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Les radars automatiques du Net

Les éditeurs de jeux vidéo ont été autorisés à utiliser des programmes de surveillance automatique des réseaux P2P. Une idée qui pourrait bientôt chatouiller les maisons de disques…

‘ Le 24 juin 2005, vous avez mis à la disposition d’internautes le jeu-vidéo Tomb Raider sur un réseau peer-to-peer sans autorisation de son éditeur. Cet acte de contrefaçon constitue
une violation des droits des auteurs. ‘
Ce mail, des centaines de milliers d’internautes adeptes du téléchargement de fichiers avec eMule ou KaZaA risquent de bientôt le recevoir. Et cela, grâce à la Cnil, qui vient
d’autoriser le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell) à utiliser des systèmes de surveillance automatique des réseaux P2P.Depuis le 6 août 2004, une modification de la loi Informatique et libertés permet en effet à des sociétés privées de collecter des données personnelles dans le cadre de la défense de la propriété intellectuelle. Concrètement, à
partir d’une date encore inconnue, des programmes du Sell espionneront 24 heures sur 24 les réseaux d’échange à la recherche d’internautes partageant des jeux vidéo. Ils relèveront l’adresse IP (identifiant unique des ordinateurs sur Internet) de
chaque contrevenant, puis demanderont à son fournisseur d’accès de lui envoyer un mail de mise en garde. Si aujourd’hui, il ne s’agit que de simples avertissements, rien n’empêchera le Sell, demain, de brandir ces données devant un tribunal pour
faire condamner les téléchargeurs récidivistes. Le procédé, en tout cas, pourrait donner des idées aux maisons de disques et aux studios de cinéma qui rêvent depuis des années d’automatiser leur traque sur Internet. En attendant, ils préfèrent jouer
la carte de la prévention avec un guide incitant les jeunes à ‘ adopter la Net attitude ! ‘ Depuis le mois d’avril, tous les collégiens de France se voient en effet remettre un petit guide, édité
par le Forum des droits sur Internet, expliquant le droit d’auteur et les échanges de fichiers en peer-to-peer. Pour résumer : avec Internet (‘ C’est trop bien ! ‘), les ados peuvent publier
leurs créations (‘ Tu crées, t’as des droits’) ; ils devraient donc respecter les autres créateurs (‘ Ils créent, ils ont des droits ‘), plutôt que de
partager des musiques et des films sur KaZaA ou eDonkey (qui vient de dépasser les 4 millions d’utilisateurs). Consensuel, ce traité de 15 pages évite soigneusement les questions qui fâchent, surtout celle concernant la légalité du téléchargement en
P2P. Et pour cause : les derniers jugements en date sur la question ont abouti à des verdicts fort différents…

Cynisme des majors

Mais le guide, partiellement financé par les pouvoirs publics, fait grincer des dents, à l’image de l’association d’internautes Odebi ou de la députée des Verts Martine Billard. ‘ La logistique de l’Education
nationale a été mise à la disposition de sociétés privées, comme Vivendi Universal ou la Sacem, pour diffuser une vision partisane et tronquée du droit d’auteur ‘
, s’insurge la députée, qui assène :
‘ L’école républicaine n’est pas un lieu de propagande pour multinationales. ‘ Pourtant, l’attitude des majors en France est loin d’égaler en cynisme celle des majors aux Etats-Unis. Là-bas, elles ont
trouvé un moyen bien plus pernicieux de détourner les jeunes du P2P. Elles signent des accords avec les lycées et les universités afin de proposer leur catalogue en ligne à prix cassé (5 dollars par mois environ). Sauf qu’à la fin des études, s’ils
veulent continuer à écouter la musique téléchargée, ils doivent passer à la caisse et s’abonner à un service similaire à celui de Napster-to-Go. Une manière un peu brutale d’éduquer les jeunes générations. Finalement, un guide sur les méfaits du P2P
est peut-être un moindre mal…

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Marc de Suzzoni