À la table de poker, un Canadien, deux Russes, un Irlandais, un Australien et un Américain. Thomas dépose sa mise et attend son tirage. Le jeune homme a 22 ans, il habite Lyon. Sans bouger de chez lui, il participe régulièrement à des parties de poker sur Internet depuis un an. Gains moyens : 50 euros par mois, pour… plus d’une centaine d’heures passées devant l’ordinateur. Thomas est étudiant, il a été tout de suite happé par le virus du poker en ligne. Il s’en tenait à quelques parties entre copains de temps à autre, mais avec la découverte du jeu sur Internet, il est devenu carrément accro. Comme les milliers de participants à travers le monde qui se connectent chaque jour sur les sites de poker pour tenter leur chance ou parfaire leur technique. Depuis les parties gratuites ou à faible mise, jusqu’aux tournois avec des enjeux plus élevés, tous les niveaux sont accessibles, à toutes les bourses.Depuis deux ans, ce jeu connaît un engouement spectaculaire sur le Web. Selon une enquête de Jupiter Research, la pratique du poker en ligne a progressé de 50 % entre 2007 et 2008 en Europe. En constante augmentation, la part des femmes est passée de 34 à 39 %. Les Françaises ne sont pas en reste avec une participation active de 33 %. Les joueurs de l’Hexagone consacrent 6, 8 journées au jeu par mois, principalement pour le plaisir (62 %), la flexibilité (45 %) et la convivialité (36 %), en mettant l’accent sur le côté pratique des parties sur Internet (31 %).Tout a commencé en 1998 avec la création de la première salle de poker en ligne, Planet Poker. Le succès est immédiat. Les sites se sont multipliés, les joueurs ont suivi, cartes virtuelles en main.
Du plaisir à l’addiction
L’année 2004 aura marqué la véritable explosion du poker en ligne avec la victoire d’un joueur anonyme issu du Net lors de sa première participation au célèbre tournoi World Series of Poker. Parti avec 40 dollars de mise, Chris Moneymaker empoche 2,4 millions de dollars à l’issue du tournoi, devant les meilleurs joueurs mondiaux. La performance fait des émules et les parties en ligne connaissent un regain d’affluence. Le poker devient un jeu populaire, accessible à tous.La télévision a par ailleurs largement contribué à cet emballement avec la diffusion des grands tournois américains présentés par des vedettes comme Patrick Bruel. Fini le jeu pratiqué dans des arrière-salles enfumées ou des casinos huppés. Le poker a acquis ses lettres de noblesse en s’ouvrant au grand public, porté par une renommée internationale.‘ Au-delà du plaisir de jouer, il y a le désir de se surpasser, de battre ses adversaires grâce à sa maîtrise du jeu, son self control. Le gain financier a lui aussi son importance. ‘ C’est ainsi que Gilles définit la passion dévorante qui ne le quitte plus depuis plusieurs mois. Jeune professeur d’anglais, il consacre une grande partie de ses loisirs au jeu sur Internet et fait partie de cette tranche de participants réguliers qui se plaisent à rêver au tournoi prestigieux qu’ils gagneront un jour… Retranché derrière son écran d’ordinateur, il expérimente les coups, estime ses chances, tente le bluff, grisé par les sommes mises en jeu et la facilité à se recaver. En cas de perte, une transaction en ligne avec sa carte de crédit, et la partie peut reprendre.
L’état s’en mêle
Du joueur pathologique à l’amateur occasionnel, le poker touche une large palette de la population, dont les femmes constituent une part non négligeable. Elles sont autant présentes dans les parties médiatisées à la télévision que sur le Web. Selon l’association SOS Joueurs, de plus en plus de jeunes, voire de très jeunes, s’y adonnent, avec tous les dérapages que cela implique. Parmi les plus graves, désintérêt des études, asociabilité, détournement de la carte bancaire des parents, etc. Car le premier danger de ces sites tient à leur facilité d’accès et d’utilisation. Une inscription gratuite, quelques dollars en jeu, et du temps à y consacrer font de ces sites un rendez-vous attractif pour ceux ou celles qui veulent mettre un peu d’excitation dans leur vie. Pourtant ce type de jeux sur Internet est illégal au regard de la réglementation française. Les responsables de la santé publique, qui commencent à s’en inquiéter, voient d’un ?”il circonspect les mesures que le gouvernement français devra appliquer à partir de 2009 pour être conforme aux normes européennes en matière de libéralisation des jeux d’argent sur Internet. Face aux injonctions de Bruxelles et de la Cour de justice européenne, la France va s’ouvrir à la concurrence et mettre fin au monopole de la Française des Jeux et du PMU. Un marché déjà grignoté par les 2 000 sites opérant depuis l’étranger, notamment au Royaume-Uni, à Malte ou à Gibraltar ?” des États membres de l’Union européenne qui autorisent ces sociétés à exercer légalement leur activité.Ces mesures viseront, selon le ministre du Budget Éric Woerth, à structurer un cadre juridique maîtrisé en maintenant l’interdiction du jeu aux mineurs et en instaurant des mécanismes de modération de la consommation de jeux, via l’encadrement de la publicité et le contrôle les transactions financières. Des codes de réglementation qui sont déjà en vigueur dans la plupart des pays européens, notamment en Grande-Bretagne qui se base sur un a priori de confiance en reconnaissant même les licences octroyées par d’autres juridictions légales au sein de l’Union européenne.Des français tels Partouche et Barrière devraient bientôt lancer leur site de jeux sur Internet, faisant concurrence aux Unibet, Cassava Enterprises, PartyGaming ou autre Betfair déjà bien implantés sur le Web. Ces groupes de casinos proposeront toutes formes de paris, à savoir le casino en ligne, le poker virtuel et le pari sportif. La déferlante de paris en tous genres comme s’y adonnent les Anglais n’est pas encore à craindre, car seuls les paris mutuels pour les courses hippiques seront autorisés, ainsi que ceux à cote fixe pour les rencontres sportives. Une autorité de régulation sera chargée de délivrer les agréments et de veiller à l’application de la réglementation. Ce segment émergent suscite bien des convoitises, sans pour autant révolutionner un marché détenu à 94,3 % par les jeux traditionnels en 2007. Selon l’Association européenne des opérateurs de jeux et paris (EGBA), la part du jeu en ligne atteindra 9,4 % en 2012, contre 90,6 % pour le offline (jeux de tirage et de grattage, casinos, PMU, etc.). Soit une portion négligeable du marché total des jeux de hasard, mais qui ne va pas pour autant manquer d’attirer de nouveaux investisseurs et de plus en plus de joueurs sur Internet.
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