Plus on avance, plus la vidéo fait le grand écart. D’un côté, une image de plus en plus léchée grâce à la haute définition, dont nous vous parlons ce mois-ci avec nos tests d’écrans grand format et de caméscopes HDV. De
l’autre, une image tout aussi numérique, mais de plus en plus de mauvaise qualité, destinée à nourrir Internet. C’est qu’il est devenu insatiable en images animées, le Web, depuis la généralisation du haut débit. On pense à
YouTube et à Dailymotion, bien sûr, mais aussi aux sites et aux blogs en tout genre. Pour être moderne, il faut de la vidéo.Logiquement, celle-ci s’invite donc dans la campagne électorale. Et de quelle manière ! Notre confrère Alain Duhamel en a fait récemment les frais. Sans caméra ni Internet, la révélation de son vote pour François Bayrou dans un
amphi de Sciences-Po serait sans doute resté une ‘ confidence ‘ partagée par quelques centaines de personnes, et il n’aurait pas été question de le priver d’antenne. De même que les propos de Ségolène Royal sur le temps de
travail des enseignants seraient restés au stade de la réflexion dans une réunion de militants. Sortie de son contexte (pas toujours volontairement, d’ailleurs), l’image devient un redoutable témoin à charge. C’est forcément
vrai, puisqu’on l’a filmé…Et c’est d’autant plus vrai que l’image est de mauvaise qualité. Les états-majors des partis politique, pas plus idiots que les autres, l’ont bien compris, qui utilisent la même technique en leur faveur. Il
suffit d’aller regarder les v?”ux de nouvelle année diffusés sur les sites des principaux candidats. Décors indigents, tremblements de caméras, zoom intempestifs, reflets parasites dans le champ… Comme si lesdits candidats
n’avaient pas les moyens de se payer un opérateur digne de ce nom ! Mais non, cela ferait trop pro, trop bien léché, trop artificiel. Alors que la vidéo bricolée, c’est pas prétentieux, c’est authentique, ça fait vrai. La vidéo
sur Internet, c’est comme les photos ‘ volées ‘ dans la presse people – dont on sait que la plupart sont, en fait, mises en scènes : pour qu’elles aient l’air vraiment volées, il faut qu’elles soient
prises de loin au zoom, floues, bruitées. Inutile de s’échiner à être un bon photographe ou un bon vidéaste, fier de bien s’en tirer dans les conditions les plus extrêmes ; au contraire, plus c’est mauvais, meilleur
c’est…Loin de nous l’idée de défendre, par principe, l’image léchée face à l’image vraie. Mais enfin, il existe tout de même des gens – on les appelle des photographes – qui savent allier les deux.
L’utilisation systématique et consciente d’une image pourrie, quand existent tous les moyens de faire autrement, porte un nom : la manipulation.
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