Avec son Find X5 Pro, Oppo s’invite doucement dans la catégorie des constructeurs qui font eux-mêmes leurs puces. Pour ce premier pas dans cette direction, plutôt que de partir sur une puce 100% sous contrôle maison comme Google et son Pixel 6/6 Pro, Oppo a commencé par un processeur d’image dont nous vous avons déjà parlé, le MariSilicon X. Mais aux commandes, on retrouve toujours le fleuron de Qualcomm, le Snapdragon 8 Gen 1.
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Choix des composants, intégration, peaufinage d’Android et évidemment, partition photo : une puce ne fait pas tout. Le défi de chaque terminal est de savoir si le constructeur a trouvé un bon équilibre. Et ici de savoir si Oppo arrive enfin à s’imposer dans les terminaux haut de gamme.
Puissant, autonome et vite rechargé
Oppo maîtrise bien le Snapdragon 8 Gen 1 aux commandes de ce Find X5 Pro. Avec des autonomies solides – 14 h 08 en polyvalente et 13 h 43 en streaming vidéo – le terminal tiendra parfaitement la journée d’activité complète- voire plus si on fait attention. La décharge est régulière, et la recharge rapide. Très rapide : 42 minutes suffisent pour passer de 0 % à 100 % avec le chargeur 80W livré – oui, ça existe encore des marques qui fournissent les chargeurs !
S’il n’est pas le roi en termes de tests dits « synthétiques » qui font la moyenne des tâches que l’on confie à un CPU, son GPU est cependant un modèle de puissance. Sous AntuTu 9 Gpu, il affiche un score de 432233, le plus élevé de nos tests actuellement (au temps pour Samsung qui a intégré un GPU custom de chez AMD pour le score moins élevé de 399060 !).
Les joueurs ont donc tout intérêt à garder ce smartphone à l’œil – enfin, s’ils ont plus de 1000 € à mettre dans un smartphone. Attention toutefois, les remarques de chauffe du Snapdragon 8 Gen 1 ne sortent pas de nulle part. La puce gravée en 4 nm par Samsung monte jusqu’à 43°C quand elle est très sollicitée. On comprend les rumeurs d’un retour à TSMC l’an prochain, le taïwanais maîtrisant mieux les nodes à faible consommation d’énergie.
En matière de système d’exploitation, l’appareil est livré avec un Android 12 sur lequel Oppo plaque sa surcouche Color OS. Une version d’Android rapide et fonctionnelle, qui ne rencontre pas les ralentissements que l’on peut parfois subir chez le One UI de Samsung par exemple. Les icônes en material design sont un peu fades, mais très lisibles. L’appareil n’est pas saturé d’applications non désirables et celles qui le sont – PUBG ou encore Amazon – se désinstallent en une seconde. La mise à jour du système est impeccable et très rapide, pas comme chez certaines marques (coucou Sony !).
Écran : couleurs justes en mode « naturel »
En mode « par défaut » tel qu’il est livré, le rendu des couleurs du terminal est faux. Et même archifaux : avec un Delta E de 5,73, on a droit à des tons flashy qui auraient tout à fait leur place dans les (mauvaises) pubs des années 1980. En ce début d’année 2022, où le bon goût règne (non), nous vous recommandons de passer le rendu des couleurs en mode « Naturel ». Mode qui, avec son Delta E de 1,78, permet de profiter de teintes justes.
Sans être le champion des écrans, le Find X5 Pro offre une très bonne prestation, que ce soit en termes de niveau de contraste, qu’en termes de luminosité maximale (768 cd/m² dont 803 cd/m² en pic) ou de fluidité d’écran. Avec une définition native de 3216 x 1440 pixels, cette dalle de 6,7 pouces offre une très bonne résolution d’image de 526 dpi. Et offre ainsi un excellent confort de lecture.
