ont tendance à toujours en faire plus. Ensuite, l’appareil a été sérieusement renforcé. « C’était une demande des utilisateurs du Q1 », nous a expliqué Stefan Daniel. « Ils voulaient que le boîtier soit plus résistant aux chocs, aux poussières et à l’humidité. Et nous l’avons fait », ajoute-t-il simplement, comme si c’était une mince affaire ! Les joints de résistance et le traitement anti-rayures de l’écran permettent au Q2 d’affiché un bel IP52 sur sa fiche technique. Pas assez pour aller shooter dans les profondeurs de la fosse des Mariannes, mais assez pour encaisser une vie de reportage dans un sac besace.
Seule perte franche : l’absence totale de prise USB, qui rend impossible de vider l’appareil sur l’ordinateur ou de le recharger (on ne pouvait pas recharger le Q1 mais on pouvait au moins récupérer les images). Il faudra prévoir un lecteur de carte mémoire pour la connexion PC ainsi que des batteries de rab en mission/voyage. Heureusement il y a le Wi-Fi pour le partage des photos sur le smartphone, autant pour une sauvegarde des Jpeg que pour le partage sur les réseaux sociaux. A titre personnel, on aurait tout de même préféré un système de câble. Par sécurité. Quant au viseur, s’il est meilleur que par le passé, un appareil de cette trempe mériterait le fabuleux 5,7 Mpix des Panasonic S1/S1R. On ne peut pas tout avoir.
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Quatre focales… ou presque
Le Q2 embarque la même optique 28 mm f/1.7 que le Q1. Et comme son aïeul, le Q2 compense son absence de zoom par un recadrage accessible en pressant un bouton placé sous le pouce droit de l’utilisateur. Avec une définition d’image en hausse (46,7 Mpix au lieu de 24 Mpix), les ingénieurs de Leica sont allés plus loin que pour le premier modèle. Aux recadrages 35 et 50 mm s’ajoute un recadrage à 75 mm. Ce dernier mode revêt surtout l’habit du dépannage à notre sens car outre l’absence totale de compression des perspectives – ce n’est qu’un recadrage d’une focale de 28 mm – la définition d’image de sortie n’est que de 6,57 Mpix. Ça fait le job à l’occasion, mais ce n’est pas pour cela qu’on achète un tel boîtier.
Le recadrage de 50 mm profite le mieux du bonus de définition avec des fichiers de 14,7 Mpix contre seulement 8 Mpix pour le Q1. La perte de compression de perspective est moins « grave » qu’à 75 mm et on peut clairement tirer les fichiers sur un bon A3/A2 sans rougir.
La vraie alchimie est parfaite avec le 35 mm puisqu’on dispose toujours de 30 Mpix (29,98 Mpix pour être précis) et qu’on ne souffre pas de différences notables de rendu des perspectives par rapport au 28 mm original. Leica a eu du flair d’opter pour un 28 mm dès le premier modèle. Ce Leica Q2 est donc bien un 28/35 mm, avec 50 mm en option et 75 mm en dépannage.
Images splendides et ultra précises
Avec une électronique (et une optique) aussi infusées de technologies Panasonic, il était évident que le rendu d’image serait différent de ce que l’on connaît chez Leica. N’attendez pas la douceur d’un M et de son Summilux. Ici le rendu est un peu plus marqué, surtout quand on regarde les images à 100% sur un écran – les joies des testeurs d’appareils photo ! Loin du rendu doucereux – voire parfois éthéré – du numérique à la Leica classique, ici le rendu est plus « japonais ».
A la loupe, on peut détecter l’aliasing du capteur (qui est donc, vous l’aurez compris, dépourvu du filtre passe-bas à l’effet lissant), notamment sur les détails lointains comme des branches, feuilles d’arbres ou aiguilles de pins ce qui a pour résultat de brouiller parfois les micro-détails. L’optique n’est pas une « vraie » optique Leica Summilux f/1.4 ultra piquée mais une formulation plus pragmatique, plus compacte et dotée de l’autofocus. Un choix pertinent, à notre sens, car le Q2 se veut moderne et mobile. Quand nous soulignons les effets d’aliasing perceptibles, nous coupons les cheveux en quinze afin de discriminer. Car en vérité, non seulement la partition optique est très bonne, mais surtout l’équilibre qualité/luminosité/compacité/polyvalence est excellent.
