Passer au contenu

Un portable dans tous les cartables

A Marseille, comme dans presque tout le département, tous les collégiens de quatrième et de troisième sont équipés d’un PC portable qu’ils utilisent en classe et à la maison. Nous avons suivi des élèves pendant une journée.

Jeudi 28 avril 2005, collège Vallon-de-Toulouse à Marseille. Il est 9 heures, dans la classe de Pascal Quignon, tous les élèves de quatrième sont assis devant leur portable allumé. Tous, sauf un ou deux qui, victimes de panne ou d’oubli, suivent sur la machine du voisin. Objectif des travaux pratiques de ce matin : trouver une propriété des triangles et la démontrer. Suivant les instructions de leur professeur de maths, les élèves récupèrent sur leur disque dur des fichiers qu’il a mis sur le serveur. Ils commencent à tracer un cercle, puis à y placer des points pour former un triangle. Un volontaire fait la même manipulation sur le portable du professeur connecté à un vidéoprojecteur, équivalent contemporain du tableau noir. ‘ L’informatique est pratique pour obtenir différents angles en bougeant simplement un des sommets. Les élèves peuvent ainsi valider leurs conjectures ‘, explique Pascal Quignon, en se promenant dans les rangs de la classe pour s’assurer que tout le monde suit. L’entraide est aussi de mise entre élèves, qui échangent des conseils lorsqu’ils sont bloqués. ‘ L’informatique est un outil merveilleux en maths, mais demande beaucoup de travail en amont. Pour mes besoins, j’ai installé le logiciel GeoPlan, bien que ce soit un peu difficile d’installer de nouveaux logiciels sur les portables. Cela peut représenter une barrière du côté du professeur et du côté de l’élève ‘, résume Pascal Quignon, dans un mélange d’enthousiasme et de réalisme.

Les sciences vivent sur l’écran

Il est 11 heures. Dans une autre classe de quatrième, Benjamin Tello s’attaque à la reproduction de l’oursin. ‘ Les oursins ne bougent pas, et pourtant ils arrivent à coloniser un milieu. Comment se reproduisent-ils ? ‘ lance ce professeur de sciences de la vie et de la terre. C’est parti pour une heure d’hypothèses que les élèves émettent, valident ou rejettent. Pour étayer leurs propos, ils récupèrent des images d’ovules, de spermatozoïdes et d’?”ufs d’oursins sur un site universitaire indiqué par le professeur. Puis ils visionnent une vidéo montrant une expérience sur le déplacement des ?”ufs, vidéo que Benjamin Tello a numérisée, commentée et mise à leur disposition. Avec un logiciel de traitement de texte, les élèves rédigent des conclusions à différentes étapes de la démonstration. A la fin du cours, les élèves enregistrent leurs documents dans un emplacement réservé à ce professeur sur le serveur du collège. ‘ Ils ont encore livres et cahiers. C’est indispensable, car l’ordinateur peut tomber en panne et les élèves ne sont pas responsables ‘, précise Benjamin Tello. Quand un PC tombe en panne, c’est assez fréquent, le professeur remplit une fiche avec l’élève qui se rend chez l’ATI.

Appui technique indispensable

Traduisez ATI par assistant technique informatique. Les collèges publics des Bouches-du-Rhône ont tous leur ATI, chargé de l’administration et de la maintenance du parc de portables, mais aussi des ordinateurs de bureau répartis dans les salles de cours et les salles d’informatique. Les ATI sont également chargés de la formation des professeurs qui en ressentent le besoin. Ainsi, Jean-Michel Deleuil, ATI de Vallon-de-Toulouse, gère plus de 350 portables, 120 ordinateurs de bureau, trois serveurs et un système de bornes Wi-Fi qu’il a mis en place pour donner accès à Internet partout dans le collège. Sans compter les formations comme celle développée tout particulièrement à la demande des professeurs d’anglais. Un emploi du temps bien rempli pour ce passionné qui trouve encore le temps d’assister un petit groupe de professeurs novices dans la création du site Internet du collège qui devrait être en ligne à la rentrée prochaine. Le déjeuner est terminé et la classe de quatrième, qui planchait ce matin sur les oursins, a rendez-vous avec l’Espagne et l’Allemagne durant le cours… d’anglais.

Do you chat in English ?

