Débrancher enfin du smartphone. À l’heure où ces petites bêtes ont atteint une maturité certaine, la tentation de s’extraire quelque peu de leur attraction infernale peut en tenter plus d’un.
Dumbphone, feature phone… Les solutions ne manquent pas. Boox ouvre une troisième voie intéressante et suppose la chose suivante : et si c’était l’écran, avec ses couleurs pétantes, qui posait problème depuis le début ?
Le résultat de cette réflexion est la Boox Palma 2, un appareil qu’on qualifiera simplement de liseuse sous Android au format smartphone, ou d’un quasi-smartphone avec un écran de liseuse pour les plus optimistes.
Plus une tablette/liseuse qu’un smartphone
Si nous précisons quasi-smartphone, c’est pour une raison bien précise. Malgré son design tout en hauteur qui imite les téléphones modernes, malgré la présence d’Android et d’un tiroir latéral, il n’est pas possible d’insérer une carte SIM dans cet appareil (enfin sauf si ça vous amuse de mettre une carte SIM à l’emplacement carte SD, qui sommes-nous pour juger ?).
Voilà le premier grief immédiat qui saute immédiatement au visage. Quelle occasion manquée pour le constructeur chinois spécialisé dans les liseuses. Sans doute que les normes en vigueur pour ce type d’appareil, ou encore le coût d’intégration des antennes les aura refroidis. Sans compter la quantité sans doute faible de personnes qui auraient été tentées par l’expérience.
Quoique, chaque personne croisée durant ce test nous aura demandé systématiquement « et on peut mettre une SIM ? » Question souvent accompagnée par une certaine dose d’émerveillement devant le concept qui s’ouvrait à eux : « mais c’est génial ! », « je comprends totalement l’envie » ou encore « ça coûte combien ? »
Ça coûte combien justement ?
Vient précisément le deuxième red flag que nous nous devons d’invoquer avant de continuer. Le prix de la Boox Palma 2, 300 euros, est sans aucun doute très optimiste, au regard du positionnement résolument low tech de l’appareil. Même un iPhone 16, qui se place volontairement sur un tarif premium en oubliant le 120 Hz et le sacro-saint troisième capteur photo à son dos, a des arguments frappants pour rattraper tout cela (mais c’est un autre sujet).
Pour 300 euros, vous pouvez vous payer n’importe quelle liseuse d’entrée de gamme comme une Kobo Clara autour de 140 euros ou une Kindle Paperwhite à 160 euros. Avec son prix, la Boox Palma 2 s’approche même du prix d’une reMarkable 2 à 450 euros, mais qui possède une proposition bien plus haut de gamme.
Est-ce qu’un écran e-ink est vraiment utilisable ?
Toutefois, ne l’enterrons pas trop vite. Si nous avons choisi de vous parler de la Boox Palma 2, c’est parce qu’en plus de son format très smartphonesque, cette liseuse tourne sous Android.
Cela signifie qu’il vous est possible d’installer à peu près n’importe quelle application depuis le Play Store de Google. La promesse, en creux, est donc d’obtenir un appareil capable de réaliser 90 % des tâches d’un smartphone à la maison, mais sans être happé par son écran fluide et ultra-coloré. La Boox Palma 2 est, en cela, une possible alternative à une tablette par exemple.
Afin de pousser le vice jusqu’au bout, en plus d’installer notre application de lecture favorite (nul besoin de se tourner vers celle du fabricant, c’est là un des premiers avantages d’Android), nous avons ajouté des applications de lecture de presse, de lecture de vidéo et enfin quelques jeux vidéo. L’objectif étant de pousser l’appareil, et surtout son écran, dans ses retranchements pour voir jusqu’où le concept peut nous emmener.
L’installation de ces dernières s’est d’ailleurs montrée un peu plus difficile que prévu. La navigation au sein de l’interface du constructeur, Onyx, est largement compliquée par rapport à n’importe quel système Android, et ce pour une raison bien précise : le passage d’une application à une autre est inutilement complexe.
En effet, si l’appareil intègre bien un raccourci pour invoquer un multitâches et voir toutes les apps en cours d’utilisation, celui-ci n’est pas des plus ergonomiques. Il n’y a aucune animation et le noir et blanc ne permet pas de reconnaître d’un coup d’œil l’application qu’on cherche à atteindre.