Même topo côté rendu des couleurs, avec une partition que nous qualifierons de « germano-nippone » : de la maîtrise qui oscille entre le « juste » (le côté rigoriste des ingénieurs de Panasonic qui ont un ADN vidéo poussant à la neutralité) et le « flatteur » (de l’expérience des ingénieurs de Leica, proches historiquement des couleurs chaudes à la Kodak).
Grande ouverture et position macro
Point de f/1.4 des « vrais » Summilux, le 28 mm de ce Q2 ouvre tout de même à f/1.7. De quoi non seulement récolter beaucoup de lumière, mais aussi isoler les sujets. S’il est vrai que la focale grand-angle n’est pas la plus adaptée pour cela – plus la couverture angulaire est large, plus la profondeur de champ est importante – on peut cependant travailler les plans dès lors que l’on construit l’image avec un premier-plan bien proche.
Mieux, l’optique profite d’une position qui – sans aucune exagération – sublime les sujets. Le déplacement des lentilles dilue l’arrière-plan, un effet renforcé par la grande taille du capteur 24×36. Si la zone de netteté est parfois difficile à contrôler – quand le vent fait se balancer les feuilles par exemple – les images produites sont magnifiques. Regardez donc !
Vidéo 4K = le cadeau de Pana’
Nous entendons d’ici les détracteurs qui scandent « Ça ne fait pas de vidéo un Leica ! ». Puristes acharnés du M ou « haters » anti Leica, peu importe : ces propos sont faux. Car outre les optiques cinéma – parmi les meilleures au monde – Leica profite à fond de son partenariat avec Panasonic. Le SL était à sa sortie le seul appareil photo avec le Panasonic GH4 à proposer de la 4K DCI (la « vraie » 4K cinéma).
Le Q2 est donc loin d’être un manchot en vidéo : Full HD à 120 i/s, 4K UHD à 24/30 i/s ou 4K DCI à 24 i/s, il couvre les besoins fondamentaux. Le tout avec une très bonne qualité d’encodage et une bonne concordance des couleurs avec le mode photo. Le 28 mm peut être une limite mais puisque la focale est similaire à celle de la majorité des smartphones, cela peut tout à faire suffire pour de l’appoint. Avec comme bonus une meilleure sensibilité en basses luminosité, des séquences moins bruitées sur les scènes complexes et, bien sûr, le rendu à pleine ouverture avec de jolis flous. Pas de quoi faire peur au GH5, mais une belle partition tout de même.
Fabuleuse mécanique
L’appareil photo est un objet avec lequel on entretient une relation physique. La meilleure plate-forme technique ne sert à rien sans une ergonomie matérielle adaptée. C’est ici que le Q2 et plus particulièrement son bloc optique se démarquent.
Outre la simplicité et l’efficacité des commandes, ce 28 mm f/1.7 hérité du Q1 est une vraie joie à utiliser. De la position Automatique de l’ouverture en passant par le clic des crans jusqu’à ce système de bascule en mode macro, le simple fait de manipuler ce bloc optique procure du bonheur. On l’oublie trop souvent : une optique est aussi belle par sa formule optique que par sa conception mécanique !
Perfection dans la simplicité
Il y a plus rapide, plus polyvalent, plus défini, moins cher, etc. Il y a encore plus prestigieux – un M ! –, plus renforcé et plus compact. Pourtant, le Q2 est parfait en ce sens qu’il a tout ce qu’il faut là où il faut et qu’il répond à la perfection aux besoins de la photo sans superflus. Moins rigoriste qu’un M, il dispose de l’autofocus (rapide en plus) et de la vidéo 4K de qualité, enchaîne les images sans broncher et se pilote de manière tactile. Il fait peu de choses – focale fixe, je pointe, je shoote – mais il les fait bien et efficacement, le tout dans un boîtier beau et agréable qui produit de splendides fichiers. Le type d’appareil qui efface tous les autres tant il va à l’essentiel.
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