Les plaintes dénonçant des arnaques sur les enchères en ligne se multiplient depuis le début de l’année. Nous avons remonté les filières pour découvrir les techniques de ces nouveaux escrocs. Nous vous expliquons comment éviter leurs
pièges.
Une affaire en or ! En visitant le site d’enchères eBay nous avons déniché une offre exceptionnelle. Un lot de 20 téléphones P900 de Sony Ericsson proposé à 2 000 euros. Soit une réduction de 87 % sur le prix d’origine. Pourtant, mieux vaut ne pas se laisser tenter. Car si l’on peut trouver son bonheur sur les sites de ventes aux enchères comme eBay ou Aucland, on peut aussi tomber sur de grosses arnaques ! Depuis plus d’un an, escrocs et filous s’invitent sur les foires virtuelles d’achats et de ventes entre particuliers. Le plus souvent pour dérober des sommes supérieures à 500 euros après avoir appâté le chaland avec du matériel high-tech à prix cassé : ordinateurs portables, écrans plats, téléphones mobiles, etc. Les utilisateurs d’eBay en sont naturellement les principales victimes : ce mastodonte américain est aujourd’hui la plus vaste place virtuelle d’enchères au monde, une véritable jungle (971 millions d’objets mis en vente en 2003 !) dans laquelle les crapules tentent d’opérer incognito.Difficile, pourtant, d’évaluer précisément l’ampleur des arnaques. ‘ Si nous prenons le phénomène évidemment très au sérieux, il ne concerne que 0,01 % des transactions effectuées sur eBay dans le monde ‘, tempère Grégory Boutté, directeur général d’eBay France. Ce qui représente une arnaque toutes les 10 000 ventes… De son côté, la Befti, la Brigade d’enquêtes sur les fraudes aux technologies de l’information, est un peu plus alarmiste. Elle affirme que ‘ les plaintes déposées par les internautes français ont tendance à s’accélérer depuis le début de l’année ‘. Une chose est sûre, les fraudeurs rivalisent d’ingéniosité et multiplient les tactiques pour dévaliser les internautes. Les témoignages que nous avons recueillis en attestent : les méthodes d’arnaques sont très nombreuses. La technique la plus courante fait intervenir Western Union, le service de transfert de fonds sécurisé, proposé en France par La Poste. Les escrocs demandent qu’un mandat Western Union soit établi à leur nom, affirmant qu’un numéro de code, le MTCN (Money Transfer Control Number), est nécessaire pour retirer les fonds. Dès que l’acheteur reçoit sa marchandise, il communique le MTCN au vendeur qui peut alors encaisser l’argent. Un système qui semble protéger l’acheteur… à un détail près : ce fameux MTCN n’est pas indispensable ; les escrocs se saisissent de l’argent et n’envoient jamais le produit ! ‘ Les gens nous confondent, sans doute aussi par manque d’information de notre part, avec un intermédiaire assurant les transactions. En réalité, une carte d’identité et la connaissance du montant suffisent aux destinataires pour retirer l’argent ‘, déplore, anonymement, un employé de Western Union. Et pour endormir un peu plus la vigilance de l’acheteur, les escrocs n’hésitent pas à usurper les comptes des vendeurs bien notés par les enchérisseurs. ‘ L’arnaqueur envoie un faux mail eBay à un vendeur réputé lui demandant, en prétextant une nécessaire mise à jour, de confirmer son nom d’utilisateur et son mot de passe. Il pourra ensuite opérer dans un total anonymat à partir du compte piraté ‘, explique une victime. Face à ces dérives, eBay assure faire le maximum. ‘ Nous informons les gens de toutes ces arnaques. Nous conseillons d’utiliser les tiers de confiance que nous recommandons et aidons à détecter les faux mails grâce à une barre de navigation téléchargeable sur notre site ‘, avance Grégory Boutté. Le minimum, en fait. Mais ce n’est pas surprenant, les sites comme eBay ne sont pas concernés par la loi sur les enchères de juillet 2000 qui établit la responsabilité de l’intermédiaire. Juridiquement, ils sont considérés comme de simples courtiers : ils n’interviennent pas dans les transactions entre acheteurs et vendeurs, et se dégagent de toute responsabilité en cas de litige. ‘ Nous n’exerçons aucun contrôle sur la qualité, la sûreté ou la licéité (validité) des articles répertoriés, la véracité ou l’exactitude dans les annonces mises en ligne ‘, peut-on lire dans les conditions générales de ventes du site. ‘ Les commissions perçues par eBay sur les ventes ne peuvent pas les rendre responsables : elles correspondent à un contrat entre le vendeur et le site d’enchères ‘, ajoute Blandine Poidevin, avocate spécialiste d’Internet. Mis en accusation plusieurs fois aux Etats-Unis et en Allemagne, eBay n’a d’ailleurs jamais été reconnu responsable. Seule faille dans l’argumentation défensive des sites d’enchères : ‘ pour être totalement blanchis, ils doivent pouvoir prouver qu’ils n’avaient pas connaissance des activités du fraudeur avant l’arnaque ‘, observe Blandine Poidevin.