Un compact avec focale fixe a-t-il encore du sens en 2019 face aux smartphones ? « Oui » affirme Ricoh en lançant son GR III, troisième rejeton de la série d’appareils à capteur APS-C initiée en 2015 avec le premier GR (et septième boîtier de la gamme GR numérique si on prend en compte les GRD I à IV). Un compact équipé d’un capteur de reflex mesurant 23,7 x 15,7 mm (372 mm), à comparer aux 7,18 x 5,76 mm (41 mm) que l’on peut trouver dans le module caméra principal de l’iPhone XS par exemple.
257 grammes dans la poche
Le dilemme du GR III est de proposer une focale approchante de celle des smartphones (équivalent 28 mm). Si les photographes savent les avantages d’un grand capteur, il n’empêche que beaucoup shootent quand même avec leur téléphone en grand-angle parce que celui-ci est tout le temps dans la poche.
Pour faire accepter d’emporter un autre appareil, Ricoh a joué à fond la miniaturisation et a encore réduit le volume de son boîtier par rapport à la génération précédente. Le GR III est sans aucun doute l’appareil photo à capteur APS-C le plus petit du monde. Et le plus léger aussi : avec 257 g batterie et carte mémoire SD incluses, il ne pèse que 31 grammes de plus que le dernier iPhone 11 Pro Max (qui est certes lourd pour un smartphone).
On peut ainsi avoir le téléphone dans la poche droite et le GR III dans la poche gauche. Avec beaucoup plus de pixels et de qualité d’image dans cette dernière.
50% de pixels en plus
Les Ricoh GR et GRII partageaient le même capteur APS-C 16 mégapixels. Pour ce GR III, Ricoh a poussé plus loin la définition d’image avec un nouveau capteur de 24 Mpix, un bond de +50% qui a son intérêt pour les grands tirages. Mais aussi pour les recadrages qu’ils soient sur l’ordinateur ou directement dans le boîtier, puisque le GR III intègre un mode de simulation de focales 35 mm et 50 mm du boîtier (lire plus loin).
Qui dit plus de pixels dit défi pour la montée en ISO. Un défi péniblement relevé par le GR III, le bruit numérique à 6400 ISO étant un cran en dessous de celui de ses aïeuls. La limite de qualité optimale se situe ainsi plutôt aux alentours de 3200-5000 ISO, même si la plage ISO est débridée jusqu’à 102.400 ISO – un seuil où les images sont clairement de la bouillie. On peut toujours envisager des shoots à 12.800 ISO, mais au prix d’un gros traitement du bruit en RAW et dans l’acceptation d’une sacrée perte de détails. Ou alors dans l’optique d’un développement noir & blanc un peu « trash ».
La moulinette Jpeg interne de l’appareil fait un travail tout à fait satisfaisant, mais attention à l’interprétation des couleurs dans le mode par défaut. Outre un rendu assez doux des détails, la balance des blancs pas défaut est un peu trop froide à notre goût. Réglez la balance des blancs sur lumière naturelle ou faites-le a posteriori dans votre logiciel de développement RAW pour récupérer un peu de chaleur naturelle.
Autre reproche technique, la plage dynamique est moins large que ce proposent des appareils APS-C comme le Fujifilm X-T3 par exemple. On rattrape bien les hautes lumières, mais un peu moins les ombres, en tous cas sans faire exploser le bruit et la justesse des couleurs.
Stabilisation mécanique : une merveille d’intégration
Une stabilisation qui représente un tour de force d’ingénierie puisque l’appareil est plus râblé que ses aïeuls. Vous avez bien lu : dans un boîtier plus compact que les GR I/II, les ingénieurs de Ricoh ont tellement miniaturisé l’électronique qu’ils ont profité de l’espace libéré pour intégrer un mécanisme de stabilisation. Point de stab 5 axes comme chez les hybrides mais une stabilisation 3 axes qui fait déjà un bon boulot.
Ricoh nous avait confié l’an dernier lors d’une présentation sous embargo du produit que le choix de la stabilisation mécanique plutôt qu’une stabilisation optique fut motivé par le choix de « produire l’appareil photo le plus compact possible ». Une stabilisation optique « aurait allongé et alourdi l’optique, faisant perdre en rapidité de déploiement et aurait fait grossir le bloc (optique, ndr) ». Un bloc optique qui a été revu depuis les GR et GR II, améliorant le pouvoir séparateur afin de coller à la définition d’image en hausse de 50%.
Cette stabilisation est du pain béni pour le mode macro, les shoots de détails à bout de bras et autres situations en basses lumières, où le gain de quelques vitesses permet d’éviter de monter trop haut en hautes sensibilités.
[ Visionnez les photos de test en pleine définition sur notre album Flickr ]
Arrière-plans flous, piqué de l’image et richesse des détails
À focale égale – ou presque – qu’apporte le Ricoh GR III face à un smartphone ? Son capteur APS-C pardi ! Outre son format 3/2 un peu plus panoramique que le format 4/3 des smartphones, le capteur APS-C du Ricoh GR III est surtout bien plus grand. Ce qui lui permet, outre la meilleure montée en ISO, d’offrir une qualité de rendu bien meilleure. Les détails sont plus riches d’une part, mais les clichés ont aussi plus de relief, plus de punch – on parle de piqué – ce qui les rend plus « réels », plus organiques que les images un peu plates des smartphones.
