Depuis quelques années, les constructeurs asiatiques tentent de créer une nouvelle catégorie de produits hybrides entre smartphone et console. Black Shark, Nubia, Lenovo et Asus souhaitent faire du « smartphone gaming » une réalité et misent sur des appareils au design insolite, aux caractéristiques écrasant la concurrence et sur une collection d’accessoires improbables pour créer des écosystèmes susceptibles d’attirer votre attention. Par le passé, 01net.com vous a déjà proposé des tests des Asus ROG Phone ou autres Black Shark et, à chaque fois, a surtout salué l’effort réalisé sur le matériel sans vraiment croire à l’aspect « console ». Asus a beau être le meilleur en la matière, même lui ne nous a jamais convaincu de l’utilité d’un smartphone gaming.
S’il existe un vrai engouement pour ces appareils dans certains marchés comme la Chine, l’audience des ROG Phone est bien plus confidentielle en France. Nous avons souhaité nous mettre à la place de ces joueurs qui misent sur les smartphones gaming en jouant exclusivement sur le ROG Phone 5 pendant plusieurs jours. Ce smartphone est commercialisé à partir de 799 euros, mais que nous avons testé le modèle à 999 euros avec 16 Go de RAM.
Un test pas comme les autres
Vous êtes un habitué des tests de 01net.com ? Vous risquez de remarquer quelques différences entre nos articles habituels et celui-ci. Selon nous, personne n’achètera un ROG Phone pour la qualité de son écran, la polyvalence de ses appareils photo ou son autonomie en communication. Nous avons donc décidé de rentrer directement dans le vif du sujet en ne traitant que les spécificités du ROG Phone 5 comme son design, ses accessoires et sa capacité à faire tourner un maximum de jeux vidéo. Nous évoquerons aussi à la fin de cet article son autonomie, en mode classique et en mode jeu (le mode X). Il faut dire qu’avec sa batterie de 6000 mAh et son processeur Snapdragon 888, le ROG Phone 5 est coriace.
Design : ça passe ou ça casse
Allez savoir pourquoi, les constructeurs d’appareils « gaming » sont convaincus que leurs clients aiment les designs « kitsch ». À vrai dire, il est difficile selon nous de faire pire que ce ROG Phone 5. Ce smartphone est immense (6,78 pouces), arbore d’imposantes bordures d’écran, dispose de deux ports USB-C et, surtout, revêt un logo rétroéclairé capable de changer de couleur (ou de clignoter) sur son dos. Le tout est recouvert d’un motif à base de centaines de petits formes (comme des points), de boutons colorés (comme l’alimentation ou le tiroir carte SIM, en rouge) et d’inscriptions comme « REPUBLIC OF GAMERS, EST. 2006 ». Bref, difficile de ne pas se faire remarquer dans le métro.
On s’amuse par ailleurs de la possibilité de synchroniser la LED à l’arrière de son smartphone avec celle d’un autre propriétaire de ROG Phone, afin de montrer au monde entier que l’on est plusieurs à aimer les smartphones qui clignotent !
Le « kitsch » est assumé chez Asus. En plus du design de son ROG Phone 5, la marque a tout fait pour rendre l’expérience utilisateur « différente ». Le thème proposé par défaut (mais qui n’est pas obligatoire) utilise ainsi des icônes conformes au design de l’appareil. Chaque action est accompagnée d’un son robotique tandis que dans certaines applications, comme la bibliothèque ROG, on a même droit à une musique d’accompagnement. Autant vous prévenir, le ROG Phone se destine vraiment à une communauté particulière…
Plein de fonctions inédites
Pour se différencier de la concurrence, Asus mise sur plusieurs particularités. Parmi elles, on trouve la présence de « gâchettes ultrasoniques » qui permettent de simuler des boutons L1, L2, R1 et R2 lorsque l’on tient son ROG Phone horizontalement (à l’utilisateur de leur donner une fonction dans chaque jeu). Autre particularité, on peut « presser » son smartphone comme une orange pour activer le mode X ou plusieurs secondes pour déclencher Google Assistant. Le smartphone dispose aussi d’une dalle au taux de rafraîchissement 144 Hz et d’une latence tactile record (24,3 millisecondes).
