C’est l’histoire d’un constructeur auto qui se met à la magie. C’est aussi l’histoire de son premier tour qui consiste à transformer un moineau en éléphant. Mercedes, le magicien, ou plutôt sa marque urbaine Smart, s’est effectivement mis en tête de faire revivre l’icône des années 90, mais sous une autre apparence. Exit la puce des citadines, celle qui n’avait besoin que d’une demie place de parking pour faire son nid. La Smart de nouvelle génération, appelée #1, a pris quelques centimètres et quelques kilos aussi. C’est désormais un SUV.
Mercedes n’est pas le seul acteur à l’œuvre dans cette transformation. Depuis quelques mois, Smart est une entité détenue pour moitié par la marque allemande et pour l’autre moitié par le Chinois Geely (propriétaire entre autres de Volvo et Polestar). Dans les faits, le travail de conception est partagé de manière très claire. A Mercedes, le coup de crayon et la partie logicielle, à Geely la plate-forme et la fabrication du véhicule.
Un soupçon de Mercedes, une pincée de Brabus, pas grand-chose de Smart
Voilà un petit moment que Smart peaufine sa #1. Dévoilé lors de l’IAA 2021 sous forme de concept, le SUV compact a très peu évolué depuis. Dessinée par Mercedes et conçue par Geely la #1 amène une légère touche d’originalité dans le monde assez formaté du SUV. Cette impression est sans doute le fait d’une absence de parti pris. Considérée comme un SUV compact, un Crossover ou une compacte surélevée, selon la personne à laquelle on pose la question, la #1 fait attention à ne froisser aucune religion automobile et navigue entre deux eaux.
Néanmoins, la filiation avec Mercedes est évidente aussi bien au niveau des optiques que dans l’habitacle qui reprend l’esprit des dernières productions de la marque à l’étoile. Une planche de bord qui donne l’impression de flotter, un volant caractéristique et des finitions soignées, pas de doute, le tampon Deutsche qualität est mérité.
C’est encore plus vrai sur la version BRABUS, le modèle le plus haut de gamme du catalogue, le plus sportif aussi, que nous avons eu l’occasion d’essayer. Celui-ci bénéficie d’un soin encore plus particulier eu égard à la réputation premium du partenaire du moment.
Smart s’amuse avec son OS
Au centre de l’habitacle trône un très bel écran de 12,8 pouces, au format paysage. Un rapide coup d’œil permet de s’apercevoir que son OS ne ressemble à aucun autre. C’est même l’un des aspects les plus intéressants de ce véhicule. En effet, Smart aurait pu se contenter, comme nombre de ses concurrents, d’aller à la simplicité c’est-à-dire d’opter pour Google Automotive. D’ailleurs, Geely ne se gêne pas pour avoir recours à la solution intégrée de Mountain View lorsqu’il s’agit d’équiper ses Volvo ou ses Polestar. Que nenni ! Il a choisi au contraire de développer sa propre solution, et d’y injecter originalité et bonnes idées. Entendons-nous, l’OS de la Smart est bien un dérivé d’Android, mais les ingénieurs de Mercedes ont pris la peine de développer une surcouche qui mérite pleinement qu’on s’y attarde.
Dès la page d’accueil, les bases sont posées. Celle-ci ressemble davantage à un bureau mal rangé ou à un fond d’écran particulièrement chargé en couleurs. Un détail ressort néanmoins : un petit renard animé en bas à droite de l’écran qui interpelle le conducteur régulièrement. Cet avatar aux faux airs du panda roux de Firefox est l’incarnation de l’IA du véhicule. C’est à lui que s’adressent les commandes vocales des occupants et force est de constater qu’elles sont particulièrement bien interprétées. Ainsi, le système reconnaît non seulement des commandes poussées telles que « j’ai froid » (pour augmenter la température de l’habitacle) ou « ferme la fenêtre » mais il est aussi capable de les localiser en fonction de la place depuis laquelle elles ont été émises. Ainsi, il fermera la bonne fenêtre et augmentera la climatisation pour le passager concerné par ces préoccupations.