Configuré dès la sortie d’usine en 120 Hz, l’écran ne souffre d’aucune saccade – on sent aussi qu’Oppo maîtrise très bien Android et sa surcouche. Si le terminal arrive à basculer de 1Hz à 120 Hz selon les besoins (lecture de texte, vidéo, jeux), les plus soucieux de l’autonomie auront cependant intérêt à se limiter à 60 Hz.
Photo 1/3 : des capteurs certes grands, mais pas géants
Le Find X5 Pro est gâté en matière d’ultra grand-angle : plutôt que de s’appuyer sur un petit capteur comme le font la plupart des concurrents, le module équivalent à un 15 mm f/2.2 reçoit le même capteur que le module principal, l’IMX766. Grâce à sa plus grande surface photosensible, ce capteur de 50 Mpix (12,5 Mpix en sortie) au format 1/1.56’’ donne de bien meilleurs résultats que des modèles plus petits, notamment en basses lumières.
C’est ce même capteur qui est donc au cœur du module principal, un équivalent 25 mm f/1.8. Un capteur non pas acheté sur étagère, mais codéveloppé avec Sony, qu’Oppo doit commencer à maîtriser puisqu’il a été introduit l’an dernier dans son Find X3 Pro.
Sur le papier, le X3 et le X5 semblent assez semblables, mais les optiques ont été revues (15 mm au lieu de 16 mm pour l’ultra grand angle, 25 mm f/1.7 au lieu de 26 mm f/1.8 pour le grand-angle et une lentille frontale en verre). Et surtout, le capteur du module principal profite d’une stabilisation mécanique du capteur qui se conjugue à la stabilisation optique. De fait, rares sont les flous de bougé de l’opérateur.
Le niveau de détail est bon, le rendu des couleurs juste (notamment les modules ultra grand angle et grand angle) et Oppo a trouvé un équilibre entre bruit numérique et lissage dans les zones sombres. Mais on ne profite pas de la richesse des détails que peuvent produire les capteurs plus grands type 1/1.28’’ (Huawei Mate 40 Pro) voire 1/1.12’’ (Xiaomi Mi 11 Ultra).
Il faut toutefois saluer le fait que ces bonnes performances sont maintenues en basses lumières. Pas de dérive colorimétrique majeure, pas de bruit numérique trop présent. Les clichés sont bien exposés et les couleurs justes. Là encore, les capteurs un peu plus grands donnent un peu plus de détails, mais Oppo signe ici une excellente partition.
Photo 2/3 : puissance de zoom limitée
Dans le numéro d’équilibriste que représente la conception d’un smartphone haut de gamme – il faut jongler avec la puissance (chaleur, conso d’énergie), l’espace disponible, le prix des composants, etc. – Oppo a fait un choix de qualité de composants. Et puisque choisir c’est renoncer, ici Oppo a passé son tour sur le téléobjectif, comme avec le Find X3 Pro de l’an dernier.
Logique, mais un peu surprenant pour une entreprise qui avait acquis ses premières lettres de noblesses avec le super téléobjectif du Find X2 Pro. Un terminal qui proposait un équivalent 129 mm f/3.0, soit un zoom x7.6 en partant de l’ultra-grand-angle.
À côté de ce 129 mm, l’équivalent 52 mm du Find X5 Pro est bien plus modeste. Si cela lui permet de rester en lice face aux iPhone 13 Pro/Pro Max (77 mm), cela ne lui permet pas de remplacer un compact de voyage comme pouvait le faire le Find X2 Pro. Pour profiter d’un zoom puissant, le Google Pixel 6 Pro (éq. 104 mm) ou surtout le Galaxy S22 Ultra 5G (éq. 230 mm) sont plus adaptés.
Attention, il ne s’agit pas d’un jugement : au quotidien, profiter de modules caméras intégrant des capteurs de meilleure qualité et plus grands (impossibles à intégrer dans un télé/super téléobjectif) est plus utile. Mais il faut connaître les limites des choix opérés par les constructeurs.
