Leapmotor n’avait que six mois, au salon de Bruxelles, quand ses équipes chinoises dévoilaient à l’Europe les lignes de son premier SUV, le C10, au mois de septembre 2024. À l’occasion du rendez-vous automobile belge, et avant de signer avec les frères Lebrun pour lancer une première campagne de communication en France, Leapmotor ne disposait que d’une soixantaine de points de vente dans l’Hexagone, et d’un petit véhicule électrique de 3,6 mètres de long, concourant dans la gamme des voitures électriques à bien moins de 25 000 euros.
Sans chercher à lui faire de l’ombre, ou à devenir une nouvelle machine à cash, le C10 ambitionnait de récupérer 15 % du mix des ventes, avec une offre de motorisation qui n’attendait que le mois de mars pour s’ouvrir à un concept loin d’être connu en France, celui des voitures électriques à prolongateur d’autonomie. Une forme d’hybridation améliorée, reposant non pas sur des modèles thermiques mais électriques, et dont le moteur thermique prend lieu et place d’un générateur pour recharger la batterie relié au moteur électrique, seule source de motricité de la voiture.
Le C10 en déclinaison REEV, pour Range Extender Electric Vehicle, plait beaucoup sur le papier. Plutôt qu’une batterie électrique ne lui offrant que 424 km d’autonomie (selon son cycle WTLP théorique), la REEV atteint 970 kilomètres. La batterie située sous le plancher est pourtant plus petite, à seulement 28,4 kWh, mais se complète d’un réservoir de 50 litres d’essence, de quoi générer l’énergie nécessaire à repousser le rayon d’action. En tout électrique, l’autonomie est annoncée à 145 km, et la recharge de celle-ci peut aussi se faire par une prise classique, à l’instar d’une voiture électrique, en courant alternatif (6,6 kW) ou continu (65 kW).
Disponible au prix de 37 400 euros, la Leapmotor C10 REEV arrive pourtant avec quelques défauts perceptibles avant même de l’essayer. Sur la disposition du véhicule d’abord, où le coffre perd 35 litres (à cause du réservoir), et supprime son espace de chargement à l’avant pour y installer le générateur thermique. Les taxes pèsent aussi, alors que l’Europe pénalise les voitures à moteur uniquement électrique exportées de Chine. La Leapmotor C10 REEV est ainsi soumise à des frais douaniers de 21 %, avant d’être à nouveau taxée en France en tant qu’hybride rechargeable (malus de 2 390 euros).
En décalage, la nouvelle C10 REEV ? Leapmotor compte tout de même vendre 50 % de cette version à prolongateur d’autonomie dans son mix des ventes du SUV. Difficile de se représenter l’objectif, car la marque n’y attèle aucun chiffre. Ses équipes grossissent mais leur discours reste dépendant de celui en Chine, en témoigne une conférence de presse entièrement scriptée et lue par l’un de ses nouveaux responsables produit. Chaque élément de la C10 REEV trouvait son superlatif, jusqu’à la moindre petite pièce. Une présentation faussement détaillée, en contraste avec des questions techniques de journalistes laissées sans réponse.

Une hybride sans moteur thermique, ça donne quoi ?
La carrosserie de la Leapmotor C10 n’est pourtant pas nouvelle. Elle a été présentée en septembre dernier. Mais cette version à prolongateur d’autonomie, la REEV, n’arrive qu’en ce mois de mars. De quoi éveiller notre curiosité, à tester une nouvelle forme de motorisation, censée « profiter du meilleur des deux mondes », comme nous l’introduisait les équipes de la marque.

