De l’animation 3D à la photographie, il n’y a qu’un pas. Sam Javanrouh le franchit tous les jours après le travail, quand il part à la chasse à l’image pour son photoblog. Ciels spectaculaires, urbanisme contrasté, scènes insolites, Sam Javanrouh puise dans un quotidien fantasmé, façon cinéma ou bande dessinée.Micro Photo Vidéo : Votre principale vitrine et moteur photo graphique est votre photoblog. Pourquoi et quand avez vous démarré ?Sam Javanrouh : J’ai démarré ce blog, Daily Dose of Imagery, quand j’ai immigré à 26 ans à Toronto. Comme la plupart des gens loin de leur maison, ce photoblog était prétexte à communiquer avec mes proches, leur montrer où je vivais, ce qui m’inspirait, mon quotidien. Puis mon site a connu de plus en plus de succès, rencontrant un public de plus en plus large et demandeur. Le blog a gagné des prix, ce qui m’a obligé à maintenir le rythme et à renouveler ma créativité.MPV : J’ai remarqué des thématiques récurrentes dans vos images, des séries de paysages avec nuages, des vues d’architectures. Ce sont vos sujets favoris ?S.J. : Mon blog photo reflète ma vie au jour le jour, mais surtout ma ville, Toronto. Depuis le début, ça varie mais ça revient souvent sur les mêmes sujets : des atmosphères climatiques, des vues d’architectures, des anecdotes urbaines, prises sur le trajet entre ma maison et mon travail, dans les transports publics, ou sur mon vélo. Je le fais comme un exercice et un défi créatif : jusqu’où vais-je réussir à me renouveler et à intéresser ? Jusqu’à présent, je ne m’en lasse pas : je continue à apprendre et à me faire plaisir.MPV : En légende de votre image du jour, vous indiquez souvent le matériel ou l’effet utilisé. Pourquoi cette explication et cette multitude d’appareils ?S.J. : Cela va de pair avec l’esprit créatif du blog. À travers mes images, on comprend que j’essaie différents outils et effets. Je ne suis pas toujours sûr du résultat et j’aime avoir l’avis des internautes. Pour cela, je joue la transparence et explique toujours ma démarche. Cela me permet aussi de tracer mon évolution technique et artistique. J’utilise principalement des appareils numériques, cela va de soi quand je dois produire au moins une photo par jour. Soit avec mon reflex Canon 350D, soit avec mon compact Canon A95. J’ai toujours été fidèle à Canon et particulièrement à la série G qu’ils ont malheureusement arrêté de produire : contrôle, rapidité, efficacité, format Raw, bonne macro, le tout dans un format réduit, c’était l’idéal pour moi. Le numérique m’offre la satisfaction immédiate et le contrôle total, indispensables à ce genre d’entreprise. D’où l’explosion avec la prise de vue numérique de ces démarches photographiques sur Internet. Et puis mon métier d’animateur et de graphiste m’incite naturellement à retoucher mes images, et cela va plus vite quand tout est déjà numérique. Adepte d’effets, j’essaie parfois des appareils argentiques gadgets aux rendus aléatoires, tels que les Lomo. Cela me permet de revenir au film dont j’apprécie la chaleur particulière.MPV : Donnez-moi votre secret. Comment peut-on mettre en ligne une photo par jour, retouchée et même parfois interactivement animée, avec un travail à plein temps et des piges photo à côté ?S.J. : Si je poste une photo par jour, je ne fais pas forcément une photo par jour. J’en prépare un stock dans lequel je puise quotidiennement. Quand je pars en vacances et que je n’ai pas d’accès Internet, je prépare une mise à jour automatique pour éviter toute interruption. Et j’en profite pour remettre à flot mes archives photos.MPV : Quel les contraintes rencontrez-vous et quels sont les aspects imprévisibles que vous aimez le plus dans cette aventure ?S.J. : J’ai commencé ce blog pour exercer mon ?”il et ma créativité graphique, mais je n’avais pas envisagé une telle popularité. J’atteins parfois les 80 000 visites par jour. Les internautes fidèles sont dans l’attente de nouveautés chaque jour, ce qui représente une grande pression pour moi. Je ne peux pas réaliser un ‘ chef-d’?”uvre ‘ tous les jours. Ce n’était pas mon but. Un jour, je peux produire du spectaculaire, un autre, tout simplement de l’ordinaire, à l’image de ma vie. En revanche, j’aime les commentaires, les encouragements ou les critiques des visiteurs. Ils peuvent être meilleurs juges que moi, si fatigué après une journée de travail… En tout cas, l’échange existe, et c’était la raison première de la création de ce blog.MPV : Beaucoup de vos images sont ‘ à effets ‘, naturels ou retouchés, mais visuellement très marqués. Est-ce dû à votre ?”il d’animateur et de graphiste 3D, ou en référence à certaines esthétiques ?S.J. : Les deux. Je suis baigné au quotidien dans le monde du cinéma, du clip, de l’animation, donc des effets. Dans mon métier, j’éclaire sur ordinateur des scènes, travaille les ombres, les textures, une certaine imagerie contrastée et truquée qui parfois cherche la fiction, parfois la réalité. En dehors, dans la rue, mon ?”il recherche aussi ces deux types d’ambiance. D’où le titre de mon blog : Une Dose quotidienne d’imagerie. J’aime à penser qu’une photo est issue d’un film. Mes influences sont aussi celles du cinéma et de la bande dessinée que je dévore : je m’inspire des lumières des plus grands directeurs de la photographie, tels que Christopher Doyle (2046, In The Mood For Love, Hero), Darius Khondji (Amélie Poulain, Delicatessen, Seven), Robby Müller (Dead Man ; Paris, Texas) ou encore Gregg Toland (Citizen Kane). Et dans la BD, pour n’en citer que quelques-uns, je suis un grand fan de Frank Miller (Sin City), Eduardo Risso (100 Bullets), Enki Bilal (la trilogie Nikopol) et Enrico Marini (Gipsy). Je suis aussi fasciné par l’architecture, particulièrement celle du japonais minimaliste Tadao Ando.MPV : Comment traduisez-vous ces influences. Comment les pratiquez-vous concrètement ?SJ : J’ajuste les couleurs et les tons pour me concentrer sur une palette colorimétrique. Mes sujets sont très ordinaires et j’aime leur attribuer une touche hyper-réaliste ou cinématographique. Quand je photographie, je n’ai fait que la moitié du travail. Je suis un faiseur d’images et je n’utilise pas Photoshop et le numérique comme de simples outils de substitution à la chambre noire. Je teste pleinement leurs capacités. Ce qui ne signifie pas que tout sera très fictionnel, je me limite par fois à l’aspect photo-journalistique. J’essaie tous les styles et je m’amuse souvent à ajouter une dose d’interactivité, d’animation, de ludique, pour voir, par exemple, un paysage à plusieurs heures de la journée, sous différentes lumières.MPV : Comment obtenez-vous ces prises de vues spectaculaires du ciel ?SJ : J’utilise un filtre polarisant et un effet de saturation prononcé dans les bleus dès la prise de vue. Mais la plupart des effets sont dus à la retouche Photoshop, une combinaison de courbes, de niveaux, de couches, et quelques filtres chauds ou froids. Quand je prends ma photo, j’ai déjà en tête l’idée de ce que j’en ferai. Parfois, surviennent des accidents heureux, et je découvre alors quelque chose de nouveau, de mieux !
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