Regret en termes de conception des optiques : comme pour trop de terminaux, le traitement oléophobe sur la lentille frontale est soit absent, soit peu efficace (difficile de savoir). Le risque de voile est réel, tant est si bien qu’Oppo a intégré un algorithme de détection de saleté dans son logiciel de prise de vue (qui doit sans doute mesurer le taux de contraste par rapport à un taux optimal). Mais comme le montre l’image ci-dessus, rien ne vaut un bon coup… de chiffon.
Photo 3/3 : Hasselblad et MariSiliconX
Débuté avec OnePlus, le partenariat avec les sino-suédois de Hasselblad (qui appartient au chinois DJI), s’élargit à la maison mère Oppo. Un partenariat dont nous vous avons dressé les contours lors de notre rencontre avec Simon Liu. Et qui, pour l’heure, concerne surtout un cadre de travail en matière de couleurs. Pour le reste, mis à part un bouton de déclenchement orange (couleur de Hasselblad), un mode panoramique façon X-Pan et un mode « Pro » avec les débrayages manuels, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent.
Nous sommes d’ailleurs assez dubitatifs quant au niveau de science des couleurs qu’Oppo peut récupérer d’Hasselblad. Si, du fait du patrimoine argentique notamment, les Suédois savent faire des boîtiers – ainsi que calibrer les couleurs de leurs capteurs moyen format des appareils récents – ils n’ont cependant pas l’expertise colorimétrique de Fujifilm ou de Kodak. Or, c’est dans ces simulations d’émulsion ou dans des profils colorimétriques qui ont « du chien » qu’on espère qu’Oppo se démarque.
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En ce qui concerne MariSiliconX, le précédent de GoPro nous laisse à penser que nous n’avons encore rien vu. Pour sa Hero 6, lancée en 2017, GoPro s’était débarrassé de son fournisseur de puces Ambarella et avait développé sa propre puce, le GP1. Une puce qui a ainsi équipé neuf générations de caméras (de la Hero 6 à la Hero 9) avant d’être remplacée par le GP2 dans la Hero10.
Or, entre la Hero 6 et la Hero 9, GoPro a appris à maîtriser sa puce, a mieux calibré la quantité de mémoire disponible, a changé les capteurs, a peaufiné ses algorithmes, etc. Tant et si bien que le niveau de performances – traitement du bruit numérique, mais surtout qualité de stabilisation électronique – d’une Hero 9 est très largement au-dessus d’une Hero 6. Avec exactement la même puce !
Aussi, si le Find X5 Pro offre déjà une bonne prestation, il y a fort à parier que si la puce MariSilicon X apporte un quelconque avantage, ce ne sera que dans plusieurs mois. Ou alors pour les terminaux suivants. Car pour l’heure, la puce n’a pour l’heure pas réussi à faire une différence majeure avec la concurrence. Il faut cependant garder le terminal à l’œil et surveiller les évolutions logicielles pour mesurer l’évolution de la maîtrise d’Oppo.
Pas assez de stockage pour un produit « image »
Avec un tel potentiel photo et vidéo, on s’attendait à ce qu’Oppo propose, pour les photographes et vidéastes qui en feraient un usage intensif, suffisamment d’options de stockage. Sans demander une version 1 To, 512 Go nous semblait être un bon compromis pour ceux qui auraient envie de limiter leur accès au cloud. Nous avons vu juste… sauf pour la France, qui a décidé de ne pas commercialiser la version 512 Go et de se concentrer sur une unique version 256 Go.
Si on peut comprendre que cela limite le nombre de références avec lesquelles la jeune division française d’Oppo doit jongler – l’entreprise n’est pas encore très connue en France – cela reste très regrettable, autant en termes d’usages que d’image. Quitte à proposer un terminal avec une partie caméra haut de gamme, autant l’accompagner avec un stockage qui reflète ses capacités, non ? Et si des raisons économiques l’en empêche, il serait bienvenu de proposer une extension de mémoire au format Micro SD, non ?
Dans tous les cas et contrairement à Apple et Samsung, Oppo n’arrive pas, en France, à aligner les capacités de stockage sur le potentiel photo et vidéo de son appareil. Et c’est dommage.
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