Tester un smartphone comme le Fairphone 4 n’est pas facile. Sur le papier, le constructeur néerlandais est difficilement critiquable. Ses appareils sont modulaires (on peut changer la plupart des composants sans intervention d’un réparateur), les matériaux utilisés ont été achetés dans le cadre du commerce équitable et, au niveau des mises à jour, Fairphone promet un suivi largement supérieur à celui de la concurrence sous Android. On meurt d’envie de voir Fairphone réussir et, pourquoi pas, faire évoluer les mentalités des autres constructeurs.
Malheureusement, ce que nous avons appris avec les précédents Fairphone est que la réalité est bien souvent différente. Équipés de composants souvent très moyens, mis à jour avec beaucoup de retard et pas franchement dignes de leurs prix (on a souvent des performances dignes d’un mobile à 200 euros alors que l’appareil coûte le triple), les mobiles Fairphone nous ont souvent donné l’impression que la promesse de la marque n’était pas tenable à sa petite échelle.
Commercialisé à partir de 579 euros, le nouveau Fairphone 4 veut nous faire mentir en corrigeant beaucoup de défauts que nous avions pu reprocher aux précédentes itérations. Peut-on enfin acheter un téléphone écologique sans le regretter ?
Un design en amélioration
Là encore, critiquer Fairphone n’est pas facile. Entre le Fairphone 3 et le Fairphone 4, la marque a indéniablement écouté les critiques. Le temps des grosses bordures est révolu, la nouvelle version du mobile modulaire passe au « bord à bord » et à l’encoche. Malheureusement, Fairphone ne semble pas avoir la même définition du bord à bord que les autres constructeurs. Il y a une bordure de 8 mm en bas et de 5 à 10 mm en haut, en fonction de là où on mesure. À côté des 2-3 mm de la concurrence, ça ne fait franchement pas très moderne. On vous laissera juger, il s’agit pour le coup d’un point très subjectif. Certains s’en contenteront sans doute.
Même constat au niveau de l’épaisseur (1,08 cm) et du poids de l’appareil (226 grammes). À côté de la concurrence, le Fairphone 4 a des airs de très gros bébé. En main, il est sans doute un des appareils les moins discrets sur le marché. En revanche, on ne peut que féliciter le constructeur pour les matériaux choisis. L’aspect caoutchouc du dos est très agréable en main et compense son surpoids. La disposition du module caméra, qui nous rappelle beaucoup le sublime Oppo Find X3 Pro, est aussi étrangement jolie. Pas réputé pour son esthétisme, Fairphone s’est surpassé. Le capteur d’empreintes de l’appareil, sur sa tranche droite, tombe pile sous le pouce (si vous le tenez de la main droite). Il est aussi plutôt efficace.
Enfin, rappelons que le Fairphone 4 est un smartphone démontable. Lorsqu’il est posé sur son écran, en bas à droite, on remarque une légère fente. En mettant son ongle dedans et en tirant dessus, on peut en quelque sorte « arracher » le dos du smartphone. Le tout n’est pas très agréable la première fois (on a l’impression que le dos va craquer), mais se fait plutôt facilement une fois qu’on a compris comment faire. Seules la batterie, la carte Micro SD et la carte Nano SIM peuvent être retirées sans tournevis. Les autres composants changeables (le haut-parleur, la grille d’appel, le module caméra, l’appareil photo frontal, le port USB Type-C et l’écran) nécessitent un tournevis Philips 00. Le tout confère au Fairphone 4 un excellent indice de réparabilité de 9,2/10. Le dos se clipse ensuite ultra-facilement.
Performances : c’est mieux, mais toujours lent
Sous le capot du Fairphone 4, on trouve le processeur Snapdragon 750G de Qualcomm compatible 5G. Il s’agit d’un SoC tout à fait honorable que l’on retrouve dans des smartphones comme le OnePlus Nord CE ou le Samsung Galaxy A52 5G, des produits vendus autour de 300 et 400 euros, contre 579 euros pour le Fairphone 4. L’écologie a un coût, et ce dernier est approximativement de 200 euros.