Sa plus grande taille lui donne aussi la possibilité de créer des arrière-plans flous. Si c’est légèrement perceptible sur les portraits, c’est très visible sur les images de détails ou les clichés « macro ». Dans ces configurations où les sujets sont proches de l’appareil au moment de la prise de vue, la zone de netteté devient très fine, et l’arrière-plan très flou, velouté, avec une transition très douce du net vers le flou. Si les algorithmes des Apple, Huawei et consorts offrent de bons résultats dans de nombreuses situations, les clichés des smartphones n’ont cependant rien à voir en termes de finesse de l’arrière-plan et de qualité pure, surtout lorsqu’ils sont examinés à la loupe ou tirés sur des formats plus grands que le 10×15 classique.
Du point de vue de la proxiphotographie – on ne peut pas réellement parler de macro – l’optique est fabuleuse. Elle offre une mise au point minimale à 10 cm en mode « normal » et une plage de 6 à 12 cm en mode « Macro ». Dans ce dernier mode, les arrière-plans flous sont d’une grande douceur, très agréable à l’oeil. Et dès que l’on ferme le diaphragme, les détails piquent sérieusement.
Attention cependant aux photographes qui viennent du monde du smartphone : la zone de netteté plus fine d’un « grand » capteur APS-C doit s’apprivoiser.
AF et la batterie en talon d’Achille
Sans être un vrai point noir, la vitesse de l’autofocus du GR III est un peu décevante : à l’usage, nous n’avons pas noté de différence notable avec le GR II. Le mode « snap » qui permet de fixer la distance de mise au point est toujours de la partie – heureusement pour la photo de rue – mais l’AF hybride (phase + contraste) n’est pas au niveau de ce que nous espérions. La faute sans doute au Ricoh GR Engine 6, peut-être pas aussi puissant qu’il le faudrait. La reconnaissance des visages et le calage de l’AF sur ces derniers sauve la mise, mais n’attendez pas un suivi de qualité.
Côté rafale, malgré les 50% de pixels en plus, Ricoh maintient la cadence de 4 images par secondes. Ce qui est suffisant pour l’usage de ce genre de boîtier. Et ce, d’autant plus que pousser plus loin les performances aurait eu un impact négatif sur la consommation énergétique.
Une consommation déjà très importante puisque l’appareil affiche une autonomie de seulement 200 clichés par charge selon le protocole de la norme CIPA. Dans les faits, en revoyant ses images et avec la navigation dans les menus, on tourne autour de 200 à 250 images. Si une batterie de secours vous sera utile pour vos virées, sachez que la prise USB C permet de recharger l’appareil sur n’importe quelle batterie externe, comme les smartphones. Un vrai plus pour les baroudeurs.
Merveille ergonomique appréciée des puristes
Ne vous fiez pas à l’austérité des menus : comme ses aïeuls, le GR III est une merveille ergonomique qu’il faut apprivoiser. Entre la roue codeuse arrière qui fait aussi office de croix directionnelle, la roue avant qui tombe sous l’index droit, la molette cliquable qui tombe sous le pouce droit et l’écran tactile, l’accès aux fonctions de l’appareil se fait à une vitesse sans aucune commune mesure dans le domaine des compacts… voire des appareils photo en général.
Avec ses quatre modèles de GRD et ses trois modèles de GR, Ricoh a perfectionné une ergonomie de type « à une main » qui permet de modifier un paramètre avec une rapidité déconcertante pour peu qu’on prenne le temps de découvrir l’appareil. La base des amateurs de la série n’a pas besoin d’être convaincue de la chose – l’ergonomie est, aux côtés de la compacité et de la qualité d’image, l’un des piliers de la série GR – mais les autres ne devront surtout pas passer à côté.
Outre l’accès aux fonctions, ce sont une horde de détails qui font la différence dans la série GR. On peut ainsi consulter les photos de l’appareil sans l’allumer, simplement en appuyant sur la touche « lecture ». Les recadrages 35 mm et 50 mm sont disponibles pour ceux qui voudraient changer de focale (comme chez les Leica Q et Leica Q2), les molettes sont hyper réactives et se manipulent sans effort, l’appareil intègre 2 Go de mémoire au cas où vous auriez oublié de remettre votre carte mémoire, etc. Le genre de « détails » qui peut faire tomber « amoureux » de l’appareil – bien plus que les performances brutes. Seul regret ergonomique : l’écran tactile n’est pas orientable.
Côté vidéo, l’appareil fait de la Full HD… et c’est tout, ou presque. On peut juste changer la cadence de trames à 24p, 30p ou 60p. Un GR c’est fait pour la photo de toute façon !
Le GR II, son pire ennemi
A 899 euros, le GR III est un appareil de niche. Son prix élevé se justifie sans nul doute par la qualité des composants, le nouveau capteur 16 Mpix ou l’intégration de la stabilisation mécanique. Il n’empêche que son petit frère le GR II se trouve à 539 euros chez les cybermarchands photo français, soit 360 euros de moins. Le tout dans un boîtier un peu moins défini et non stabilisé, mais meilleur en basses lumières et tout aussi performant côté AF et qualité d’image.
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