Mais le plus gros problème n’est pas là. Non. Le plus gros problème, c’est que la Boox Palma 2 est bel et bien pensée comme une liseuse. Entendons par là qu’elle n’est pas conçue pour jongler d’une application à l’autre et va donc « tuer » chaque application laissée en arrière-plan. Il est possible de désactiver cette option dans les réglages, mais impossible de le faire à la chaîne. Vous êtes obligés de sélectionner la précieuse option pour chaque application l’une après l’autre.
Une fois configuré correctement, l’appareil devient un peu plus sympathique à utiliser. Certainement ces applications rendent même étonnement bien sur cet écran, pour peu qu’il y n’y ait pas trop de mouvement à l’écran. C’est le cas par exemple d’un Pokémon Trading Card Game Pocket, ou de n’importe quelle application qui implique de la lecture. Au départ, le rendu pourra paraître un peu cracra, et la latence trop importante pour un usage confortable. Mais là encore, le constructeur a pensé à intégrer des réglages qui permettent d’améliorer le rafraichissement de l’écran. Cinq réglages sont proposés, du moins fluide au plus fluide : HD, Équilibré, Rapide, Ultrarapide et Regal.
Un autre sous-menu — oui, il y en a beaucoup et on finit par s’y perdre — permet aussi de régler les couleurs. Là encore, vous pourrez patiemment chercher le réglage qui convient le mieux en ajustant couleurs sombres et couleurs claires ou en poussant les contrastes.
C’est par ces différents jeux dans les réglages que des applications à priori non adaptées à un tel appareil (vidéo, jeu vidéo) finissent par donner un rendu tout à fait acceptable. Alors bien sûr, pas de miracle, il faudra faire avec les différents artefacts apparaissant ici ou là sur les aplats de blancs et noirs, ainsi qu’un flux vidéo passant allègrement sous la barre des 24 FPS. Mais cela fait sans doute partie du charme.
L’appareil idéal pour déconnecter ?
Ce qui nous emmène sans doute au principal attrait de l’appareil. Si vous souhaitez mettre la main sur une tablette que vous utiliseriez uniquement à la maison, dans un objectif de déconnexion, la Boox Palma 2 se montre très intéressante. Nous l’avons dit, son originalité se paye par moult microréglages que tout un chacun n’aura pas forcément envie de mener. Mais une fois l’ensemble réglé, l’appareil fait tout à fait le travail.
Bien sûr, pour que l’opération fonctionne, il faut se laisser le temps d’une certaine période de sevrage de son précieux smartphone, mais avec un peu de rigueur (le poser toujours dans le même emplacement en arrivant chez soi par exemple), l’idée d’un appareil secondaire pour la maison peut s’imposer.
Pour tout autre projet, nous serions toutefois tentés de ne pas vous la conseiller.
Le fessier entre deux chaises
Passé l’émerveillement de l’écran e-ink et son côté reposant, il faut tout de même revenir sur terre et s’arrêter un instant sur des considérations plus prosaïques. Le Boox Palma 2 n’est pas une très bonne tablette et elle est surement trop chère pour être une bonne liseuse.
Certes, le surcoût est justifié par les possibilités supplémentaires offertes, mais même en tant que liseuse, nous avons relevé des problèmes importants. Au premier rang desquels, vous trouverez l’autonomie un peu plus juste que sur une liseuse traditionnelle.
Autonomie moins bonne qu’une liseuse
Avec notre protocole d’autonomie polyvalente se basant sur Chrome, nous avons mesuré un temps d’usage de 9 h 10. Il faut néanmoins modérer ce résultat : sur Chrome, la liseuse n’est pas nécessairement sur son terrain de prédilection. À noter que la quantité de luminosité de l’écran ne semble pas être le plus grand consommateur d’énergie dans cette histoire, puisque nous avons obtenu exactement la même valeur avec le rétroéclairage de l’écran éteint. Au passage, ce dernier affiche une valeur de luminosité minimale excellente de 0,34 cd/m².
Pour celles et ceux que cela pourrait intéresser, la charge est assez médiocre, avec un temps de 192 minutes pour faire le plein, avec une moyenne de 8 W et un pic à 13 W.