À l’utilisation, le Fairphone 4 n’est pas aussi mauvais que ce ses prédécesseurs. Les utilisateurs et utilisatrices les moins exigeants devraient facilement s’en contenter, à condition de ne pas avoir goûté à mieux avant. Cependant, l’expérience proposée par Fairphone n’est pas du tout digne du prix de vente de cet appareil. Certains appareils à 200 euros, comme le Redmi Note 10, nous semblent mieux optimisés que le Fairphone 4.
Le suivi du tactile a parfois de la latence, certaines applications peuvent parfois mettre du temps à s’ouvrir (mention spéciale à l’appareil photo, nous en reparlerons plus tard), les animations créent souvent des ralentissements et les réglages de l’appareil sont assez confus (on pense notamment à la « 5GBasic » et à certains paramètres d’affichage qui, d’après nos recherches, sont normalement réservés aux produits TCL, ce qui nous interroge sur leur présence).
Parfois, on a l’impression que Fairphone est un peu dépassé par les événements, qu’il a tenté de bidouiller une expérience sans avoir les capacités d’un géant des nouvelles technologies. En même temps, comment rivaliser avec un Samsung ou un Oppo quand on est une start-up ? On se demande d’ailleurs comment le Fairphone 4 vieillira quand les applications seront de plus en plus gourmandes en ressources. Au vu de sa lenteur actuelle, on ne parierait pas sur une issue positive.
Parlons aussi rapidement des promesses de mises à jour de Fairphone. Livré sous Android 11, le Fairphone 4 devrait aller jusqu’à Android 15 selon les promesses de la marque qui, même lorsque Qualcomm arrêtera de supporter sa puce, s’engage à le faire elle-même. Très sincèrement, nous croyons Fairphone.
La marque a beau mettre énormément de temps pour mettre à jour ses produits, elle semble vraiment se mobiliser sur le sujet pour bien faire les choses. En revanche, ce qu’on ne peut pas savoir, est l’état d’un Fairphone 4 sous Android 15 dans six à sept ans. Sera-t-il plus lent qu’aujourd’hui où nous sommes déjà à la limite par rapport à la concurrence ? Plus les applications évolueront, plus elles seront exigeantes en ressources.
Un écran indigne de 2021
Si les performances du Fairphone 4 sont moyennes sans être mauvaises, on ne peut pas en dire autant de l’écran du smartphone. A 579 euros, il n’existe à notre connaissance aucun autre smartphone sans écran OLED (l’iPhone SE, d’Apple, coûte moins). La marque néerlandaise utilise du LCD et sacrifie donc le noir absolu pour un taux de contraste de 1581:1, franchement décevant pour regarder du contenu vidéo.
Encore plus inquiétant, la luminosité de l’appareil est anormalement basse. Notre laboratoire a relevé une luminance maximale de 411 cd/m2, ce qui est extrêmement loin des 1000 cd/m2 des meilleurs appareils du marché. En extérieur, c’est souvent trop peu. L’écran du Fairphone 4 n’est pas conçu pour une utilisation sur la plage ou au bord de la piscine. Voilà un autre point sur lequel le smartphone écologique fait de trop gros sacrifices.
Une autonomie plutôt satisfaisante
Selon le laboratoire de 01net.com, le Fairphone 4 n’est pas un smartphone très endurant. L’appareil a résisté 12h00 à notre test d’autonomie polyvalente, 11h22 en streaming vidéo et 26h39 en communication, ce qui est plutôt dans la moyenne basse. Ces résultats sont d’autant plus décevants que le smartphone est peu lumineux et que son taux de rafraîchissement de 60 Hz n’est pas censé être énergivore. Bien sûr, sa batterie de 3 905 mAh est amovible, ce qui veut dire que vous pouvez vous promener avec une batterie de secours si vous le souhaitez. Un avantage par rapport à la concurrence !