Pour ceux qui se demandent ce qu’est le mode X, il s’agit grosso modo d’un mode dédié au jeu. Une fois activé, le smartphone active le Wi-Fi bi-bande (2,4 Ghz et 5 Ghz simultanément), passe de 144 Hz à 120 Hz, augmente les performances de son processeur et vous prévient que l’autonomie risque de prendre un coup. D’autres modes sont proposés dans les réglages et permettent à l’utilisateur expérimenté de faire ce qu’il veut de son appareil. Pourquoi pas, mais en avait-on vraiment besoin ?
Selon nous, toutes les fonctions additionnelles du ROG Phone 5 sont plutôt intéressantes mais souffrent d’une très mauvaise mise en avant. Bon courage pour les trouver dans les réglages, elles sont dispersées dans tous les sous-menus (de temps en temps avec des erreurs de traduction d’ailleurs). Heureusement, dans l’application « Armoury Crate » (ce que nous appelons « bibliothèque ROG », c’est plus simple), tous ces réglages spéciaux sont regroupés. Il est ainsi plus facile de s’y retrouver. On continue néanmoins à se poser la question de l’utilité de toutes ces options. En n’allant pas à l’essentiel, Asus crée une usine à gaz.
Des manettes et un ventilateur
Contrairement à ses prédécesseurs, l’Asus ROG Phone 5 n’est pas livré avec des accessoires. Le constructeur taïwanais nous a proposé d’en tester deux afin de mieux comprendre l’expérience « smartphone gaming ». Nous avons ainsi en notre possession l’AeroActive Cooler 5 (un ventilateur à clipser au dos de l’appareil) et le ROG Kunai 3 GamePad (des manettes façon Joy-Con, à utiliser accrochées au téléphone ou dans un socle, comme sur la Switch).
À notre grande surprise, l’AeroActive Cooler 5 n’est pas un gadget. Capable de sensiblement refroidir l’appareil, il dispose aussi d’une béquille bien pratique pour que le smartphone tienne sur une table lorsque l’on joue avec une manette. Nous apprécions aussi le fait que cet accessoire ne se recharge pas, contrairement au ventilateur de Black Shark. C’est un petit connecteur magnétique, situé sur la gauche du ROG Phone 5, qui l’alimente. En revanche, défaut de taille, le ventilateur d’Asus est bruyant. Si vous ne jouez pas avec un casque, vous risquez de l’entendre et pourrez être facilement agacés. Nous avons aussi remarqué qu’il vidait assez rapidement la batterie du ROG Phone.
Autre accessoire en notre possession, le ROG Kunai 3 GamePad. Il s’agit de manettes Bluetooth ou filaires conçues pour le smartphone (avec des LED histoire de rester sur le même thème…). Elles sont assez pratiques à utiliser… mais pas forcément faciles à jumeler en Bluetooth. C’est lorsqu’on les accroche au smartphone, avec une coque spéciale qui rend le ROG Phone 5 encore plus grand, qu’elles s’avèrent vraiment pratiques. On tient alors le smartphone comme une Nintendo Switch et les contrôles sont plutôt réactifs. Néanmoins, en connexion « filaire » (la coque qui lie les manettes se connecte au téléphone par USB-C), il y a quelques bugs. Par exemple, impossible de « mapper » l’écran tactile. Il faut repasser en Bluetooth.
Des jeux pas toujours compatibles
Parlons enfin du jeu vidéo. En entrant dans la bibliothèque ROG, on a accès à un sélecteur façon PlayStation. Tous les jeux sont regroupés dans une interface commune et un catalogue permet de trouver des jeux compatibles avec les particularités des ROG (144 Hz, gâchettes ultrasoniques, etc.) C’est une bonne idée mais, malheureusement, la liste des jeux compatibles est encore très mince. On remarque au passage un premier bug, il est impossible de naviguer de haut en bas avec une manette dans la bibliothèque ROG. Il faut aller à droite plusieurs fois pour descendre, ce qui est assez pénible.
