Titulaire d’un DESS en droit de l’informatique et de la communication, Aude n’a pas souhaité rejoindre un tribunal ou un cabinet d’avocats. Avec trois autres collègues, cette jeune juriste de 27 ans exerce un tout autre métier, encore méconnu : médiateur du Net. Créé en septembre 2004 par le Forum des droits sur l’Internet (voir l’encadré), le service se propose de régler gratuitement et à l’amiable les litiges liés à Internet entre un particulier et une entreprise, ou entre deux particuliers. Les achats en ligne, la fourniture d’accès à Internet, les transactions entre particuliers, la diffamation, les droits d’auteur, ou encore le respect de la vie privée font partie de ses champs d’action.‘ Nous nous positionnons comme un tiers complètement indépendant et impartial, insiste Marie-Françoise Le Tallec, responsable du service de médiation. Nous ne sommes affiliés à aucune des parties, nous ne sommes ni représentants d’une association de consommateurs, ni mandatés par une entreprise. ‘
Du sérieux et des arguments
Pour saisir les médiateurs, l’internaute doit déposer sa demande en donnant le plus de précisions possible. Les médiateurs évaluent alors sa recevabilité, selon plusieurs critères.D’abord, les litiges qui concernent des entreprises opérant depuis l’étranger sont refusés : ‘ Nous avons le cas de consommateurs qui, ayant acheté un bien sur un site russe et envoyé un chèque à une banque anglaise, s’étonnent de ne rien recevoir, indique Marie-Françoise Le Tallec. Et si, en plus, la société concernée est basée dans un paradis fiscal ou sans coordonnées réelles, nous ne pouvons pas faire de miracle. Il peut s’agir d’une arnaque pure et simple, et nous les invitons à porter plainte. ‘La demande doit par ailleurs être sérieuse et argumentée. Outre les pièces justificatives du différend, l’internaute doit démontrer qu’il a essayé toutes les autres solutions, et notamment qu’il a tenté de régler le contentieux lui-même, en contactant l’entreprise ou le particulier concerné.Enfin, le médiateur s’assure que la médiation sera effectivement possible. Et là, les choses peuvent se compliquer, car il ne dispose d’aucun pouvoir coercitif. Si certaines entreprises acceptent de jouer le jeu en mettant à sa disposition des correspondants privilégiés, d’autres ne veulent pas entendre parler de médiation. C’est notamment le cas de certains fournisseurs d’accès, qui se réfugient derrière l’existence de leur service clientèle pour refuser toute médiation. La justice reste alors l’ultime recours du plaignant.
Entre 48 heures et trois mois
Au total, un dossier sur deux donne lieu à une médiation. La procédure suit son cours en ligne : le médiateur et les deux parties sont invités à dialoguer dans un espace privé sur le site du médiateur. ‘ L’objectif est d’arriver à un accord à l’amiable qui satisfasse les deux parties et qui soit conclu dans un climat constructif ‘, explique Aude. Chacun peut suivre la négociation, lire les éléments avancés par la partie adverse et, via une messagerie interne, s’adresser en privé au médiateur. L’échange se poursuit ainsi jusqu’à ce qu’un accord soit entériné. Les parties sont libres de mettre fin au processus à tout moment, mais le cas se présente rarement.‘ Le traitement d’une demande peut prendre de 48 heures pour quelque chose de simple à trois mois, explique Aude, qui y voit un exercice stimulant : il y a une réelle satisfaction quand on aboutit à un accord. Surtout lorsqu’une des deux parties était réfractaire au début de la médiation. ‘Depuis près de 18 mois, le service ne chôme pas. Plus de 6 500 demandes ont été reçues, dont 3 600 ont été jugées recevables. Dans 89 % des cas, une solution amiable a été trouvée. Mais Marie-Françoise Le Tallec relativise : ‘ Le commerce électronique ne génère pas plus de plaintes que dans la vraie vie. ‘Autres statistiques significatives : 91 % des litiges opposent un particulier à une entreprise, et près de 40 % concernent les six fournisseurs d’accès acceptant la médiation. Avec, au hit-parade des contentieux du commerce en ligne, la non-livraison, la non-conformité et le vice caché d’un bien.Quant aux montants en jeu, ils sont très variables : plus de la moitié concernent un achat de plus de 120 euros, mais le montant peut être bien plus élevé, explique Célia, l’une des quatre médiatrices : ‘ J’ai récemment traité un litige portant sur 11 000 euros. ‘
Un métier qui a de l’avenir
La notoriété grandissante et l’afflux de dossiers poussent en tout cas la responsable du service de médiation à s’interroger sur la suite à donner. Objectif : monter doucement en puissance et peaufiner le modèle économique. En attendant, la médiation en ligne intéresse d’autres secteurs, en particulier les médiateurs familiaux :‘ Le règlement des litiges via Internet pourrait par exemple servir dans le cas de parents vivant dans deux pays différents ‘, détaille Marie-Françoise Le Tallec.La médiation en ligne n’en est encore qu’à ses balbutiements !www.mediateurdunet.fr
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.