Tout le monde connaît désormais Wikipédia. En quelque six années d’existence, cette fameuse encyclopédie en ligne collaborative est devenue un des sites favoris des internautes du monde entier, au même titre que Google ou Yahoo. Elle est même déclinée en plus de 250 langues ! Vous cherchez la différence entre le pingouin et le manchot ? Le lieu de naissance de René Descartes ou de Cécilia Sarkozy ? Des informations sur l’évolution de l’économie du Botswana ou la chronologie du Big Bang ? Avec Wikipédia, rien de plus simple. Saisissez votre mot-clé dans la fenêtre réservée à cet effet et vous trouverez instantanément, dans les 545 000 articles de la version française, la réponse que vous cherchez.Certes, exhaustivité ne rime pas forcement avec véracité. Le principe de Wikipédia, basé sur la collaboration d’internautes anonymes et bénévoles qui la rédigent et la corrigent, ne la met pas à l’abri des erreurs. Même si, contrairement à une idée reçue, n’importe qui ne peut pas y écrire n’importe quoi : un collégien ne peut pas publier un article sur sa cousine ?” à moins qu’elle ne soit célèbre ! ?” par exemple. De même qu’une entreprise spécialisée dans la pâtisserie industrielle ne peut mettre en avant ses brioches au moelleux exceptionnel… Pour éviter ce type d’abus, les fondateurs de l’encyclopédie ont mis en place une organisation complexe. Elle est basée sur une équipe d’internautes élus ou désignés par la communauté des ‘ wikipédiens ‘ (on nomme ainsi les contributeurs inscrits sur le site) chargés de faire régner l’ordre.
Des labels de haute qualité décernés à des articles
Au premier rang de ces ‘ gendarmes ‘ de la publication, figurent les administrateurs. Ils ont le pouvoir d’effacer des pages non pertinentes ou de bloquer les utilisateurs qui ne respectent pas les règles de l’encyclopédie. La version francophone de Wikipédia compte 158 administrateurs ; la plupart sont des hommes, beaucoup sont étudiants et un grand nombre travaille dans l’informatique. Certains consacrent beaucoup de temps à l’encyclopédie. ‘ Quand j’étais étudiant, j’y passais en moyenne 5 à 6 heures par jour ‘, note Kaïs Turki, ingénieur en informatique et administrateur depuis 2005. Tous prennent leur rôle très à c?”ur. Et ne se gênent pas pour effacer tout ce qui n’aurait pas de valeur encyclopédique. ‘ Le principal défaut de Wikipédia, c’est d’attirer des personnes qui se font une idée excessive de la qualité et de la pertinence de leurs interventions ‘, précise David Monniaux, chercheur au CNRS, professeur à l’Ecole polytechnique et administrateur de Wikipédia depuis deux ans. Les administrateurs peuvent aussi ‘ protéger ‘ des pages, de façon temporaire ou définitive : les possibilités de modifications de ces pages sont alors limitées, voire réservées à certains contributeurs. C’est le cas des articles ‘ Traite des noirs ‘, ‘ Hitler ‘, ‘ Sexe ‘… Ils peuvent également, à l’issue d’un vote, décerner un label de ‘ haute qualité ‘ à un article. Mais en matière de corrections sur l’exactitude des informations, ils n’ont pas plus de pouvoirs que n’importe quel autre internaute.Lorsqu’une modification dans un article donne lieu à polémique, un débat entre internautes s’instaure. Tout le monde peut y participer, via un onglet intitulé ‘ discussion ‘, situé en haut de l’article. Ce débat peut déboucher sur un résultat non démocratique ; sur Wikipédia, c’est en effet non pas le plus grand nombre, mais l’internaute le plus ‘ savant ‘ qui doit l’emporter. Si un désaccord persiste, le Comité d’arbitrage, constitué de wiképédiens élus par d’autres wikipédiens, peut intervenir. Sa décision, qui elle aussi sera rendue publique, peut aller jusqu’à un refus d’édition.Membres du comité d’arbitrage et administrateurs sont soutenus par une armée de volontaires, constituée de ‘ wikipompiers, wikitraducteurs, wikigraphistes, patrouilleurs, wikifées, wikignomes ‘… A chacun de ces titres correspondent des tâches précises : apaiser les conflits entre les contributeurs, lutter contre la publicité déguisée, accueillir les débutants, corriger l’orthographe, la grammaire, la validité des liens…Si une telle organisation permet d’éviter les abus et de garantir une certaine cohérence à cet épais recueil de connaissances, elle ne suffit pas à éradiquer la totalité des erreurs présentes dans les textes. Alors que la plupart d’entre elles passent inaperçues aux yeux du grand public, certaines ont connu un fort retentissement, et pas seulement sur Internet. Ainsi, en 2005, l’article consacré à John Seigenthaler, un journaliste américain, a mentionné pendant quatre mois sa participation à l’assassinat de Robert Kennedy : une information démentie par l’intéressé, ami intime de l’ancien président des Etats-Unis.Plus grave, la même année, Jens Stoltenberg, le Premier Ministre norvégien, a été accusé de pédophilie sur Wikipédia. Quant à Bertrand Meyer, professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, il a appris son décès dans la version germanophone de Wikipédia… Plus récemment, en France, l’introduction d’une erreur dans l’article consacré au réacteur EPR par des sympathisants de l’UMP qui voulaient donner raison à Nicolas Sarkozy a fait couler beaucoup d’encre.
Des experts valident les textes
Tout cela a apporté de l’eau au moulin des détracteurs de l’encyclopédie participative. Pourtant, en 2005, la revue Nature a publiée une étude qui a conforté les défenseurs de Wikipédia. Une équipe d’experts a comparé 42 articles, traités à la fois sur Wikipédia et sur la vénérable Encyclopaedia Britannica. Huit erreurs fondamentales ont été trouvées dans chacune des encyclopédies ; 162 erreurs minimes ont été repérées dans les articles de Wikipédia, 123 dans ceux de Britannica. Loin de se voiler la face, les collaborateurs de Wikipédia reconnaissent volontiers la présence d’erreurs dans leurs textes. Une des solutions envisagées consiste à faire valider les articles par des experts. Les membres de la version allemande ont ainsi accepté qu’une organisation gouvernementale écologique, Die Fachagentur Nachwachsende Rohstoffe (FNR), finance des spécialistes pour qu’ils signent des articles sur les énergies renouvelables. ‘ Il s’agit du premier projet soutenu publiquement pour améliorer les contenus des Wikipédia ‘, a commenté Kurt Jansson, président de Wikimédia Allemagne. Mais cette proposition a soulevé un débat passionné dans la communauté des wikipédiens. En France, l’intervention d’un expert ?” pourtant bénévole ! ?” sur la page consacrée aux femmes iraniennes a donné lieu à de vives critiques. Aux Etats-Unis, Larry Sanger, cofondateur de Wikipédia, a pour sa part choisit une autre solution : il a décidé de créer sa propre encyclopédie en ligne, constituée d’articles vérifiés par des experts.Créée en novembre 2006, Citizendium ne comporte pour l’instant que 2 600 textes, uniquement rédigés en anglais. Gratuite, elle aussi, sans doute plus fiable que Wikipédia, Citizendium semble prometteuse. Il lui manque cependant un atout pour connaître le succès fulgurant de sa grande s?”ur : l’immense capital sympathie dont bénéficie Wikipédia, une encyclopédie basée sur la confiance qu’elle accorde à tous, sans distinction. Une encyclopédie ‘ collaborative ‘ où, contrairement à ce qui se passe dans la vie, ‘ tout le monde est bienvenu ‘.
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