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« Il nécessite un recalibrage mental » : à bord d’un prototype Porsche à l’amortissement surprenant

La nouvelle Porsche Panamera cache dans son lot de nouveautés un nouveau genre de suspension dynamique. Son but : arriver enfin à allier sportivité et confort. La technologie amuse, mais elle n’est pas un simple divertissement. Elle concrétise un rêve né il y a 50 ans et convoité par d’autres constructeurs.

Tout semble séparer Porsche des lowriders. Entre Stuttgart et la culture hip hop des années 90 sur la West Coast, peu de lien de familiarité, encore moins d’héritage. Et pourtant…

Nous sommes à Leipzig, aux abords de l’usine Porsche qui fabrique les Panamera et les Macan. Près d’un quart de siècle après le clip de Let Me Ride par Dr Dre, un prototype de la nouvelle Panamera se livre sous nos yeux à une démonstration tout en souplesse.

La surprise est double. D’abord, il est plutôt rare de voir des ingénieurs de chez Porsche nous présenter une nouvelle technologie censée s’activer en roulant… sur une place de parking. Ensuite, il est encore plus surprenant de voir un prototype de Panamera soudainement rivaliser avec une Chevrolet Impala de 1964 aux suspensions modifiées.

Entouré d’un petit groupe de journalistes internationaux, nous découvrons ce sur quoi Porsche a travaillé. Un nouveau système d’amortissement dynamique, appelé Active Ride, avec pour mission d’aller à l’encontre des lois de la physique, en réagissant à l’exact opposé des mouvements de caisse de la voiture. Que ce soit en courbe, au freinage, ou à l’accélération.

Le prototype sous nos yeux cache les lignes de la nouvelle Turbo E-Hybrid, la version électrifiée la plus puissante de la nouvelle gamme de Panamera pour 2024. Elle a doublé son autonomie en tout électrique, augmenté de 54 ch la puissance de son moteur situé sur l’essieu arrière, et ajouté de série la suspension pneumatique pour toutes les versions.

Mais l’essentiel se trouve dans ce nouveau mode de suspension dynamique. Sur le marché, seul Mercedes a déjà travaillé sur un système similaire : Cruise. La démonstration statique de Porsche a pour but de nous le faire oublier. En termes de réactivité, il n’y a pas photo entre ce que proposait jusqu’à présent Mercedes et ce que sort aujourd’hui Porsche. L’amplitude des mouvements est plus importante aussi.

Il résulte d’un système à ressort pneumatique à chambre unique, couplé à des amortisseurs à deux soupapes. La gestion active de suspension (PASM chez Porsche) est boostée ici avec le système électronique sur des pompes hydrauliques équipant chaque roue, qui trouvent leur énergie dans la nouvelle batterie de 25,9 kWh. Sur la gauche ou sur la droite (3 degrés), en avant et en arrière (1,5 degré), puis dans tous les sens possibles et imaginables, la berline réagit à la milliseconde aux mouvements commandés par un ingénieur de la marque… et se contorsionne.

Ce dernier nous propose d’essayer par nous même. Pour cela, il a relié un smartphone à la voiture. Il suffit alors de pencher d’un côté ou de l’autre l’appareil, pour que ce dernier envoie le signal à la voiture de réagir de la même manière. Le programme n’est pas réellement fait pour ça, mais il a le mérite de nous montrer plus clairement que sur la route les possibilités multiples.

Et puis, voir un prototype de Panamera ultra-moderne se prêter à un exercice familier des lowriders des années 90… c’est tout de même une chouette façon de commencer un papier.

Porsche Panamera 2024 Conduite
À bord d’un prototype de la nouvelle Porsche Panamera 2024 © 01net

Comment Porsche compte supprimer le roulis

La démonstration se termine, et une autre démarre. Cette fois, quatre autres prototypes de la nouvelle Panamera nous attendent sur un parking, pour une boucle à leur volant d’une quarantaine de kilomètres.

En attendant notre tour, Porsche nous propose de récupérer un exemplaire qui ne dispose pas de l’Active Ride. Un bon préambule avant de comparer, et l’occasion de découvrir les autres nouveautés de la nouvelle Panamera Turbo E-Hybrid 2024.

