En superposant dynamiquement des éléments virtuels à un environnement réel, la réalité augmentée enrichit la vision humaine. A n’en plus croire ses yeux !
Dans une dizaine d’années, les médecins urgentistes seront peut-être équipés de lunettes chirurgicales d’un genre nouveau. Avec leurs verres translucides, elles laisseront apparaître une vue normale du patient, allongé sur la table d’opération, tout en lui superposant des images en 3D transmises par des appareils d’imagerie médicale. C’est le principe de la réalité augmentée : laisser les yeux parcourir un environnement tangible auquel s’ajoutent des informations en temps réel. Rien à voir avec la réalité virtuelle, qui se substitue à la vision humaine : la réalité augmentée l’enrichit. Une sorte de sixième sens assisté par ordinateur.En dehors du milieu médical, les utilisations possibles de la réalité augmentée sont nombreuses. Les militaires pourraient s’entraîner en man?”uvrant sur un vrai champ de bataille, mais en affrontant hélicoptères et chars virtuels. Et les joueurs apprécieraient certainement de pouvoir combattre divers ennemis en 3D dans des environnements bien réels. Les chercheurs des laboratoires Fraunhofer en Allemagne, du MIT (Massachusetts Institute of Technology) aux Etats-Unis ou de l’Inria (Institut national de recherche en informatique et en automatique) en France, qui travaillent sur la réalité augmentée, lui ont certainement imaginé beaucoup d’utilisations possibles. Mais pour l’instant, toutes sont à l’état de projet. Il est beaucoup plus facile d’immerger l’utilisateur dans un univers entièrement artificiel, comme c’est le cas avec les casques virtuels, que de mêler virtuel et réel. Comment incruster des éléments en 3D dans le champ visuel d’un individu en mouvement ? Les systèmes utilisés dans les avions de chasse et les automobiles de luxe ne conviennent pas : ils projettent des informations rudimentaires sur du verre transparent placé face au pilote. Une technologie qui l’obligerait à marcher avec un pare-brise devant lui, sans jamais tourner la tête ! Impossible. Seule alternative : un écran placé à quelques centimètres des yeux, pour que les objets en 3D restent en permanence dans le champ visuel de l’individu. Deux solutions existent déjà. Dans le premier cas, il s’agit d’un casque fermé, surmonté de deux caméras, qui filme la réalité extérieure, lui ajoute des objets en 3D, et affiche le tout devant les yeux du porteur avec un léger décalage temporel. Une idée astucieuse pour un résultat décevant car, avec ce système, l’utilisateur ne voit pas directement l’environnement qui l’entoure mais une vidéo de celui-ci, ce qui atténue sensiblement l’impression de réalité.
La réalité augmentée ne tiendra pas ses promesses avant 2010
La seconde invention, des lunettes semi-transparentes sur lesquelles s’affichent en superposition les images virtuelles en 3D, permet une vision normale de l’environnement. Aujourd’hui, ces lunettes ajoutent de la lumière à la réalité, mais ne peuvent pas lui en retirer ; elles sont donc incapables d’afficher un objet noir devant un mur blanc. Solution envisagée par les chercheurs : intégrer des milliers de cristaux liquides aux verres des lunettes, capables de s’obscurcir individuellement en une fraction de seconde. Autre défi : concevoir des ordinateurs puissants et légers, qui puissent afficher en temps réel, au bon endroit et sans saccade, un objet en 3D photoréaliste. Mais on ne doute pas un seul instant que, dans quelques années, tout ultraportable de série offrira ce niveau de performances techniques. Dernier problème, et non le moindre : faire coïncider, à l’aide d’un module de localisation spatiale, le placement et le déplacement des objets en 3D dans le monde réel. Un véritable casse-tête pour les scientifiques, car il soulève un nombre incalculable de problèmes (lire ci-contre). Autant d’obstacles qui font que la réalité augmentée ne tiendra pas ses promesses avant 2010, soit 40 ans après les expériences pionnières d’Ivan Sutherland à l’université de Harvard.