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Tableau numérique

Sculpteur de lumière et d’espace, Guillaume Dimanche utilise l’image vidéo comme infime échantillon d’un tableau photographique recomposé pièce par pièce sur ordinateur. Chaque photogramme filmé devient un grand pixel de la toile, que l’artiste s’amuse à déplacer, superposer, grossir, réduire, éclairer ou éteindre pour donner vie à son image.

‘ Le cinéma, c’est la réalité vingt-cinq fois par seconde. ‘ Une citation de Jean-Luc Godard qu’aime rappeler Guillaume Dimanche pour introduire son travail de création. Vidéaste et photographe, il construit des toiles photographiques en assemblant des extraits fixes de vidéos numériques. Cet artiste contemporain s’interroge sur le morcellement de notre champ visuel et sur notre aptitude à y piocher certaines informations plus que d’autres. Ainsi lui est venue l’idée de composer ces tableaux en multiples images, de remettre en scène un lieu, un personnage, un moment du quotidien et d’en offrir une vision altérée, fractionnée et rééclairée. En juxtaposant de petites captures, l’artiste arrive alors à produire de très grands formats de plusieurs mètres, avec un matériel 100 % numérique : sa caméra vidéo miniDV Sony PC8, son compact photo Canon G5, son ordinateur portable et son imprimante A4. Un studio de travail autonome, économique et mobile, qu’il peut presque entièrement mettre dans son sac à dos quand il part en repérage à vélo.Ses sujets sont souvent des paysages urbains ou des lieux d’architecture, filmés sous toutes les coutures pendant 30 secondes, 5 minutes au plus, sans trépied. À 25 images/seconde, de 750 à 7 500 images fixes sont ainsi enregistrées. Cette vidéo est ensuite travaillée sur ordinateur. Les images sont prélevées, à raison d’une sur dix seulement, pour constituer une base d’images d’environ 500 photogrammes. Vient alors le montage long et laborieux du puzzle sur Photoshop. Chaque photogramme est un calque image superposé sur un autre, placé sur un fond noir dans un fichier de 300 calques et 500 Mo de mémoire.De manière ‘ aléatoire, intuitive et millimétrée ‘, Guillaume compose son tableau en jouant sur la transparence, la multiplication, l’intersection ou l’omission de pictogrammes, pour sculpter l’espace et la lumière, et donner du relief à son image. Le fichier final contient entre 50 et 300 calques qui ne sont presque jamais retouchés (hormis quelques corrections chromatiques). Car ce qui l’intéresse vraiment est justement de jouer avec la réalité tournée : ‘ Je veux utiliser mes petites images comme des touches picturales, créer des vibrations de couleurs et de lumières, extraire le sujet de son environnement et lui donner une autre forme, un autre éclairage. ‘ Il peut adoucir la luminosité, tout en gardant ponctuellement des points sensibles assez violents. Il peut donner un rendu à la fois sec et anguleux par la répétition du format 4/3, et en même temps très doux et soyeux dans les transitions de matière lumineuse. Une fois réalisés, ces montages sont aplatis et imprimés en grand format, sous forme de posters ou d’affiches, ou encore projetés sur une toile ou un mur de 8 x 3 mètres. Dans ces prochaines installations, l’artiste intégrera à l’image fixe, une deuxième couche d’images animées, superposées par vidéo-projection. Marilia Destot

Mise en scène mystérieuse

Ce lieu, la sortie d’un hôpital, est reconstruit par assemblage de 300 photogrammes, petites touches carrées qui révèlent la pierre et le chemin voûté vers la lumière.Ce système de montage entre apparition et disparition, accumulation et omission, lumière et obscurité, accentue le mystère sombre et étrange de la scène.1. Repérage du lieu et ébauche de montage.
2. Premier élargissement de la scène.
3. Élargissement de la scène à sa taille finale.
4. Placement de la totalité des 500 calques de départ.
5. Suppression du fond noir pour visualiser, vérifier et optimiser l’emplacement des calques.
6. Montage définitif avec contrôle de l’opacité et de la transparence de chacun des calques, puis suppression des calques inutiles. Le fichier final en contient 300 sur les 500 initiaux.

Concentration, répétition et exagération

1. Le regard porte volontairement sur l’homme assis et son chien, assemblés plus précisément avec moins de calques. Les autres personnages sont effacés par une forte accumulation de calques décalés, les rendant moins visibles.2. Le photographe a utilisé un plan court pour cette image. Il suggère la marche lente et tremblante du grand-père en démultipliant sa présence en trois instants distincts, et en décalant les calques comme de légers soubresauts.3. La scène de la nef a été recomposée en exagérant les proportions de la zone centrale, et en rétrécissant la périphérie. Exagération aussi du contraste lumineux entre l’autel au premier plan (peu de calques superposés) et les vitraux, au second plan, très lumineux (avec plus de calques pour une surface moindre), pour obtenir des transparences célestes.

Rendu lumineux augmenté

Sur cette image représentant un homme allongé sur une terrasse, et prise en plein contre-jour, l’auteur a voulu montrer la force de la lumière en exagérant dans sa reconstitution l’intensité lumineuse autour du personnage. Pour cela, il a augmenté le nombre de calques images dans le ciel et sur le mur, sans apporter aucune retouche. Et il a au contraire supprimé certains calques à proximité du personnage afin d’accentuer son ombre et le mettre en relief.

Sculpture rythmique

Du plan filmé d’un banal décor de chambre, le photographe a extrait des photogrammes et sculpté une image abstraite, mais aux contours nets, tels ceux d’un animal ou d’un continent. Rythmé par les découpes et les superpositions de calques, le décor entre en vibration : les masses et les zones de couleurs prennent le dessus sur la composition.

Projection 3D dans l’espace

En jouant sur la transparence des calques multiples et l’omission de certaines zones, le photographe crée un effet de projection en 3D de ce pont s’avançant vers nous. Le centre de l’image, plus sombre et plus précis, constitue le point de départ de notre regard dans l’image, amené astucieusement au premier plan, là où la multiplication des calques crée une zone lumineuse et trouble. On imagine ensuite mentalement le reste du pont.

Détourage d’un sujet

Seuls les photogrammes montrant la fontaine sont extraits et montés. Le sujet est ainsi détouré, découpé et séparé de son environnement original.

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Marilia Destot