Ne jamais juger au premier coup d’œil. Derrière un design sans ambition ou sans relief peut parfois se cacher un trésor de technicité. L’adage vaut pour les essais automobiles comme pour le reste, mais disons que dans le premier cas les surprises sont plus rares. C’est à ce genre d’étonnement que nous avons pourtant été confrontés avec l’Audi Q6 e-tron. Non pas que son esthétique soit indigne, au contraire, mais son classicisme n’avait pas soulevé en nous un vent d’optimisme à l’idée d’en prendre le volant.
Pourtant, aux termes d’un essai atypique, dans lequel le Q6 e-tron n’a pas été placé dans des conditions favorables, le SUV d’Audi a fait part d’un rare talent et d’un niveau de performance emballant. C’est cet essai, sur les routes escarpées du Pays-Basque que nous avons choisi de vous raconter.
Un SUV Audi de plus ?
L’histoire de ce Q6, ne commence pourtant pas de la meilleure des manières. C’est celle d’un espace qu’Audi n’a pas voulu laisser vacant. Entre les 4,59 m du Q4 e-tron et les 4,92 m du Q8 e-tron, la firme d’Ingolstadt s’est dit qu’il y avait de la place pour un SUV de plus au catalogue. Un véhicule qui aura accumulé les retards et qui aura dû laisser (au terme d’un développement laborieux) à son prestigieux cousin le Porsche Macan, le soin d’étrenner leur plateforme commune, la bien nommée PPE (Premium Platform Electric) et ses alléchants 800 V.
Même designer joue encore
Nous ne reviendrons pas trop longuement sur l’esthétique du Q6 e-tron. Cette question a déjà fait l’objet d’un article et d’une vidéo lors de notre découverte en avant-première du dernier SUV d’Audi. L’arrivée du Q6 e-tron dans la gamme électrique d’Audi répond sans doute à une exigence commerciale qu’il est difficile d’appréhender. La firme aux quatre anneaux est convaincue qu’il y avait non pas une place, mais une nécessité de proposer un nouveau modèle entre un Q4 e-tron (qui serait trop petit pour certains clients) et un Q8 e-tron qui pourrait paraître surdimensionné. Ainsi, alors même qu’il était acté que le prochain véhicule basculerait sur la plateforme de nouvelle génération du groupe, la PPE, le Q6 se devait de respecter un minimum de cohérence stylistique.
Cela explique à bien des égards pourquoi la prise de risque est moindre sur le design du Q6 e-tron, notamment en comparaison de ce qui se passe sous le capot et sous le plancher. Vous l’aurez compris, l’esthétique du Q6 e-tron n’a rien de révolutionnaire, elle s’inscrit complètement dans la voie qu’ont tracée les derniers SUV d’Audi, mais ce n’est pas une raison pour lui en tenir rigueur.
Un habitacle de nouvelle génération
De nouveau design il en est question en revanche dans l’habitacle de ce Q6 e-tron. Audi a complètement revu sa planche de bord pour passer au « digital stage », un système à triple écran résolument futuriste et, il faut l’avouer, très stylé. Aux deux écrans principaux (11,9 pouces pour l’instrumentation, 14,5 pouces pour les médias) s’ajoute un troisième affichage, en option, pour le passager. Telle est la tendance désormais sur les véhicules premium, et si on peut toujours s’interroger sur l’intérêt d’un écran de plus, force est de constater qu’il trouve sa place presque naturellement dans cette nouvelle planche de bord.
Pour gouverner cet ensemble, c’est encore une fois le système MMI qui est à la manœuvre, cette fois basé sur une architecture Android Automotive qu’Audi a souhaitée très discrète. Malgré les possibilités de s’appuyer sur un environnement Google, Audi privilégie sa propre interface et ce n’est pas toujours heureux. Si celle-ci a pu, par le passé, apparaître comme un modèle à suivre, ce n’est désormais plus le cas. Véritable usine à gaz, elle met les nerfs du conducteur à l’épreuve dès lors qu’il s’agit de modifier un réglage quelconque. Soyons clairs, MMI ne manque pas de possibilités de personnalisation, ni d’options (le nombre de réglages sur le comportement de la voiture en atteste), mais elle souffre d’un manque cruel d’intuition et d’ergonomie. Un exemple : le mode de fonctionnement du freinage régénératif est une aberration alors même qu’il est l’un des plus complets et l’un des plus aboutis du marché.
Que vaut le Q6 e-tron sur la route ?
N’y allons pas par quatre chemins, le Q6 e-tron nous a emballé comme rarement un SUV électrique ne l’avait fait jusqu’ici (hormis peut être le très atypique Ioniq 5 N, mais dans un style très différent). Le dernier né des SUV d’Audi est non seulement des plus plaisants à conduire mais il fait aussi preuve d’une rare personnalité. Son châssis efficace et précis est sa principale réussite. À tel point que même dans les montagnes escarpées du Pays Basque, le Q6 avec ses 4,71 m et ses 2 350 kg sur la balance se balade comme un chat entre les gouttières.
Et lorsqu’il faut montrer les muscles ? Aucun souci, ses 580 Nm sont là, en soutien d’une direction ferme et précise, notamment dans un mode « Sport » qu’on ne peut que recommander vivement. Le bilan est également plus que satisfaisant en matière de suspension, celle-ci s’avérant efficace et adaptée quel que soit le style de conduite pour lequel on opte. En revanche, il convient d’ajouter que notre modèle d’essai était pourvu des suspensions pilotées, une option à 2 260 euros, qui nous semble indispensable pour tirer profit des capacités du Q6 e-tron, mais qui aurait dû être proposée de série.