Pour le reste, bien que l’interface ne soit pas toujours des plus intuitives, des efforts ont été faits pour que la navigation soit facilitée. On soupçonne d’ailleurs Smart d’être aller piocher quelques bonnes idées chez Apple (les commandes gestuelles), mais surtout chez Tesla. En effet, comme chez le constructeur californien, l’OS est considéré comme un acteur majeur du véhicule, censé entrer en scène notamment lorsque celui-ci est en train de charger. Ainsi, en plus d’intégrer Spotify et Tune in, l’interface fonctionne sur un modèle d’applications plus ou moins réussies. On notera d’ailleurs que Smart tente de développer une partie vidéoludique composée pour l’instant de deux jeux qui donnent surtout envie de s’en remettre à son smartphone pour passer le temps.
L’OS, qui tourne grâce à une puce Snapdragon 8155, est plutôt fluide, mais n’est pas dépourvu de certains bugs. Ici, il convient de préciser que nous avons essayé un véhicule de pré-production. À en croire les officiels de Smart, la plupart de soucis logiciels sont connus et devraient être corrigés via une mise à jour avant le lancement commercial du véhicule. Si l’interface de cette #1 n’est donc pas parfaite, elle a le mérite d’apporter un peu de fraîcheur et de nouveauté dans un univers souvent sérieux pour ne pas dire morne. Si la nouvelle Smart a perdu de son unicité en matière de design, elle garde une certaine originalité dans son interface, c’est certain.
Des aides à la conduite efficaces mais agaçantes
Point fort de Mercedes, mais aussi de Geely, les aides à la conduite font partie des atouts de cette #1. Qu’il s’agisse de l’autonomie de niveau 2 (aide au maintien dans la voie, régulateur adaptatif de vitesse) ou des aides au stationnement, le constat est identique : elles sont bien dosées, intuitives et faciles à utiliser.
Néanmoins, à moins d’un ajustement dans une future mise à jour, il faudra s’armer de patience pour supporter leur omnipotence. En effet, les assistances à la conduite sont certes efficaces, mais elles sont également particulièrement intrusives. Ainsi, le simple fait de se gratter la tête donne lieu à un rappel à l’ordre de l’assistant de somnolence, qui s’active également toutes les 30 secondes lorsque le conducteur s’avise de porter des lunettes. Le fait que l’on ait testé le véhicule avec un modèle de préproduction ne permet pas de se rendre compte totalement des améliorations que Smart va effectuer sur l’OS avant de livrer ses premiers modèles, mais sur ce point aussi, elles s’avèrent nécessaires.
En autonomie, la #1 paye son surpoids
Bâtie sur la plate-forme SEA de Geely, la #1 embarque une batterie de 66 kWh. Bien évidemment, l’autonomie varie quelque peu d’une finition à une autre, toutes n’ayant pas ni le même équipement ni la même puissance motrice. Néanmoins, Smart se targue d’une autonomie de 400 km et plus quelque soit le modèle, y compris la Brabus. Lors de notre essai, au cours d’un itinéraire mixte qui empruntait à la fois des passages urbains, quelques kilomètres d’autoroute et principalement le réseau secondaire, la consommation s’est révélée moins séduisante. Le constructeur annonce 17,9 kWh/100 km. Pour notre part, nous avons constaté une consommation moyenne de 20,4 kWh/100 km ce qui permettrait à la Smart #1 Brabus de parcourir 330 km en une seule charge. C’est honorable, mais à l’heure où la majorité des constructeurs s’améliorent sur ce point, Smart semble légèrement en retrait.
Quant à la partie recharge, Smart s’en sort convenablement en étant dans la moyenne actuelle des véhicules comparables. Concrètement, cela correspond à une puissance maximale de 150 kW en charge rapide (il faut moins de 30 mn pour passer de 10 à 80% de batterie). Quant à la recharge sur courant alternatif (AC) elle est plafonnée à 7,4 kW sur la version d’entrée de gamme, la Pro+ et atteint 22 kW sur les autres modèles mieux dotés.