Et quitte à la comparer à une liseuse, évoquons un point précis sur laquelle la Boox Palma 2 est clairement moins bonne qu’une bonne vieille machine dédiée à la lecture. L’application Kobo que nous avons utilisée pour lire durant notre test, basée sur Android, nécessitait une connexion à internet pour se lancer. Rageant quand on veut se lancer dans une petite lecture dans le métro et qu’il faut lancer le partage de connexion sur son téléphone pour que cela marche. Ça n’a l’air de rien, mais voilà un autre petit détail qui a pu ruiner notre expérience.
Tout est moins bon qu’une tablette
Nous avons donc une liseuse avec une autonomie qui n’est pas aussi impériale que ses petites camarades. Pour le reste, l’appareil donne parfois l’impression d’être une tablette low-tech, expression employée pour parler d’un appareil qui assume de faire appel à des technologies dépassées. C’est sans doute ce que cherchent celles et ceux qui l’achètent. Mais il nous faut vous prévenir de ce que cela implique concrètement.
Pour sauvegarder un peu l’autonomie, le constructeur a intégré un mode veille drastique. À chaque fois que vous appuyez sur le bouton de verrouillage, un économiseur d’écran se met en place comme sur une liseuse et coupe tous les systèmes en marche. Résultat : si vous aviez de la musique en train de tourner en fond, elle saute. Si vous aviez une partie sur un jeu en cours, c’est pareil. Ce choix empêche donc de glisser son appareil dans sa poche sans le mettre en veille, puisqu’il n’y a pas de veille à proprement parler.
Autre inconvénient, à chaque sortie de veille, le WiFi saute et demande donc quelques secondes avant de se réactiver. Un peu frustrant, surtout lorsqu’on souhaite allumer son appareil pour effectuer une tâche rapide.
En parlant de vitesse, une question cruciale à laquelle nous nous devons de répondre est celle de la latence. Là-dessus, en mode par défaut, l’appareil se montre plus vivace qu’une liseuse traditionnelle d’entrée de gamme, mais il y a tout de même un temps certain entre le moment où l’on demande une action à la machine, et le moment où elle s’exécute. En revanche, en jouant avec les réglages du rafraichissement, nous parvenons à avoir une latence vraiment faible. Là où la latence est la plus gênante, c’est pour l’utilisation du clavier, qui donne parfois l’impression de ne pas avoir appuyé sur la touche. Un petit retour haptique permettrait sans doute d’améliorer le feedback.
Un produit low-tech
Tout au long de ce test, nous avons insisté sur les usages de l’appareil, mais finalement assez peu sur sa partie hardware. Avant de le clôturer et de s’intéresser à notre conclusion, arrêtons-nous un instant sur l’attirail à notre disposition.
Au global, vous l’aurez compris, la Boox Palma 2 est un appareil résolument low-tech et qui l’assume. Il intègre tout de même un capteur d’empreintes digitales sur son bouton de verrouillage. Pratique pour s’identifier avec un gestionnaire de mots de passe par exemple.
En revanche, nous ne vous conseillerions par forcément d’installer votre application de banque préférée dans cet appareil, qui tourne sous Android 13. Ceci étant le dernier correctif de sécurité date du 1er octobre 2024 (pour un test rédigé en décembre 2024). C’est donc acceptable de ce point de vue.
Pour le reste, la Boox Palma 2 est d’une facture assez classique, pour ne pas dire sommaire, dans la droite ligne de ce que proposent les liseuses. Nous avons un menton assez proéminent, de grandes bordures autour de l’écran, un revêtement plastique tout autour, qui prend un côté assez granuleux au dos. Il y a également un seul et unique module photo, accompagné d’un flash, le tout intégré sans fard dans une simple barre verticale siglée du nom de la marque. Il n’y a en revanche pas de capteur dédié aux selfies.
L’ensemble se montre franchement très confortable pour l’usage principal que vous en ferez, à savoir pour lire. Le format smartphone est étonnamment efficace puisqu’il permet d’avoir des colonnes assez resserrées, façon journal.
N’attendez pas des miracles sur la partie performances ou les photos, tout cela est relativement médiocre. Mais entre nous, vous n’achèterez probablement pas ce produit pour enchaîner les parties de Brawl Star, ni pour prendre vos photos de vacances. À titre informatif, vous retrouvez tout de même ci-dessus les quelques photos que nous avons réalisées. Il y a de sérieux problèmes d’autofocus, de dynamique, de netteté. La partie son laisse aussi à désirer avec une forte propension à pousser les aigus. Bref vous n’achèterez décidément pas cet appareil pour ses qualités audiovisuelles.
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