Bien peu d’études sur ce que devrait être le prix réel de la musique en ligne ont été menées. La raison en est simple : la loi de l’offre et de la demande est loin, dans le domaine de la musique, de régir les prix. En effet, le marché mondial est totalement dominé par quatre majors ?” Universal Music, Sony-BMG, EMI et Warner Music ?” qui imposent sans peine leurs prix de gros aux revendeurs. En France, ces quatre-là, dominées par Universal Music (34 % de part de marché), se partagent 95,7 % des ventes, ne laissant que les 4,3 % restant à l’ensemble des labels indépendants !Le prix de gros est donc fixé, tant pour la musique en ligne que pour la vente de CD en magasin, sans qu’il soit véritablement possible de le négocier.
Raison invoquée : trop de frais
Et ce prix est fixé à 65 centimes environ le titre. Un prix qui peut même aller jusqu’à 75 centimes. Ne restent donc finalement aux distributeurs, c’est-à-dire aux sites de téléchargement légal, qu’une trentaine de centimes au mieux, desquels il faut déduire la TVA, normalement à 19,6 % (iTunes Music Store n’est assujetti qu’à une TVA de 15 % puisque son siège social est domicilié au Luxembourg). Sont également à déduire les frais de transactions bancaires, les licences des logiciels de protection (les fameux DRM), les frais de télécommunication, ainsi que la redevance à verser à la Sacem, l’organisme de gestion collective qui rémunère les auteurs et les compositeurs et pour lequel la dîme prélevée est globalement de 7 % pour toutes les plates-formes. Les distributeurs ne touchent donc au mieux que 5 centimes, qui doivent également leur servir à amortir les frais de mise en place de leurs sites, leur administration, etc.Le patron de VirginMega, Jean-Noël Reinhardt, peut ainsi affirmer que sur une vente à 99 centimes, seul un centime lui revient finalement. Quant à Apple, sa logique commerciale est simple : son iTunes Music Store est un outil promotionnel pour la vente de ses iPod, et non pas l’inverse !Comme ce sont les maisons de disques qui touchent la plus grosse part de la vente de musique en ligne, les artistes devraient naturellement s’y retrouver. Car c’est bien le rôle des maisons de disques de repérer les talents, de les accompagner, les conseiller, les produire, les enregistrer et assurer leur promotion. Mais en fait la rémunération des artistes reste purement contractuelle.
Des artistes peu rémunérés
Sur le contrat que signe l’artiste avec la maison de disques, sont indiqués son taux de rémunération et le pourcentage qu’il touchera sur les ventes à venir. Si la part attribuée aux artistes est en moyenne de 15 %, d’après le Syndicat national des éditeurs phonographiques (Snep), la réalité est bien moins glorieuse pour tous les artistes ‘ en herbe ‘, ou les stars pas encore ‘ installées ‘. On est bien plus près des 10 % pour la vente des CD, avec des clauses qui réduisent souvent cette part pour la vente en ligne. Sur 99 centimes, l’interprète ne touchera le plus souvent que 5 centimes à peine (plus l’éventuel écot versé par la Sacem, s’il est également auteur-compositeur). Soit un vingtième du prix. Alors que pour le CD, on parvient plus communément à une rémunération qui correspond à un huitième du prix final.
Un marché très lucratif
Comment expliquer ce grand écart qui fait qu’un produit dématérialisé, reproductible à l’infini sans véritables frais, soit donc vendu si cher au prix de gros ? Les maisons de disques invoquent toutes, sans embarras, les frais inhérents à leur métier : recherche de talents ; management ; coûts d’enregistrement et de promotion ; le fait que seulement 10 % des albums vendus rapportent réellement de l’argent ; le fait également que 25 % du chiffre d’affaires est réinvesti chaque année dans les nouveaux talents, etc.Avec un marché de la musique qui a procuré, en France, 999 millions d’euros de revenus, dont 28 millions pour le online (53 % du chiffre étant réalisé avec les ventes de sonneries, vendues bien au-delà de 99 centimes et pour lesquelles les marges sont encore plus importantes), un marché américain de la musique en ligne en hausse de 163 % pour les singles et de 198, 5 % pour les albums entre 2004 et 2005, on ne peut s’empêcher de rester dubitatif.Nous pouvons toujours espérer faire vivre les artistes en achetant leur musique en ligne, mais au final, financièrement, les seuls gagnants sont et resteront les maisons de disques
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