La simulation informatique du toucher intéresse beaucoup les industriels et les professions médicales. Visite d’un service du CEA qui planche sur le sujet.
Couloirs de béton aux couleurs ternes, pièces carrées, lumières aux néons : une ambiance studieuse, mais détendue, règne dans le service de robotique du Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Ici, chaque jour, de jeunes chercheurs cogitent afin de développer de nouveaux outils pour les scientifiques ou l’industrie.Certains travaillent sur un système informatique d’immersion et de prototypage virtuel baptisé Phare. Il doit permettre aux industriels d’effectuer des tests virtuels à la place de tests réels sur maquette pour, par exemple, tester l’agencement de pièces d’automobile. D’autres chercheurs conçoivent, sur la base de la même technologie, un système destiné aux médecins. Rodolphe Gelin chef du Service Robotique et Systèmes Interactifs du CEA-List, nous fait visiter les lieux
Le rôle du CEA Si le Commissariat à l’énergie atomique développe les interfaces haptiques, c’est qu’elles sont à l’origine du système ‘ Bras maître et bras esclaves ‘ développé, il y a 20 ans, pour les interventions en zone à fortes radiations nucléaires. Un homme, placé en zone sûre, actionne une manette reliée à un bras dit esclave, placé en zone à risque. Le bras esclave peut gratter le mur, découper ou déplacer des objets très lourds. Les bras autrefois mécaniques, sont aujourd’hui pourvus de systèmes hydrauliques.
Agencer des objets en 3D avant production Des jeunes gens s’affairent autour de nombreux ordinateurs. Face à eux, une estrade devant laquelle est érigé un écran géant. Sur l’estrade, une drôle de machinerie : de grandes poignées noires reliées à un système robotique complexe. Des fils courent sur le sol, reliant les PC. La démonstration débute. Imaginez un écran où l’on projette une maquette de voiture en trois dimensions. Vous tenez les poignées de bras articulés, connectées aux ordinateurs. Ce sont des bras à retour de force ou ‘ interfaces haptiques ‘ du grec haptein : toucher. Avec les poignées qui peuvent bouger dans tous les sens, vous allez attraper une des bougies de la voiture et essayer de la mettre en place dans la maquette virtuelle. Mais attention ! On ne se trouve pas devant un jeu vidéo où on peut traverser les murs ! Ici, la voiture est bien réelle, du moins dans les sensations : à chaque fois que vous chatouillez la carrosserie de la voiture avec la bougie, vous le sentez, grâce aux poignées. Lors d’un choc, le système de blocage des poignées reproduit la sensation de toucher au creux de votre paume. Vous pourrez même sentir la texture des matières palpées ! Cet effet est créé grâce à la puissance de calcul de l’informatique. Les ordinateurs assurent l’affichage graphique en temps réel de la maquette, et calculent les efforts à renvoyer en fonction de la position des poignées et des objets virtuels. Quand l’objet virtuel que vous tenez en touche un autre, le système bloque le mouvement au-delà de la surface de cet objet, donnant l’impression de le toucher. Les PC restituent aussi la texture des objets, en imitant la rugosité du bois par exemple.
Pour les tests d’objets souples et déformables comme les câbles, il faudra attendre encore un peu. En effet, leur modélisation n’est pas encore achevée. ‘ Nous travaillons à l’amélioration des textures, mais aussi du toucher. Nous avons imaginé des gants pour chaque doigt afin d’envoyer sur chacun les efforts correspondants. Les deux premiers doigts devraient être prêts d’ici à la fin de l’année ‘ , ajoute Rodolphe Gelin
Des opérations virtuelles pour limiter la casse On quitte la plate-forme Phare pour atterrir, toujours en compagnie de Rodolphe Gelin, à quelques pas de là, dans les locaux de la start-up Haption. Dans cette grande pièce aux allures de pouponnière à robots, des chercheurs tapotent sur leurs ordinateurs. L’ambiance semble décontractée.
La start-up a pour rôle de développer les interfaces haptiques à des fins de commercialisation. A côté d’un ordinateur, un trou laisse apparaître une espèce de stylo. Cependant, ce n’est pas un crayon comme les autres. Il est relié à un système mécanique semblant très compliqué et très lourd. Pourtant, ce stylet ne pèse presque rien ! Cela vaut mieux d’ailleurs, puisqu’il a en fait été conçu pour être utilisé lors d’applications très précises comme l’entraînement de médecins aux gestes chirurgicaux difficiles.
Le toucher virtuel prend ici une autre ampleur. Imaginons un entraînement avec un bistouri, à la place du stylo pour une opération du bras, par exemple. L’ordinateur va bloquer l’accès aux parties qu’il ne faut pas endommager. Si le médecin s’en approche, le bistouri est arrêté par l’ordinateur. Ainsi, le médecin apprend à rendre son geste plus précis.
Un premier entraînement a déjà été réalisé avec un médecin du CHU d’Amiens. Spécialisé dans la chirurgie faciale, il devait découper la mâchoire virtuelle d’un patient sans toucher le nerf maxillaire. Dans ce cas, le stylo avait été remplacé par une fraise de dentiste. Et grâce au retour de force, le geste du médecin était bloqué et l’empêchait de s’approcher du nerf. Un test qui a semblé satisfaire le médecin. Un produit déjà commercialisable, qui devrait venir compléter lapprentissage des médecins dans les années futures
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