Cependant, il ne faut pas toujours se fier aux résultats de laboratoire. En utilisation très basique, c’est-à-dire avec des appels, de la messagerie et des réseaux sociaux, ce que l’on imagine que la personne qui achètera un Fairphone fera le plus, le smartphone écoresponsable s’est avéré plutôt endurant. On le recharge la nuit, il tient la journée. N’espérez juste pas en faire une console de jeu portable. Le Fairphone 4 n’est pas fait pour.
Photo : lenteur record
Parlons des appareils photo du Fairphone 4. Nous avons réalité ce test avant l’arrivée promise d’une grosse mise à jour fin novembre. Selon la société, beaucoup de défauts auront dû être corrigés. Il est donc possible que les critiques que nous allons faire dans les prochaines lignes ne soient plus d’actualité dans le futur. En tout cas, on l’espère.
L’application Appareil photo pose en elle-même problème. On se demande si Fairphone l’a développée en interne ou s’il a récupéré un projet open source quelque part, sans aucun travail d’optimisation. Il y a des filtres assez inutiles, des modes dignes d’un appareil photo compact des années 2000 (feu d’artifice, plage, neige, visage, action, paysage, théâtre, sports, fête, bougie…) des erreurs de typographie (« Vidéo » avec une majuscule mais « photo » sans) et la navigation n’est pas du tout agréable. Passer d’un capteur à un autre n’est pas intuitif, tout comme le zoom numérique.
Tout ceci est d’autant plus embêtant que la qualité des photos pose en elle-même de gros problèmes. Malgré l’utilisation de deux capteurs de 48 Mpix (grand-angle et ultra grand-angle), nous n’avons quasiment jamais réussi une belle photo avec le Fairphone 4. Tout est flou et ultragranuleux, les visages sont lissés, la gestion de la lumière passe complètement à côté… Tout ça n’a aucun sens, on dirait de la peinture.
C’en est d’autant plus ridicule qu’il faut environ deux à trois secondes au téléphone pour prendre une photo de jour (on parle du temps entre le moment où l’on touche l’écran et sa réaction) et jusqu’à huit secondes la nuit, ce que nous n’avons jamais vu chez aucun concurrent. Pas besoin de vous dire qu’en un temps si long, ce que vous comptiez photographier a eu le temps de bouger.
Avant d’acheter un Fairphone, nous vous encourageons vivement à réfléchir à l’importance des photos dans votre vie. C’est de loin le point négatif le plus important de l’appareil. Il est selon nous impossible d’immortaliser correctement ses vacances avec un tel smartphone.
Un produit pas « upgradable »
Avant de conclure ce test, nous voulions vous expliquer ce qui ne va pas, selon nous, dans le concept de Fairphone. Si nous apprécions particulièrement la possibilité de changer les composants de son téléphone soi-même, nous ne pouvons nous empêcher de nous demander si une des limites de ce concept n’est pas l’impossibilité de remplacer un composant par une version meilleure. Un certain nombre de personnes qui nous ont posé des questions sur le Fairphone 4 semble convaincu qu’il s’agit d’un smartphone modulaire. Or, il ne l’est pas. Il s’agit d’un smartphone facile à réparer, qui devra durant toute son existence utiliser les mêmes composants.
Dans une industrie qui évolue aussi rapidement que celle du smartphone, il nous semble compliqué de penser que remplacer un appareil photo âgé de cinq ans par un autre âgé lui aussi de cinq ans réglera le moindre problème, même chose pour la puce qui est pour le coup impossible à changer. Nous pensions qu’il est important que vous compreniez bien cet aspect avant d’éventuellement commander l’appareil. Votre Fairphone 4, même avec de nouveaux composants, restera toujours le même. Dans le cas contraire, Fairphone ne serait pas obligé de lancer un nouveau produit tous les ans.
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