Il y a un an, les oracles annonçaient la disparition des compacts d’entrée de gamme, balayés par la vague des téléphones photo. Force est de constater qu’il n’en est rien, alors que dans le même temps, les performances des téléphones n’ont cessé de s’améliorer. Une situation paradoxale qui nécessitait une petite analyse.
Les chiffres sont éloquents. En 2005, il y avait en circulation 12 millions de ‘ photophones ‘ (appellation convenue des téléphones avec une fonction photo), chiffre qui devrait atteindre 38 millions en 2007. Pour autant, la bataille attendue entre photophones et compacts d’entrée de gamme n’a pas eu lieu. Non pas qu’il s’agisse d’un problème de qualité, le haut du panier des photophones a atteint désormais un niveau de qualité qui n’est plus très loin de celui des petits compacts et, en tout état de cause, un niveau de qualité largement suffisant pour des usages de type 10 x 15 ou publication sur le web. Si l’affrontement attendu n’a pas eu lieu, c’est pour deux raisons majeures… auxquelles se greffent sans doute quelques autres plus légères.
Une fausse rivalité
La première des raisons est que s’il est exact de dire qu’aujourd’hui les photophones ont atteint un niveau de qualité fort correct, cette affirmation ne concerne que le haut de gamme de ces produits. Des appareils qui valent entre 400 et 800 euros, soit le double, voire le triple du prix d’un compact photo de qualité équivalente. Le plus performant des téléphones actuels, le Nokia N93, vaut 750 euros, soit peu ou prou le prix d’un reflex de type Canon EOS 350 D, Pentax K100D ou Nikon D50, et là, la comparaison ne tient plus.En clair donc, la formulation exacte devient : le haut de gamme des photophones est largement du niveau de l’entrée de gamme des compacts sérieux, pour le prix d’un petit reflex.L’autre différence de fond concerne l’usage. Sur ce plan, il n’y a pas de concurrence entre téléphone et compact, pas plus qu’il n’y en a entre le lecteur de CD/DVD de salon et celui qui est installé dans le PC familial, voire dans le portable de travail des parents. Tous trois lisent les mêmes CD/DVD, mais tous trois répondent à des utilisations différentes. Manifestement, il en va de même pour les photophones.Par ailleurs, comparer photophones et compacts photo sur les seuls critères de la qualité d’image serait injuste. Sur ce plan, équipés de capteurs plus petits, d’optiques parfois moins sophistiquées, les photophones sont condamnés à être toujours en retrait, même léger, par rapport aux compacts photo. Si l’on compare l’ensemble de la prestation, les choses sont en revanche très différentes.
Une plus grande polyvalence
Les compacts photo ne font… que de la photo (et accessoirement de la vidéo), les photophones, eux, sont infiniment plus polyvalents, même si l’on met de côté les fonctions de téléphonie. Par exemple, la récupération des images sur l’ordinateur se fait sans fil (en Bluetooth), alors que les compacts peinent à se débarrasser de la connexion USB. Il est impossible d’envoyer les photos par e-mail ou vers un site web depuis un appareil photo (à l’exception du Kodak Easy?”Share), alors que les photophones haut de gamme le font relativement simplement.Cette capacité d’envoi distant n’est pas forcément liée au réseau de l’opérateur. Le Nokia N93, par exemple, est capable de se connecter en Wi-Fi à un routeur pour envoyer les images sur la galerie Flickr (lire p. 21) grâce à un logiciel client pré-installé.Comme nous l’avons déjà évoqué, la qualité d’image des photophones haut de gamme est désormais tout à fait correcte. Elle est amplement suffisante pour faire des tirages 10 x 15 (voire, dans certains cas, 13 x 18), et plus que suffisante pour une publication sur Internet. Des appareils comme le Sony Ericsson k800i sont de véritables petits compacts couplés à un téléphone. Même les capacités vidéo deviennent intéressantes. Comme vous pourrez le lire dans les témoignages qui suivent, certains utilisateurs de weblogs publient à dates régulières des interviews filmées avec des téléphones, l’appareil de prédilection pour cet usage étant le Nokia N91 (désormais remplacé par le N93).Il convient, en revanche, de rester circonspect quant à la course aux pixels que tentent d’insuffler certains constructeurs comme LG et, dans une certaine mesure, Samsung.Les photophones de pointe ont des capteurs de 3 millions de pixels, ce qui représente un compromis acceptable entre la petite taille de capteur et la taille d’image produite. Au-delà, le niveau de bruit devient rédhibitoire. Même à 3 millions de pixels, les images fournies par les photophones ne sont vraiment bonnes qu’avec un minimum de lumière. Dès que l’éclairage ambiant baisse, les résultats sont catastrophiques, et ce ne sont pas les ersatz de flashes dont ils sont dotés qui pourront arranger les choses. Il y a cependant fort à craindre que la guerre des pixels ne se répande aussi dans les téléphones. Alors que, jusqu’à ce jour, seuls les constructeurs coréens annonçaient des modèles aux définitions surprenantes (5 mégapixels pour LG, 10 pour Samsung), Nokia vient d’annoncer un N95 à 5 millions de pixels. Même si, concrètement, cela ne sert à rien, bien au contraire, c’est sans doute une bonne chose dans la mesure où les haut de gamme d’aujourd’hui vont rapidement devenir les milieux de gammes de demain, et donc être plus accessibles financièrement tout en étant probablement plus intéressants côté performances. Quoi qu’il en soit, l’époque ou le photophone pouvait être considéré comme une solution de dépannage est révolue. Signe des temps, les deux témoignages ci-contre émanent non seulement d’utilisateurs passionnés par ces photophones, mais qui n’en restent pas moins de talentueux photographes.