Dans le cadre du projet européen Coemenius, qui organise la collaboration d’élèves d’au moins trois pays différents sur un thème commun, cette classe travaille depuis le début de l’année sur la résistance aux drogues. Pour la première fois, les élèves vont pouvoir discuter en direct avec les collégiens espagnols et allemands. Les portables fournis ne permettant pas l’installation de programmes de messagerie instantanée, ils se relaient sur deux machines ‘ débridées ‘ appartenant à leurs profs. A tour de rôle, ils viennent envoyer leurs questions et répondre à celles de leurs correspondants, avec la possibilité de transporter leurs questions sur leurs clés USB. Le reste de la classe suit cette conversation à plusieurs voix grâce à un vidéoprojecteur. Cette semaine, ils ont tous étudié les lois contre le tabagisme dans leur pays. ‘ My father smokes. He doesn’t want to stop ‘, écrit une jeune française. ‘ What about pregnant women ? ‘ s’interroge une collégienne espagnole. Modérées par Ghislaine Ivaldi, la très dynamique professeur d’anglais, les discussions sont animées.

Montage vidéo numérique

Il est presque 15 heures, et la classe qui était en maths ce matin se dirige vers la salle de technologie pour une séance d’IDD (itinéraire de découverte), exercice de travail personnel qui mêle obligatoirement deux disciplines. Les deux professeurs qui travaillent en tandem sont des passionnés d’informatique : Vincent Allio est professeur de technologie et correspondant TICE (technologie de l’information et de la communication dans l’éducation) depuis 1999. Xavier Cerati est un professeur d’EPS, fan de vidéo et de photo numérique. Aujourd’hui, chaque collégien doit faire le montage vidéo d’une dizaine de plans tournés pendant un cross à l’école. Avec Windows Movie Maker, ils organisent les scènes et les enchaînements qu’ils agrémentent de musique. ‘ N’oubliez pas que vous ne devez pas dépasser deux mégas ‘, rappelle un professeur. L’ambiance est studieuse. Penchés sur leurs machines, les élèves envoient leurs travaux finis sur le serveur. ‘ La semaine prochaine, vous aurez 15 minutes avec la caméra. Vous devez préparer un plan de tournage ‘, avertissent les deux professeurs en guise d’au revoir. Des machines M05 des années 1980 au plan Informatique pour Tous en passant par d’autres tentatives pour faire entrer l’informatique à l’école, Vincent Allio a été de tous les combats. ‘ Mes feutres sont tout secs ‘, dit-il, pour illustrer son attachement à l’outil informatique dans ses cours de technologie.

Le portable entre dans les foyers

Il est 17 heures, la cloche retentit, la journée est finie. Son portable bien protégé dans sa housse et son sac à dos aux armes du Conseil général, Alice rentre chez elle. L’ordinateur, elle connaissait déjà. Heureusement, car son portable a connu son lot de pannes qu’elle a essayé dans un premier temps de résoudre seule avant d’aller voir Jean-Michel Deleuil. ‘ Beaucoup de choses sont verrouillées, et on ne peut rien installer de nouveau. Mais c’est intéressant, car on sent bien qu’il sera important de savoir utiliser un ordinateur dans toutes les professions. ‘ Les collégiens apprivoisent d’ailleurs l’ordinateur dès la sixième. Leurs connaissances sont sanctionnées par le Brevet Informatique et Internet délivré à la fin du collège. Comme Alice, les élèves sont conquis par ce nouvel outil. ‘ On peut s’en servir n’importe où. Ça donne plus envie d’apprendre ‘, résume Carolanne. ‘ Je n’utilisais pas celui qu’on avait à la maison. Là, j’apprends à m’en servir ‘, ajoute Franck. ‘ Je trouve ça génial, même si parfois il débloque… ‘, ajoute Laura. Outre les pannes à répétition, l’autre écueil se situe du côté des professeurs qui doivent s’initier à l’outil. Ils ont parfois peur de perdre la maîtrise des choses, estime Jean-Michel Deleuil. Mais cette journée bardée d’informatique est atypique. Dans certains cours, les professeurs n’utilisent jamais de PC. Et même les plus passionnés ne l’utilisent pas tous les jours. Mais quelque chose est en marche dans les Bouches-du-Rhône. Et les troisièmes qui doivent rendre leur portable en juin risquent fort de le regretter à l’entrée en seconde

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Isabelle Boucq