Un bijou de technologie
La cousine de la Porsche Macan frappe donc très fort en termes de conduite et les ingénieurs d’Audi ne s’y sont pas trompés lorsqu’ils ont opté pour un système à double moteur mais basé sur des technologies différentes. En effet, contrairement à la majorité des constructeurs qui optent pour des moteurs électriques à aimants permanents, Audi a fait le choix de réserver ce procédé uniquement au moteur arrière. À l’avant, c’est un moteur asynchrone à induction qui a été choisi. Sa spécificité ? Il est totalement désengagé lorsqu’il n’est pas utilisé, sans consommation d’électricité ni freinage passif. En revanche, lorsqu’il vient en soutien du moteur arrière, son efficacité est redoutable, et la consommation d’énergie reste maîtrisée.
Autonomie : merci la grosse batterie (et le 800 V)
Doté de qualités dynamiques rares, le Q6 e-tron parvient-il à doubler la mise avec une autonomie qui lui permettrait d’être catégorisé parmi les grands voyageurs ? À cette question, notre réponse sera malheureusement incomplète. Doublement incomplète même, puisqu’en plus de n’avoir pas pu rouler suffisamment pour avoir un aperçu complet de la consommation du SUV, il nous faut souligner que notre essai s’est essentiellement déroulé sur les routes montagneuses du Pays-Basque. Autrement dit, la consommation que nous avons constatée peut difficilement s’appliquer à un usage classique, urbain ou même mixte. Certes, quelques portions autoroutières sur notre parcours ou encore un crochet près de San Sebastian permettent d’avoir un aperçu de l’autonomie réelle du Q6 e-tron, mais il nous faudra sans doute compléter ce premier essai par un autre pour avoir une indication fiable de la consommation réelle du dernier-né des SUV d’Audi.
Toujours est-il qu’au terme de notre périple, la consommation s’est établie à 22,8 kWh/100 km. C’est un chiffre relativement important dans l’absolu, mais plutôt intéressant sur un parcours essentiellement montagneux et si on prend en compte le gabarit imposant du SUV. Pour contrer sa consommation élevée, le Q6 e-tron a deux atouts majeurs : une énorme batterie de 100 kW et une capacité de recharge rapide ultra élevée à 270 kW. Ces deux méritent-elles qu’on snobe complètement la partie efficience ? Certainement pas, mais il n’en demeure pas moins que le dernier SUV d’Audi posera rarement des soucis en matière d’autonomie. D’une part parce qu’en conditions idéales sa grosse batterie peut le porter, théoriquement, sur 623 km. D’autre part parce que dans les cas où il faudrait passer par la case recharge, celle-ci s’effectuera en un temps record. Le constructeur avance deux chiffres en la matière : un 10 % à 80 % en 21 mn ou la possibilité de récupérer 255 km d’autonomie en 10 min de recharge sur une borne rapide. Ces valeurs s’entendent dans des conditions idéales bien sûr mais elles en disent aussi très long sur les performances dont le Q6 est capable. Enfin, il est un dernier élément sur lequel Audi s’appuie considérablement : une courbe de recharge très bien tenue qui permettrait au SUV de tenir son pic de puissance mais aussi de continuer à charger à 150 kW même à 70 % de batterie. Sur ce point également un test plus long, axé sur l’autonomie, devrait permettre de confirmer ou d’infirmer les chiffres.
Le prix de la haute performance
Alors bien sûr, comme souvent chez Audi, il y a l’éternelle question du prix. Compte tenu du niveau technologique de la bête et de ses penchants pour le premium, la facture est naturellement salée. La version de base du Q6 e-tron débute à 83 450 euros, une paille. Quant à notre modèle de test, la solide SQ6 e-tron, elle frise les 100 000 euros dans sa version la plus classique, sans option à 99 870 euros. À ce niveau de prix, il n’y a pas beaucoup de concurrence sérieuse, certes, mais il n’y a pas beaucoup d’acheteurs non plus.
Verdict du test :
Vous l’aurez compris, nous avons adoré l’Audi Q6 e-tron. Nous nous attendions à être quelque peu déçus ou du moins peu emballés. Ce sentiment né au lendemain d’une officialisation d’un design très sage a volé en éclats dès lors que nous avons pris le volant du nouveau SUV électrique d’Audi. Son équipement complet, son niveau de technicité élevé, mais surtout ses qualités dynamiques rares en font un véhicule électrique très réussi. Certes, le bilan n’est pas parfait avec notamment une consommation énergétique qu’Audi n’a pas réussi à réduire suffisamment. Ce point qui aurait été rédhibitoire sur une quantité de modèles, n’empêche pas le Q6 e-tron de marquer les esprits. Sa surconsommation, le SUV d’Audi la compense avec une batterie gigantesque et une vitesse de recharge record. Certes, le procédé manque de finesse, mais le résultat demeure satisfaisant. Dommage aussi pour l’interface qui ne permet pas de profiter agréablement des innombrables possibilités de personnalisation du SUV. Au final, le Q6 e-tron offre une polyvalence rare. Celle d’un véhicule à la fois capable de longs voyages en électrique, mais aussi de sacrées sensations sur la route.
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