Si la musique adoucit les m?”urs, elle attise aussi les convoitises. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder comment les grandes maisons de disques (les fameuses ‘ majors ‘) et les médias (télévision et radio en tête) ont transformé cet art universel en véritable industrie de masse. Inutile d’être un fin connaisseur pour constater que l’essentiel de la production musicale actuelle est formaté selon des règles plus économiques qu’artistiques : les marchands de tubes, qui confondent culture et élevage, fabriquent à la chaîne des ‘ vedettes ‘ éphémères soigneusement calibrées, à grand renfort de campagnes marketing, pour conditionner le public en lui dictant ses goûts. Dans ce marché juteux, et largement uniformisé, le développement des systèmes de distribution de musique numérique en ligne (comme iTunes Music Store, le rutilant service mis récemment en place par Apple ) pourrait apparaître comme une bénédiction. Nul besoin d’investir dans la fabrication de milliers de CD ou de constituer des stocks en magasin ; il suffit de placer sur un serveur un exemplaire unique un simple fichier informatique pour mettre un titre ou un album à la disposition de la terre entière, à toute heure du jour et de la nuit. Une façon de placer tous les interprètes et musiciens au même niveau, de couvrir tous les styles, des plus ésotériques aux plus populaires, de proposer des enregistrements rares et des disques à succès, et même, moyennant un bon moteur de recherche et un système de liens ‘ intelligents ‘, de guider l’internaute curieux vers des genres ou des ?”uvres connexes pour élargir son horizon musical. Ne rêvons pas ! Les modèles que bâtissent les acteurs du secteur avec le numérique et Internet s’inspirent plus des distributeurs de boissons gazeuses que d’une véritable politique éditoriale. Sur ces services en ligne à vocation purement mercantile, la musique va se consommer par petits morceaux payés au kilo, comme des friandises, avec, pourquoi pas, des prix par lots. Les catalogues ‘ dématérialisés ‘ ressemblent d’ailleurs furieusement aux bacs de disques des supermarchés qui se contentent de ne présenter que des ‘ valeurs sûres ‘, celles qui se vendent. Quant aux amateurs de musiques différentes, on les laissera peut-être se servir sur les réseaux peer-to-peer ; le manque à gagner ne devrait pas mettre en péril nos chères majors !
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