À batterie pleine, le Leapmotor C10 REEV est un SUV électrique correct
Lors des premiers 90 kilomètres, le résultat est alléchant, comme le serait une voiture hybride PHEV. Contact et le SUV de 4,74 mètres, légèrement plus court qu’une Tesla Model Y, s’anime dans le silence de son moteur électrique de 215 ch. L’insonorisation est bonne, le système hi-fi de qualité, et l’on trouve une position de conduite ergonomique, avec un volant assez agréable en main et une surface vitrée offrant une bonne visibilité sur la route. Les kilomètres s’enchaînent en mode EV+, censé forcer l’utilisation de la batterie électrique.
À l’approche des 100 kilomètres, l’écran de 10,25 pouces derrière le volant nous indique une charge restante sous les 30 kilomètres. Légèrement moins qu’annoncé sur la fiche technique de la Leapmotor C10 REEV, mais nous excuserons le SUV électrique à prolongateur d’autonomie pour notre parcours presque essentiellement autoroutier depuis un départ de Valence en Espagne, et en direction de Barcelone. Le moment venu de prendre le réseau secondaire et passer en mode Puissance+, forçant le démarrage du moteur essence de 1,5 litre de cylindrée, signé du la marque chinoise DFSK. Un démarrage qui nous permettra, le reste de la journée, de conserver 30 kilomètres d’autonomie dans la batterie.
Quand le moteur thermique se réveille, il mouline
Pendant cette deuxième partie du premier jour de trajet, nos 30 kilomètres d’autonomie stabilisés dans la batterie n’ont pas alerté le moteur thermique, qui se montrait plutôt discret, avec une consommation moyenne de 6,5 L/100 km. Mais sans être connecté au train roulant, et en ne se chargeant que de faire tourner le régénérateur de la batterie, son régime moteur ne suit pas les mêmes accélérations : il mouline, plus fort quand on décide de mettre les watts, pour tenter de compenser la consommation d’électricité correspondante. Des accélérations linéaires, qui donnent la sensation de sur-régime, et qui rappellent une certaine boîte e-CVT sur les anciennes hybrides Toyota.
Au deuxième jour, après avoir passé une nuit sans recharger sur une borne, nous avons expérimenté une autre facette de la Leapmotor C10 REEV. Avec seulement 10 kilomètres d’autonomie restante dans la batterie, la cartographie du moteur thermique change, et le bruit de la combustion augmente dans l’habitacle. Le moteur monte dans les tours, et la consommation décolle. Elle se situe désormais à plus de 8 L/100 km. Notre parcours plus vallonné nous donne l’occasion de tutoyer les tréfonds du système de prolongateur d’autonomie, qui n’inspire pas la confiance sur des parcours encore plus montagnards. Pour faire face à l’absolue nécessité de convertir l’énergie du moteur thermique en électricité, le moteur électrique perd en puissance.

Le problème de la Leapmotor C10 REEV en batterie faible
Sur un départ arrêté et avec une batterie faible, l’accélération jusqu’à 100 km/h du Leapmotor C10 REEV prend deux fois plus de temps que lorsque la batterie était encore bonne. De 8 secondes selon nos mesures en condition réelle, et à deux à bords, le SUV prendra 8 secondes de plus en condition où la recharge est à privilégier sur la puissance du moteur électrique. Un constat qui n’est pas illogique – les voitures 100 % électriques réduisent elles aussi leur puissance en approchant la panne sèche – mais qu’il faudra prendre en compte, tant l’autonomie de la Leapmotor C10 REEV peut fondre à vitesse grand V, si l’on reste en mode EV+.
La solution est de passer à la borne de recharge. Pour cela, Leapmotor donne le choix, avec une prise AC ou DC, de respectivement 6,6 kW et 65 kW, pour des charges entre 4,5 heures et 30 minutes. Des recharges qui pourront être plus souvent espacées en profitant des deux modes de conduite intermédiaires de la voiture : EV et Fuel. Le premier permet de ne réveiller le moteur thermique qu’en cas de forte accélération, quand le second lui fixe un seuil compris entre 30 et 80 % d’énergie restante, avant qu’il ne passe en mode récupération d’énergie. Le mode Puissance+, lui, sera surtout utile pour retarder un passage en EV+ – en ville par exemple, où il sera plus optimal de se contenter de la batterie.

