Allongé dans un cockpit minimaliste et ultra-léger, des électrodes apposées de chaque côté de son crâne afin de vérifier son état d’éveil, le pilote du Solar Impulse, le révolutionnaire avion solaire imaginé par Bertrand Piccard, entame un virage à droite. Son objectif : rejoindre le courant ascendant que vient de lui signaler son ordinateur de bord. Une stratégie de vol qui lui a été soufflée par l’équipe de la station de pilotage au sol installée 10 000 mètres plus bas, sur le tarmac de l’aéroport de Genève.Eh oui, telle la navette spatiale, l’oiseau solaire est observé de près. Au sein du simulateur de vol, ce sont des données météorologiques en provenance du monde entier qui ont été intégrées : des informations en temps réel et des modèles statistiques qui permettront aux ingénieurs de définir l’itinéraire le plus approprié, mais aussi d’affiner la navigation pour économiser au plus juste les ressources énergétiques de l’engin. Car le principal défi technologique se situe dans le vol de nuit avec l’énergie solaire emmagasinée le jour. ‘ Si le pilote du Solar Impulse n’économise pas l’énergie à sa disposition, il s’écrasera avant le lever de soleil suivant ‘, explique Bertrand Piccard.
En symbiose avec la machine
Prévu pour 2011, le tour du monde s’effectuera par étapes : des ‘ sauts de puce ‘ de cinq jours, durant lesquels le pilote devra assumer seul à bord un pilotage d’une grande précision, avec des phases de repos limitées. Pour l’assister et lui permettre de relâcher ponctuellement son attention, l’interface homme-machine est en cours de développement. Une vibration soudaine au niveau du flanc droit du pilote ? La contrainte exercée sur l’aile droite de l’avion en cours de man?”uvre est trop forte ! Immédiatement averti du danger sans avoir besoin de consulter un quelconque cadran, le pilote a le temps de rectifier le tir. A la clé : un réseau de fibres optiques qui innerve le matériau composite qui constitue l’avion. Ce système de capture d’informations ultraléger permet de mesurer en temps réel les tractions et les déformations affectant la structure. Par extrapolation, il permet aussi de calculer la température du matériau et son degré d’humidité. Utilisé pendant la phase de conception pour affiner l’aérodynamisme, ce système persistera dans l’avion final.Le couplage entre l’oiseau solaire et l’homme sera réalisé par l’intermédiaire d’une veste de pilotage intégrant des vibreurs reliés à un nombre limité de capteurs.Sylvain Cardin, ingénieur en informatique, travaille aujourd’hui à définir quelles seront les informations vitales pour le pilote. Inversement, Walter Karlen, ingénieur en microtechnique, conçoit un système d’intelligence artificielle chargé de recueillir des données physiologiques concernant l’état du pilote : fréquence cardiaque ou respiratoire, température, type d’activité musculaire, et peut-être d’activité cérébrale. Ces informations seront analysées par l’informatique embarquée. Objectif : vérifier l’état d’éveil du pilote, mais aussi prévoir ses réactions. En bref, une ‘ nounou ‘ artificielle qui pourra réveiller le pilote à la fin de sa phase paradoxale de sommeil pour qu’il soit au top de sa forme physique et mentale. Une nounou qui saura quand lui proposer de se restaurer ou de se désaltérer. Une nounou, enfin, qui se chargera de le stimuler en lui proposant des activités physiques ou intellectuelles pour prévenir tout risque d’endormissement…Reste le problème du pilotage automatique. Sur un avion classique, le système prend le relais du pilote pour maintenir l’assiette et l’altitude, quels que soient les vents et les turbulences en présence. Avec Solar Impulse, c’est impossible. Du fait de sa grande envergure, et de sa faible vitesse relative, l’avion réagira très lentement aux commandes. Résultat : un niveau d’intelligence artificielle supplémentaire sera intégré au pilote automatique pour gérer ce différé de réaction.
A l’assaut des grands froids
Autre élément à prendre en compte : la disponibilité ou non de l’énergie de propulsion. Lorsque le pilote d’un avion traditionnel actionne une commande, il sait précisément sur quelle puissance il peut compter. Avec Solar Impulse, la puissance disponible à l’instant devient une variable. Spécifiquement développée pour le projet, la capacité de calcul du système de gestion de la propulsion est à l’heure actuelle testée en chambre froide : eh oui, à 12 000 mètres d’altitude, la température ne dépassera pas – 60?’C
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