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Les maladies sous surveillance de la santé

En France, le contrôle des maladies infectieuses s’appuie sur des réseaux informatiques.

Jacques, 75 ans, a une forte fièvre. Il se rend aux urgences. A son arrivée, on lui demande son nom, son adresse, ses symptômes. L’hôtesse d’accueil pianote sur son ordinateur. Jacques ne le sait pas, mais une partie des informations qu’il vient de donner sera transmise par Internet à l’InVS, l’Institut de veille sanitaire. Cet établissement public est chargé de surveiller l’état de santé de la population française et d’alerter les organismes susceptibles d’agir en cas de crise sanitaire. Quelques instants plus tard, Jacques est reçu par un médecin. Diagnostic : une grosse grippe, qui nécessite une hospitalisation. Sur son ordinateur relié au serveur de l’hôpital, le médecin affiche le dossier médical du patient, saisit le code correspondant à la grippe (chaque maladie dispose d’un code d’identification) et ordonne l’hospitalisation.Pendant la nuit, le serveur de l’hôpital transmet toutes les données des dossiers médicaux au serveur de l’InVS. Tout est réalisé automatiquement, anonymement (les données ne sont pas nominatives) et de façon sécurisée (l’envoi est crypté), chaque jour à la même heure. Pour traiter ces données, l’InVS a créé l’Oscour (Organisation de la surveillance coordonnées des urgences) au sein du service des systèmes d’information. Ce réseau national compte 35 adhérents parfaitement informatisés : services d’urgence d’établissements hospitaliers, urgences médicales de Paris et, bientôt, des associations SOS Médecins. Chaque intervention est suivie d’un travail de saisie informatique (âge, sexe, lieu de résidence de chaque patient, raison de sa venue aux urgences, diagnostic, actes et orientation après consultation) qui sera systématiquement transmis à l’InVS. Chaque matin à 8 heures, le service informatique de l’InVS procède automatiquement à l’analyse des données récoltées auprès des différentes cellules réparties sur tout le territoire.

Traitement des informations

Le premier geste des informaticiens dès leur arrivée consiste à vérifier les réceptions. Si les données d’un hôpital n’ont pas été transmises ou si elles comportent des erreurs, ils décrochent leur téléphone pour les réclamer. Et pour que ces erreurs n’aient pas d’incidence sur l’analyse des résultats, un courriel est envoyé à la cellule d’alerte de l’InVS. Les informaticiens récupèrent ensuite les graphiques et les tableaux générés automatiquement par le système. Des éléments qui rendent toutes ces données plus lisibles. ‘ On sort des courbes sur le nombre de patients vus par services, la répartition par âges, les catégories de malades par régions ainsi que des tableaux comparatifs avec le jour d’avant, la semaine précédente ‘, explique Javier Nicolau, chargé de la partie informatique du réseau Oscour. Ces tableaux sont réalisés à partir de 3 500 dossiers journaliers (un service d’urgence reçoit 100 personnes en moyenne par jour). Des calculs informatiques de quelques minutes qui permettent à l’InVS de gagner un temps considérable en cas de crise sanitaire. ‘ Sans l’informatique, ce travail serait impossible. On ne pourrait traiter un aussi grand nombre de données ‘, affirme Javier Nicolau.

Analyses des données

Membre de la cellule d’alerte de l’InVS, le docteur Loïc Josseran prend le relais. Prévenu par courriel de l’arrivée des résultats, il récupère les fichiers et les graphiques sur le serveur. Il va les analyser avec précision à l’aide d’un logiciel de statistiques. Les maladies sont classées en fonction de codes de gravité ou de dépassements de seuils fixés en amont. L’outil compare les données avec celles enregistrées durant les trois dernières années, par régions et par types de maladie. Loïc Josseran s’intéresse parallèlement aux décès, dont il reçoit en continu les comptes rendus provenant de 1 000 communes informatisées (comptabilisant 70 % des décès en France). Le chef de la cellule s’attardera ensuite sur les informations du réseau Sentinelles de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et du Grog (Groupements régionaux d’observation de la grippe) pour les comparer avec les siennes et s’assurer qu’elles coïncident.

Veille sanitaire au quotidien

Ces deux réseaux parallèles ont chacun une méthode de surveillance qui a fait ses preuves. L’un et l’autre s’appuient sur des bénévoles répartis sur tout le territoire : 1 200 médecins généralistes pour Sentinelles et 600 médecins, des pharmacies, SOS médecins et des laboratoires virologiques pour le Grog. Toutes les semaines, ces volontaires se connectent sur le réseau auquel ils adhèrent (www.sentiweb.org et www.grog.org) pour indiquer, via un formulaire de saisie, le nombre de pathologies rencontrées. Ces informations arrivent sur la base de données d’un serveur au siège des deux réseaux et sont traitées par des médecins virologues ou des chercheurs épidémiologistes. Les missions de ces deux réseaux sont différentes. Le Grog se charge de surveiller les mutations du virus de la grippe, et de donner l’alerte si besoin.Quant au réseau Sentinelles, il établit des prévisions à trois semaines. ‘ On utilise un logiciel de statistiques créé en interne pour prévoir les épidémies. Il permet de comparer entre elles vingt ans de données par régions et par maladies ‘, explique Yves Dorléans, responsable informatique de Sentiweb.org. Pour informer les internautes, Sentinelles propose, sur la page d’accueil de son site, des cartes présentant l’étendue des épidémies (grippe et gastro, par exemple). Celles-ci s’actualisent automatiquement au fur et à mesure des saisies des médecins.En période d’épidémie, l’InVS édite un bulletin hebdomadaire reprenant les informations du Grog et du réseau Sentinelles. Il est envoyé par courriel, mais aussi par fax, à tous les organismes responsables de l’organisation du système de santé en France. Les informations principales sont reprises dans un autre bulletin informant sur l’ensemble des pathologies suivies par l’InVS, disponible sur le site www.invs.sante.fr/beh/default.htm et consultable librement par tous. Le Grog et le réseau Sentinelles proposent de leur côté des newsletters gratuites.En cas d’alerte, l’InVS utilisera le courriel, mais également le téléphone, pour s’assurer que le message est bien passé. En effet, si l’informatique permet d’uniformiser les données, d’automatiser leur transmission et dassurer une première lecture ?” ce qui facilite beaucoup le travail de veille ?”, le téléphone demeure un outil incontournable.

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Valérie Siddahchetty