En prison, Internet est proscrit. Pourtant, grâce aux formateurs bénévoles du Club informatique pénitentiaire (Clip), des prisonniers du centre de détention de Loos apprennent à créer et maintenir des sites Web, en vue de leur réinsertion.Jeudi 3 juillet 2003
14 heures Après avoir franchi plusieurs contrôles, Marc Bollard pénètre dans la salle informatique du centre de détention de Loos. Murs immaculés, PC flambant neufs, tableau blanc : à première vue, rien ne distingue cette salle d’une autre salle de formation. Enfin presque. Car ici la lumière du jour passe entre des barreaux ; et tous les câbles informatiques sont enfermés à double tour dans une armoire métallique fixée au mur. Marc Bollard extrait les câbles de leur rangement, branche les six PC et les connecte sur un hub USB. Comme tous les mardis et jeudis, avant d’animer l’Atelier des sites Web.14 h 10 C’est l’heure du ‘ mouvement ‘. Les surveillants ouvrent des cellules. Les détenus qui en ont le droit se rendent à leurs ateliers ou à leurs cours de langue, de maths, d’informatique, etc. Alain, Bernard, Christophe, Didier, Emile* entrent d’un pas vif dans la salle de formation, échangent un salut avec Marc Bollard et gagnent leur poste. Chacun ouvre un fichier et commence à travailler. L’an passé, l’Atelier des sites Web a réalisé l’intranet de l’association Agir qui a, pour ce faire, signé une convention avec l’établissement pénitentiaire.Marc Bollard s’est chargé de définir le cahier des charges avec le commanditaire. ‘ Je fais le chef de projet ‘, résume-t-il. Depuis le printemps, ses stagiaires élaborent une nouvelle maquette pour la partie publique du site d’Agir. Ils apprennent à manier les formulaires du logiciel de création de site Dreamweaver et les fonctions de traitement de l’image de Paint Shop Pro. Marc Bollard leur enseigne aussi la conversion de fichiers Word ou Excel en fichiers HTML et initie les plus férus aux langages HTML et JavaScript. ‘ Aucune connaissance préalable en informatique n’est demandée, si bien que les niveaux sont hétérogènes. Chaque stagiaire travaille à son rythme dans la première partie du cours ‘. C’est à l’aune de leur motivation à apprendre et de leur comportement que le centre de détention sélectionne les candidats à cet Atelier. Ils sont entre cinq et huit… sur 300 détenus. Un ‘ privilège ‘ qu’abolit tout ‘ incident ‘ (infraction au règlement). En revanche, des remises de peine supplémentaires peuvent récompenser l’assiduité aux cours.‘ En prison, nous ne sommes qu’un matricule. Marc est la seule personne qui nous appelle par notre prénom. C’est un professeur formidable. Et ici, c’est calme, on est tranquille et on peut progresser ‘, raconte Alain. A 50 ans, cet ancien fonctionnaire, père de quatre enfants, doit envisager sa reconversion professionnelle : ‘ A l’extérieur, des gens paient très cher pour recevoir pareille formation. Ce sera un plus sur mon CV. ‘15 h 45 Des stagiaires sortent bavarder dans le couloir sombre et délabré, à l’instar du reste du bâtiment. A gauche, des toilettes et un petit lavabo, sans porte ni lumière. Bernard, 47 ans, confie qu’il sortira fin août et regagnera Amsterdam où l’attendent ses six enfants, âgés de 15 à 28 ans. ‘ Je suis de la génération qui a connu les PC depuis leurs débuts et mes enfants ont toujours eu un ordinateur. Ici, je me perfectionne. On peut trouver un boulot pour mettre à jour ou moderniser un site. ‘ Originaire du Portugal, Christophe espère créer une entreprise dans son pays et mettre à profit sa formation. ‘ Ma copine avait fait un stage sur Windows 98 et ça m’avait intéressé, mais je n’avais ni le temps ni l’argent pour en faire autant. C’est en prison que j’ai appris le français et l’informatique. ‘Christophe est l’un des deux détenus qui arborent une clé autour du cou. Elle distingue les ‘ VIP ‘, ceux qui bénéficient d’une cellule particulière dans le bâtiment B en raison de leur bon comportement. C’est d’une tout autre clé dont Marc Bollard ne se sépare pas : sa clé USB, dans laquelle il transporte les fichiers réalisés par les détenus. Chez lui, sur son PC, il réunit l’ensemble pour juger du résultat, qu’il présentera à Agir. Et comme le centre de détention ne peut disposer de connexion à Internet, sa clé USB lui sert aussi à montrer aux détenus des sites Web intéressants, qu’il a préalablement ‘ aspirés ‘ et copiés* Pour respecter l’anonymat des détenus, leurs prénoms ont été changés, et leurs photos ‘ floutées ‘.www.assoclip.org
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