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Union sacrée contre les pirates

Les fournisseurs d’accès à Internet et les professionnels de la musique se sont mis d’accord pour éradiquer le piratage. La charte qu’ils ont signée prévoit la suspension de l’abonnement en cas de téléchargement illégal.

Qu’il semble loin le temps où Pascal Nègre, président d’Universal Music France, traitait de ‘ voleurs ‘ les fournisseurs d’accès à Internet. Depuis le 28 juillet, FAI et maisons de
disques avancent de concert. Avec un objectif : endiguer le piratage de la musique via Internet. C’est donc en fanfare qu’ils ont annoncé la signature d’une charte pour ‘ le développement de l’offre légale en
ligne ‘
et ‘ la lutte contre la piraterie numérique ‘. Un texte avant tout répressif, dont les seuls engagements concrets sont tournés contre les internautes. Le tout sous
l’?”il bienveillant du gouvernement…

Sanctions exemplaires

La charte (dédiée à Sacha Distel et Serge Reggiani) marque donc l’ouverture officielle de la chasse aux pirates. Pour commencer, ‘ un message personnalisé [sera envoyé] à tout abonné offrant ou téléchargeant
illégalement des fichiers protégés ‘.
Les internautes seront donc avertis par mail au moindre soupçon. Problème : les méthodes d’identification sont loin d’avoir fait leurs preuves. Il est facile de masquer son adresse
IP (elle identifie l’ordinateur sur le réseau) en passant par l’intermédiaire d’un proxy (un serveur relais). Un stratagème qui tendra probablement à se généraliser, tout pirate repéré pouvant, selon la charte, être immédiatement
‘ déconnecté ‘ : sur ordre d’un juge, son accès pourra être coupé, provisoirement ou définitivement, en quelques heures seulement. ‘ Si vous signez un bail et que vous ouvrez
une maison close, la résiliation du bail ne (…) semble pas exorbitante ! ‘
Un parallèle audacieux qu’on doit à Hubert Tilliet, directeur juridique de la Sacem… Les internautes proxénètes apprécieront.De leur côté, les ayants droit (par voie de conséquence les maisons de disques) auront ‘ l’obligation d’engager des actions civiles et pénales contre les internautes avant la fin de
l’année ‘.
Autrement dit, attaquer des pirates pour l’exemple ‘ et donner à ces actions la visibilité nécessaire pour atteindre l’objectif de sensibilisation voulu ‘. En clair,
il faut terroriser les terroristes.Enfin, la charte annonce la mise en place d’une étude sur le filtrage. Le 1er octobre, si les experts jugent que cette opération est techniquement possible, un ou plusieurs FAI seront réquisitionnés pour une
expérimentation grandeur nature.

Offres légales promues

Voilà pour la partie sanctions. A côté, le volet promotion des offres légales paraît bien maigrichon. Il s’agit d’abord de sensibiliser le grand public sur les méfaits du piratage. Campagnes de prévention, interdiction des publicités
encourageant le téléchargement illégal, les mesures annoncées sont anecdotiques.Certes, les producteurs se sont engagés à porter de 300 000 à 600 000 le nombre de titres disponibles sur les services de vente de musique comme iTunes ou SonyConnect. Mais, à titre d’exemple, OD2, non signataire, en propose
déjà un million…La charte demande, en outre, de favoriser la mise à disposition de contenus numérisés ‘ notamment sur les plates-formes qui seraient créées par des fournisseurs d’accès ‘. En d’autres
termes, les fournisseurs d’accès pourront très bientôt proposer leurs propres services de musique en ligne, les maisons de disques devant tout faire pour leur ouvrir leur catalogue. Une nouvelle source de revenus pour les FAI.Point positif : les signataires s’engagent à ‘ prendre les mesures afin de développer la compatibilité entre ces plates-formes ‘. Est-ce la fin des formats propriétaires, comme celui
de l’iTunes Music Store d’Apple, seulement lisible par les iPod ? Rien de bien défini pour le moment, aucun format universel n’étant préconisé.Les professionnels de la musique, les FAI et le gouvernement se réuniront tous les deux mois pour vérifier l’avancée des engagements pris cet été. En attendant, ils se sont mis d’accord ‘ pour s’abstenir de se
mettre publiquement et réciproquement en cause sur le sujet ‘.
Pas de discussion, en effet : à leurs yeux, le seul et unique responsable de la chute des ventes de disques, c’est l’internaute.

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Marc de Suzzoni