Porsche Panamera 2024 Presentation
Porsche vient de lever le voile sur le nouveau look de sa berline, et lui fait embarquer une toute nouvelle motorisation pour sa version hybride © 01net

On en profite aussi pour nous rappeler les bases du phénomène de roulis. Selon le poids, la hauteur de caisse et le centre de gravité, une voiture peut accuser plus ou moins de balancement vertical en virage. Les amortisseurs, en fonction de leurs ajustements, peuvent le réduire. Cependant, choisir de les durcir confère à la voiture un caractère plus sportif, au détriment du confort.

Et c’est là toute la difficulté de confectionner une voiture à la fois sportive et confortable. Pour continuer à gommer les aspérités de la route sans trop gagner en roulis, les voitures se sont dotées de systèmes d’amortissement pilotés. Un effet « tapis volant » qui réussi très bien à certains comme Volvo, mais qui ne peuvent effacer totalement le roulis, surtout avec l’ère des SUV.

D’autres ont équipé leur monture de correction de roulis, mais personne n’avait encore cherché à faire aussi extrême que Porsche.

Porsche Active Ride Panamera Ecran
Active Ride, équipé en option sur les Panamera en finition Turbo E-Hybrid © 01net

De retour à Leipzig. Avant de prendre en main les prototypes, le constructeur nous donnait quelques éléments de contexte. Notamment sur la raison de ce projet Active Ride. Selon lui, Porsche l’a conçu en réponse à la demande chinoise. Et plutôt que d’apporter une solution déjà vue sur le marché, les ingénieurs ont voulu aller plus loin : supprimer le roulis en l’inversant.

Grâce à son nouveau contrôle hyper-réactif et son système pneumatique surpuissant, la nouvelle Panamera se penche dans le sens opposé à celui que la force centrifuge lui impose. Un virage à droite, et voilà que la voiture s’incline sur la droite jusqu’à 3 degrés, là où le roulis voudrait nous faire pencher dans le sens opposé.

Active Ride Panamera Porsche Avis
Premiers tours de roues pour la Panamera 2024, ici encore en prototype, pour découvrir le fonctionnement du nouveau système Active Ride © Porsche

En quittant la zone industrielle où se trouve l’usine Porsche de Leipzig, près de l’aéroport, les routes nous offrent de longues courbes, très roulantes. Et voilà que la magie opère. Ou plutôt l’amortissement. Il faut de la vitesse pour s’en apercevoir, tant la voiture reste un châssis Porsche déjà ultra performant.

On finit par se rendre compte de la différence lors des transferts de charge. Une longue courbe sur la droite se termine par un virage plus serré sur la gauche et instantanément, voilà que le système s’active et supporte le tout au même moment. Ce nouveau comportement de caisse « nécessite un recalibrage mental », le décrit un confrère anglais. Surtout côté passager, où l’on vit moins la route et les trajectoires de la voiture qu’au siège conducteur, agrippé au volant.

Active Ride Prototype Porsche
© Porsche

Comme pour beaucoup des avis qui en résulteront dans la presse, le système a été testé avec une bonne allure, et sur quelques dizaines de kilomètres seulement. Alors comme pour les clignotants d’une Tesla ou votre première fois sur une boîte automatique, il faut un temps d’adaptation.

La nouvelle obsession Porsche

Ces premiers tours de roue en Panamera sont aussi l’occasion de tester le reste de la voiture. En tête de fil de notre petit convoi, le responsable de Porsche, communique avec nous au talkie-walkie et nous propose de passer en mode Sport. Porsche a fait le grand ménage dans l’habitacle de la berline, en le dotant de multiples écrans, mais le sélecteur de mode de conduite est toujours physique.

Porsche Panamera Drive Mode 2024
Le système Active Ride n’est accessible qu’en mode Confort © 01net

C’est en quittant le mode Confort que la surprise arrive : Active Drive disparaît. La suspension dynamique continue de fonctionner, mais il n’est plus question d’inverser les mouvements de caisse quand le mode Sport est enclenché sur la Panamera. On se retrouve alors avec un correcteur de roulis plus standard.

Ce n’est pas une erreur. Malgré ce que l’on pourrait croire de Porsche, perfectionniste sur ses voitures quand il est question de performance, ce tout nouveau système n’a aucune utilité pour claquer un meilleur temps sur la Nordschleife. Il est à 100 % destiné au confort.

Le système Active Ride, surtout en courbe, rigidifie la caisse. Un réglage qui n’a pas pour effet d’améliorer la tenue de route d’une voiture. Porsche déconnecte donc la correction de roulis de son amortissement dynamique si le conducteur veut passer sur une conduite plus sportive, de quoi lui permettre de retrouver un comportement habituel et ne pas perdre en capacité de la Panamera, d’autant plus puissante sur cette nouvelle génération.