La Smart #1 sur la route, ça donne quoi ?
Le point fort de la Smart, c’est sans conteste son accélération. Celle-ci est palpable dès le mode confort, mais en mode Sport et encore plus en mode Brabus, elle devient carrément grisante. En effet, si toutes les finitions de la Smart disposent de trois modes de conduite, la Brabus en ajoute un de plus, le seul qui tire pleinement parti des deux moteurs électriques et permet de toucher le pic de puissance de 315 kW (543 Nm de couple). Si l’accélération est incontestablement présente, avec un 0 à 100 km/h en 3,9 secondes seulement sur le modèle Brabus, le comportement du châssis ne suit pas forcément et s’avère plus adapté à une conduite souple et confortable qu’au dynamisme auquel invite sa puissance nominale. En définitive, la Smart #1 reste une voiture familiale malgré des capacités supérieures à la moyenne sur les premiers hectomètres.
Dans l’ensemble, malgré quelques incongruités, la #1 étonne par son comportement et surtout par le fait que celui-ci change réellement d’un mode de conduite à l’autre.
Quel est son prix ? Qui sont ses concurrents ?
Bien que Smart soit considérée comme la marque accessible du groupe Mercedes, elle n’est pas vraiment ce que l’on pourrait qualifier de low cost… Pour le dire autrement, Smart n’est pas pour Mercedes ce que Dacia est à Renault. Aussi, bien qu’on ne soit pas sur les standards tarifaires d’un EQS, la #1 reste un véhicule électrique au tarif élevé, de ceux qui, même avec le bonus maximal, ne pourront pas intégrer notre sélection des meilleures voitures électriques à moins de 30 000 euros.
En effet, le ticket d’entrée de la Smart #1 est à 39 990 euros, pour la version Pro+. Deux autres niveaux de finition supérieurs viennent compléter le mince catalogue, une version Premium à 43 490 euros et la Brabus, la plus haut de gamme à 47 990 euros. Aussi, la question qu’il convient de se poser c’est : à qui s’adresse cette Smart et qui peut-elle concurrencer vraiment ? Avec une version d’entrée de gamme légèrement moins chère qu’un Mercedes EQA et une version premium au tarif d’une Tesla Model Y Propulsion, la mission de cette #1 s’annonce pour le moins périlleuse. Entre ces deux extrêmes, la guerre fait rage avec une palanquée de concurrents parmi lesquels les très sérieux Hyundai Ioniq 5 et Kia EV6, la triplette électrique du groupe Volkswagen (Audi e-Tron Sportback, Skoda Enyaq et Volkswagen ID.4 et ID.5) et même une Renault Mégane E-tech EV60 côté français. Disons-le clairement, la #1 ne part pas avec un statut de favori.
Verdict de l’essai
Avec cette #1, le pari de Smart était plutôt osé. Est-il réussi pour autant ? À l’évidence, il n’y a pas grand-chose à reprocher à la version Brabus de notre essai. C’est un SUV électrique, solide, sérieux qui conjugue accélération fulgurante à un agrément de conduite honnête. Certes, son prix interroge, mais pour le reste, le bilan est globalement positif. Une fois ce constat réalisé, deux questions émergent presque immédiatement.
À qui s’adresse cette #1 ? Pourquoi serait-elle préférée à la ribambelle de SUV électriques déjà sur le marché et dont certains font partie des meilleures voitures électriques du moment ?
Où est passé l’esprit Smart ? L’ADN de la marque résidait justement dans le fait de proposer des voitures taillées pour la ville… à l’image de la Smart EQ Fortwo en fin de parcours. L’électrification n’aurait-elle pas eu plus de sens sur ce genre de petites citadines plutôt que sur des SUV surdimensionnés ? Sans rien jeter de la réussite de la Smart #1, nous ne pouvons qu’émettre le souhait que la #2, qui ne devrait pas arriver avant 2024, retrouve la touche Smart.
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.