Leapmotor a-t-il les épaules pour un SUV à 37 000 euros ?
Si Leapmotor se trouve aujourd’hui en France et en Europe, c’est grâce à Stellantis, qui dépensait 1,5 milliard de dollars pour faire de la marque chinoise la quinzième étoile de sa constellation, en devenant son distributeur exclusif. Ensemble, les deux acteurs de la mobilité ont créé une coentreprise, de quoi aider Leapmotor à ouvrir rapidement et simplement des points de vente et s’appuyer sur le géant pour s’européaniser. Une stratégie qui a d’ailleurs traversé l’esprit de la marque, pour promouvoir son C10 REEV. « Pour l’Europe, nous nous sommes appuyés sur l’expertise Stellantis, pour adapter le châssis », nous expliquait l’un d’eux.
Où est passé l’amortissement ?
Dans la réalité, le SUV électrique à prolongateur d’autonomie a seulement revu ses réglages, qui, dans notre essai du Leapmotor C10 REEV, se doivent d’être à présent évoqués. Le SUV électrique aux 1 950 kg est particulièrement mal amorti, du fait d’un réglage très ferme. Même sur un revêtement tout récent, la chaussée semble être parsemée d’irrégularités. Les dos d’âne sont marqués, d’autant plus au niveau des sièges arrière. Pour compenser ces secousses, on profitera heureusement de sièges très moelleux, de plus en plus rares dans l’industrie. Même chose pour la plage arrière, même si les dossiers sont assez fermes.
Au volant, le plaisir de la position de conduite et de la vision sur la route est masqué par une direction déconnectée de la route, et très légère. L’ergonomie en prend aussi un coup sur la pédale de frein, alors qu’il faudra contorsionner le pied pour pour y accéder sans lever le talon. La course de la pédale n’apporte pas de quoi freiner progressivement d’ailleurs, et il faudra oublier la possibilité d’un freinage régénératif suffisamment fort pour une conduite One Pedal. Cela dit, avec son châssis, son poids et son amortissement ferme, la Leapmotor C10 REEV se défendra plutôt bien en matière de roulis, alors que la voiture vire à plat et se montre plutôt bien équilibrée.
Les limites de l’écran central, des ADAS et du système de navigation
Pour chercher à concurrencer une Tesla Model Y ou les constructeurs européens, sur un marché à plus de 37 000 euros le véhicule, Leapmotor aurait dû être plus rigoureux sur la question de son système numérique, et des aides à la conduite. Avant de prendre la route, il faudra penser à désactiver pas moins de quatre aides à la conduite aux alarmes intempestives. Et pour cela, il faudra se passer d’un raccourci, et ouvrir le menu des paramètres. Pour « l’aide d’urgence au maintien dans la voie », pas de possibilité de décocher l’option en roulant. On vous conseillera pourtant de la désactiver, sans quoi la voiture sonnera toutes les 15 secondes, et cherchera à corriger votre trajectoire même si celle-ci est correcte.
En parlant de correction de trajectoire, l’expérience se complique au moment d’activer le mode de conduite semi-autonome (maintien dans la voie et régulateur adaptatif). Le système pour ne pas quitter la route ne fonctionnait tous simplement pas, malgré nos multiples tentatives lors de notre essai de la Leapmotor C10 REEV. Le régulateur fonctionnait sans la fluidité nécessaire à donner confiance en la machine. Les caméras sont pourtant bien là, tout autour de la voiture, offrant une vision 360 degrés. Elles s’intègrent aussi à l’intérieur, avec un objectif sur le motant gauche du pare-brise braqué sur le visage du conducteur.
Regarder l’écran sera utile pour suivre la navigation, disponible sous un système interne, développé sur le « Leap OS 4.0 », une surcouche à Android Automotive qui ne disposera malheureusement pas d’Android Auto ou de Apple Car Play pour afficher les applications de son smartphone. Leapmotor compte proposer d’ici l’été une application maison pour renvoyer l’affichage du smartphone sur l’écran tactile de 14 pouces, et se contente pour l’heure de proposer certaines applications comme Spotify dans un magasin d’applications.