Pour mesurer l’efficacité de l’écosystème ROG, nous avons lancé plusieurs jeux populaires sur le smartphone. Sur certains, comme Fortnite ou PUBG, la manette ROG fonctionne nativement (même s’il y a des bugs dans les menus). Sur d’autres comme FIFA Mobile ou Call of Duty, il n’y a aucun support de la manette physique. Le jeu vous force à utiliser des gestes tactiles et ne profite donc pas des particularités du ROG (on peut toujours « mapper », mais c’est loin d’être idéal). Autre point dommageable, un jeu comme Asphalt 9, optimisé ROG, vous force à utiliser des commandes virtuelles dans son tutoriel. Bref, rien n’est vraiment pensé pour le smartphone gaming. Le tout est d’autant plus regrettable que la qualité des jeux nous a souvent semblé en dessous de la concurrence, la faute à un manque d’optimisation. Sur un iPhone ou un Galaxy S, c’est souvent plus joli.
Autres logiciels que nous avons souhaité essayer, ceux dédiés au cloud gaming ou au contrôle à distance. Par exemple sur Stadia, les jeux sont compatibles (ils reconnaissent une manette Xbox) mais les menus vous forcent à utiliser l’écran tactile. Sur le PS Remote Play, pour contrôler sa PS5 à distance, les manettes ROG ne sont pas supportées. On peut heureusement utiliser le système de « mapping » intégré à la surcouche ROG pour créer des raccourcis entre l’écran tactile et la manette, mais cette solution est tout sauf pratique. En effet, à chaque appui sur un bouton, les commandes virtuelles apparaissent à l’écran et gâchent l’expérience. Seul le Xbox Game Pass offre une expérience à la hauteur de nos attentes… mais nous n’avons alors pas besoin d’un smartphone aussi puissant. N’importe quel smartphone Android fait l’affaire.
Au final, après une dizaine d’heures de jeu sur l’Asus ROG Phone 5, nous sommes arrivés à la conclusion que ce smartphone n’était pas plus adapté aux jeux vidéo qu’un Samsung Galaxy S21 ou un Oppo Find X3 Pro. À vrai dire, ces smartphones couplés à une manette PlayStation ou Xbox nous semblent même beaucoup plus adaptés (leurs écrans sont meilleurs et ils sont plus légers). Toutes les personnalisations proposées par Asus sont sympathiques, mais pas franchement révolutionnaires. Android n’est pas fait pour le jeu vidéo et les développeurs ont clairement d’autres priorités que l’optimisation de leurs jeux pour la plate-forme d’Asus.
Une autonomie excellente… quand on ne joue pas
Comme promis, parlons de l’autonomie du ROG Phone 5. Avec ses deux batteries de 3000 mAh, ce qui lui confère une capacité totale de 6000 mAh, le ROG Phone 5 devrait, comme ses prédécesseurs, battre des records. Notre laboratoire a testé son autonomie dans ses différents modes histoire de voir si la promesse marketing d’Asus était tenue.
Par défaut, l’Asus ROG Phone 5 est configuré en mode « dynamique ». L’écran monte à 144 Hz si vous le souhaitez et les performances du processeur sont considérées normales. Dans cette configuration, le smartphone a résisté 16h51 à notre test d’autonomie polyvalente. En streaming vidéo (14h27) et en communication (27h59), il s’en est aussi bien sorti.
Dans le fameux mode X, celui dédié au jeu vidéo, l’autonomie prend un petit coup (14h10 en polyvalente, 11h59 en streaming vidéo). C’est normal, le processeur ne se met plus aucune limite. En revanche, en mode ultra durable, c’est excellent (21h22 d’autonomie polyvalente). Ici, le smartphone réduit volontairement ses performances.
Ce que nous constatons, c’est que l’Asus ROG Phone 5 est un smartphone extrêmement endurant… mais ne bat pas des records comme ses prédécesseurs. Le Snapdragon 888 est sans doute responsable, nous n’avons pour l’instant jamais testé un smartphone avec cette puce aussi coriace que son prédécesseur. Dans tous les cas, ces mesures ne veulent pas dire grand-chose. Si vous jouez deux ou trois heures par jour avec l’appareil, il vous faudra impérativement le recharger. Bref, un smartphone n’est vraiment pas une console.
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