Les éditeurs de jeux vidéo proposent une large gamme de logiciels ludo-éducatifs et parascolaires. Les premiers visent à enrichir la culture générale, les seconds reprennent les programmes scolaires de manière moins formelle qu’en cours.A chaque âge, son catalogue. De 3 à 5 ans, les logiciels initient l’enfant à la reconnaissance des formes, des couleurs, des lettres, des nombres, et à l’acquisition du vocabulaire. A partir de 5 ans, le calcul et la lecture sont mis en avant, complétés par des thèmes de culture générale et une initiation à l’anglais. Pour les élèves des écoles primaires et les collégiens, les jeux se calquent sur le programme scolaire, avec au menu mathématiques, grammaire, histoire, anglais.
Des avis contradictoires
D’abord sur PC, et disponibles maintenant sur console portable, les logiciels ludo-éducatifs rencontrent un vif succès (lire l’encadré). Mais sont-ils efficaces ? Pour le savoir, l’Institut américain des sciences de l’éducation, qui dépend du ministère fédéral de l’Education et dont l’une des missions est d’améliorer la réussite des élèves, a commandé une étude pour évaluer l’impact de tels jeux sur les résultats scolaires. Réalisée en mars 2007, celle-ci portait sur 9 000 élèves de CP, CM1, 6e et 3e, ayant utilisé seize logiciels ludo-éducatifs. Verdict : ils sont inefficaces. Les classes qui les employaient n’ont pas obtenu de meilleurs résultats aux tests que celles qui ne les utilisaient pas. Néanmoins, l’étude montre que les élèves travaillaient de façon plus volontaire avec les logiciels qu’avec les méthodes traditionnelles.Toutes autres sont les conclusions d’une étude similaire de la Commission européenne, effectuée en 2006 dans tous les pays européens. Selon cette étude, les jeux parascolaires améliorent les performances scolaires. Surtout à l’école primaire, dans l’apprentissage de la langue nationale, moins en mathématiques. La Commission invite donc les gouvernements à intégrer davantage ces jeux.Comment expliquer des résultats aussi divergents ? Les logiciels évalués aux Etats-Unis étaient beaucoup trop sérieux, alors que ceux pris en compte par la Commission européenne étaient plus ludiques. ‘ En insistant sur l’aspect sérieux, le jeu perd de sa fantaisie et l’apprenant perd de sa motivation. La mécanique ludique qui fait la force d’attraction, voire d’addiction, du jeu, est à l’origine de tout succès ‘, affirme Jean-Noël Portugal, dirigeant de la société Daesign spécialisée dans le contenu de jeux pédagogiques à l’usage des entreprises.
Concevoir un jeu pour apprendre
En analysant les logiciels ludo-éducatifs, le chercheur américain James Paul Gee, professeur de lettres à l’université du Wisconsin, auteur de plusieurs ouvrages sur l’apprentissage et membre actif de The Education Arcade (une association consacrée à la pédagogie par les jeux vidéo), est arrivé à la même conclusion : ‘ Il faut partir d’un jeu et le redimensionner pour l’éducation, le but étant de réussir à apprendre quelque chose : biologie, physique, histoire… tout en s’amusant. Ce qui est loin d’être proposé sur le marché. ‘ Un avis partagé par Catherine Kellner, maître de conférences en sciences de l’éducation à l’université Paul Verlaine de Metz, et auteur du livre Les Cédéroms, pour jouer ou pour apprendre. ‘ Les logiciels dits ludo-éducatifs ou parascolaires sont loin de remplir le contrat qu’ils annoncent. Les utilisateurs ne sont pas dupes : alors que les concepteurs confondent fiction et jeux, ils font très bien, eux, la distinction entre les deux. ‘Côté contenu, les éditeurs indiquent que les logiciels sont validés par des enseignants. Est-ce suffisant pour que les enfants apprennent ? ‘ Un accompagne-ment professoral et/ou parental est indispensable, conseille Julian Alvarez, docteur en science de la communication et de l’information. Car l’enfant seul ne s’intéresse pas [aux logiciels ludo-éducatifs, Ndlr]. Dans les faits, les logiciels de ce type finissent dans un placard. ‘ James Paul Gee ne dit pas autre chose : ‘ Le prof, ou les parents, a un rôle de guide, de tuteur, à assurer auprès des apprenants. Il est là pour leur permettre de prendre du recul, de se questionner, de lancer des débats, d’instaurer des remises en question. Le tout dans l’optique d’atteindre les objectifs pédagogiques visés ‘.L’expérience de Madame Valois, enseignante en dernière section de maternelle à l’école de Porchère (Gironde), va dans le sens de cet accompagnement indispensable. Elle utilise depuis deux ans le logiciel Adibou en classe. ‘ Le résultat est spectaculaire : les enfants savent quasiment lire et presque écrire à leur entrée en CP, s’enthousiasme-t-elle. Je ne pourrai plus me passer de ces jeux ! ‘ Si même la maîtresse est séduite…
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