Les traductions n’ont pas posé défaut, et tout semblait plutôt fluide et réactif (Leapmotor s’appuie sur une puce Qualcomm Snapdragon 8155). L’affichage de la navigation est design, mais n’est pas très précis, à l’approche des bretelles d’autoroutes où il est question de serrer à gauche ou à droite notamment. Quant à la petite voie nous indiquant les directions, il faudra apprendre à s’en passer. Sur certaines portions de route prioritaire comportant des intersections, le système ne cessait de répéter « bientôt continuez à suivre la route principale ». Pas cinq ni dix, mais plus de 15 fois en l’espace de quelques minutes.
Compromis et grésillements
Les bugs étaient donc nombreux. Au deuxième jour, sur une portion de route plus vallonée où nous expérimentions la batterie à 10 % et le moteur en baisse de puissance, nous avons aussi noté des grésillements venus des haut-parleurs. Plus perceptibles des places arrière, ils ne manquaient pas de gêner l’expérience et de nous remplir de doutes sur la qualité de fabrication du Leapmotor C10 REEV, malgré son prix de plus de 37 000 euros. En guise de clé, il faudra se contenter d’une petite carte en plastique à positionner sur le rétroviseur avant gauche, en lieu et place d’un système mains libres. Il sera toujours possible de remplacer la clé par son smartphone, mais là encore, il faudra passer par le système NFC du rétroviseur.

On se réjouira tout de même de la place à bord et de l’habillage plutôt cossu de l’habitacle, des sièges avant à la console centrale, en passant par l’habillage des portes, y compris à l’arrière. Notre modèle d’essai, équipé de la sellerie et de la planche de bord d’un coloris à mi-chemin entre le violet et le gris, s’est montré très accueillant et original (en plus d’un coloris marron). Agréable au toucher, il ne sera pas le plus résistant aux tâches cela dit, alors que la moindre saleté sur un sac marquera le siège.
Pour 37 400 euros, le choix de la version REEV viendra avec son lot de compromis, comparé à la version 100 % électrique. Nous avons déjà évoqué le coffre qui passe de 435 à 400 litres, et l’espace de rangement sous le capot avant (frunk), remplacé par le moteur thermique. En matière de recharge rapide, en courant continu, les 84 kW de la version 100 % électrique ne seront pas disponibles, tout comme le 11 kW de la charge en courant alternatif. Enfin, le prix, comme nous l’avons déjà évoqué : le Leapmotor C10 REEV cumulera deux différences taxes ; en Europe pour son importation chinoise (plus de 20 %) et en France avec son hybridation (2 350 euros).

Bilan : la Leapmotor C10 REEV arrive trop tôt sur le marché, en profitant trop peu de Stellantis
Seul modèle importé de Chine par Leapmotor, la C10 semble être le vilain petit canard de la marque, qui devrait lancer l’année prochaine la production d’un nouveau SUV électrique en Espagne (B10), à proximité de Tarragone. Malgré la conception en kit de la T03, assemblée dans l’usine polonaise de Tychy, la C10 restera un modèle produit en Chine et amené par bateau, qui souffrira d’une double taxation rapportant son prix à celui de la version 100 % électrique. Son arrivée sur un segment où la qualité de fabrication et la dotation premium est indispensable fait de la C10 REEV qui n’est pas à la hauteur, et qui aurait dû profiter davantage de Stellantis pour avoir de meilleures fondations et commencer à se construire une bonne renommée.
Avec son prolongateur d’autonomie, la Leapmotor C10 REEV gagne le point de nous avoir offert une expérience plus singulière que le reste du marché automobile électrique actuel, où les modèles ne se départagent plus que sur une question d’autonomie et de compromis entre leur dotation en équipements, le marketing autour de leur design et leur grille tarifaire. Leapmotor ne prend certainement pas le point du design, qui semble tout droit sorti d’une IA censée résumer l’automobile moderne, en faisant la somme de tous les appendices existants. Le C10 REEV plaira tout de même par ses couleurs, notamment à l’intérieur, le confort de sa sellerie et l’espace à bord, mais restera un modèle à déconseiller pour son manque de maturité, ses nombreux bugs et son prolongateur d’autonomie qui ne remplacera pas une bonne hybride.

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Leapmotor C10 REEV
37 400 €Les plus
- Habitacle cossu, lumineux et spacieux
- Châssis équilibré
- Système audio et insonorisation
- Essuie-glace arrière (manque au Model Y)
Les moins
- Petit coffre
- Batterie faible = baisse de puissance et consommation en hausse
- ADAS pas au point
- Système de navigation, manque Car Play et Android Auto
- Double taxation