Après avoir cherché à faire toujours mieux sur la performance, Porsche se penche donc désormais sur la course à la perfection côté confort… mais sans perdre en sportivité, vous l’aurez compris.

Avec l’électrification de la gamme, qui participe déjà à une amélioration du roulis grâce au centre de gravité de la caisse abaissé par les batteries, le constructeur parie sur un avenir où une telle technologie pourrait devenir un standard pour gommer la sensation de mouvement, d’accélération et de décélération. En tournant le volant, en actionnant la pédale de frein ou l’accélérateur, nous nous retrouvons totalement déconnectés de la route, et de la sensation de vitesse.

Porsche Active Ride Prototype Essai
Porsche est de loin le premier à déposer des brevets sur les travaux en matière d’amortissement dynamique. Mais Toyota, Tata, Nissan et maintenant BYD prennent très au sérieux le sujet aussi © Porsche

Contrôler ses suspensions, contrôler son avenir

En entrant ou en sortant de la voiture, Active Ride nous réserve une dernière surprise. Les suspensions surélèvent la voiture de 5,5 centimètres pour faciliter l’accès, à l’instant même où l’on effleure la poignet de porte. De quoi nous mettre face à une question : s’agirait-il d’un simple gadget, ou d’un vrai système prometteur ?

La question divise. Au sein même du groupe de journalistes présents sur place, on n’appréhende pas Active Ride de la même façon. Certains s’en moquent, d’autres s’en amusent. Certains sont curieux, et finalement, rares sont ceux qui prennent ce divertissement d’un jour comme un test précurseur, pour l’automobile de demain. Selon les données de GlobalData, qui a analysé l’ensemble des brevets déposés dans l’industrie automobile entre 2010 et 2021, Porsche arrive en tête sur la question de l’amortissement dynamique. Devant Toyota, Tata et Nissan – rien de très drôle donc.

Brevets Suspension Dynamique Classement Constructeurs
© GlobalData

Chez les constructeurs, le sujet n’est pas souvent abordé, mais il est loin d’être nouveau. En fait, cela fait déjà plus de quarante ans que certains l’imaginent. Au moment où l’on fantasmait une nouvelle technologie de suspension électromagnétique, certains reliaient déjà l’avenir de la mobilité dans un système actif, même « dynamique », contrôlé de façon intelligente et de façon indépendante sur les quatre roues. Parmi les premiers à y avoir pensé, la marque Bose.

Pourquoi Bose ? En se plongeant dans l’histoire des années 1970, on retombe sur des archives. Et celles-ci évoquent le fondateur de la société, Amar Bose, qui en se souciant des vibrations des voitures, se rendait compte que « la même technologie d’ondes électromagnétiques utilisée dans les haut-parleurs pouvait être mise en pratique dans un schéma de suspension capable de lire la route », explique le journaliste Miguel Sánchez dans un article publié sur La Escuderia.

Le rêve ? Le même que celui de Porsche : concevoir une berline de luxe surpuissante capable d’allier aussi bien confort et sportivité, deux caractères qui n’ont jamais complètement réussi à cohabiter.

Et si Citroën et Lexus (avec la LS400) se sont emparés du sujet depuis, c’est en Asie qu’une technologie proche de celle de Porsche est aussi en train d’émerger. Chez BYD, le quatrième constructeur mondial (qui ne vend que de l’électrique), les démonstrations façon lowriders sont aussi de mise.

Au mois d’avril dernier, la supercar Yangwang U9 dévoilait DiSus à Shenzhen, un système capable à la fois de balancer la caisse de tous les côtés, mais aussi de lui faire faire des bonds. Plus adroitement, ce système lui permettait aussi de soutenir l’absence d’une roue, en rééquilibrant la voiture et lui offrant une balance artificielle, grâce à l’action de ses suspensions.

BYD n’est pas plus bavard que Porsche sur le futur de sa technologie, mais indique déjà qu’il permettra de minimiser « le risque de retournement du véhicule et à réduire le déplacement des occupants dans les virages à grande vitesse, en pleine accélération ou en freinage d’urgence. » Une partie de la gamme recevra la technologie par le biais d’une mise à jour à distance, y compris en Europe. Pour Porsche, il faudra attendre le début de l’année prochaine et la commercialisation de ledit Panamera.

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Hadrien Augusto