Une classe de CM1, 48 élèves revêtus de l’incontournable foulard rouge, entrent dans la salle calmement, sous le regard bienveillant de M. Yang, leur professeur d’informatique. Au programme d’aujourd’hui : mettre en page avec Word une pancarte pour présenter la classe. Face à leur Pentium III, les enfants de cette école pékinoise s’affairent donc à utiliser WordArt et autres caractères spéciaux…
‘ Le dessin et la mise en page constituent un axe important du programme de primaire. C’est un moyen ludique de développer les sens esthétiques et la créativité des enfants, ainsi que leur intérêt pour l’informatique, explique M. Yang. L’autre axe concerne l’utilisation de la messagerie électronique, ce que la plupart acquièrent très vite grâce au pinyin. ‘En effet, c’est dès la maternelle que les enfants s’initient à ce système de retranscription phonétique en alphabet latin des idéogrammes, mis en place dans les années cinquante. En effet, écrire manuellement un idéogramme implique sa mémorisation active, c’est-à-dire qu’il faut l’avoir rencontré auparavant, et donc appris par c?”ur, pour pouvoir l’écrire (près de 6 000 idéogrammes doivent ainsi être assimilés pour pouvoir lire couramment, 9 000 pour être considéré comme érudit). Le pinyin facilite donc l’apprentissage du chinois, mais également… l’utilisation de l’ordinateur.
Deux méthodes de saisie des mots
Deux méthodes permettent de saisir un idéogramme via un clavier anglo-saxon qwerty (les seuls disponibles en Chine). Pour les comprendre, prenons l’exemple de l’idéogramme dui (voir photo ci-dessus) qui signifie ‘ équipe, groupe ‘. La méthode initialement mise en place en Chine nécessite une bonne maîtrise de la structure des idéogrammes, c’est la raison pour laquelle elle est donc plutôt utilisée par les adultes. A chaque touche du clavier correspond un caractère simple, qui peut être utilisé seul ou entrer dans la composition d’un idéogramme plus complexe. Dans notre exemple, l’idéogramme dui est composé de deux caractères : le premier à gauche désigne ‘ l’oreille ‘, le second à droite désigne ‘ l’homme ‘. Dans l’esprit chinois, une équipe est en effet composée de gens à l’écoute. Il suffit de taper sur les deux touches du clavier correspondant aux caractères oreille et homme pour écrire ce mot. Cette méthode de saisie est donc très rapide. Toutefois, les enfants préfèrent utiliser le pinyin. Comme de nombreux idéogrammes se prononcent de la même manière, dès leur saisie en pinyin, le traitement de texte propose les idéogrammes classés selon leur simplicité, leur fréquence d’usage, le contexte grammatical et les dernières utilisations référencées. Dans notre exemple, l’idéogramme dui correspondant au sens ‘ équipe ‘ est le deuxième de la liste (voir photo d’écran ci-dessus). En définitive, saisir un idéogramme via son pinyin implique seulement de le reconnaître dans une liste.
L’avenir de l’idéogramme
‘ Avec ce système, les enfants peuvent donc rapidement saisir sur l’ordinateur des idéogrammes complexes qu’ils ne maîtrisent vraiment que plus tard ‘, explique l’instituteur. Mais l’utilisation du pinyin, amplifiée par le développement de l’informatique, ne manque pas d’interroger sur l’avenir de l’écriture chinoise. ‘ Sur le long terme, la mémoire visuelle prenant le pas sur la mémoire gestuelle, le corps risque de perdre l’importance primordiale qu’il a dans l’écriture chinoise ‘, commente Gladys Chicharro, spécialiste de l’éducation en Chine de l’université de Nanterre. Ce geste, élément de l’écriture quotidienne, trouve sa plus pure expression dans l’art de la calligraphie. Selon Maître Wang Yun, calligraphe et moine taoïste : ‘ La calligraphie est une forme de méditation qui calme le corps, clarifie la pensée et développe la créativité. En modifiant le geste, l’écriture informatique influence nécessairement l’esprit chinois. ‘ Et Gladys Chicharro de souligner : ‘ Qui plus est, en primaire, l’apprentissage des caractères sert de socle pédagogique à l’acquisition des connaissances. En chinois, le mot wen signifie d’ailleurs à la fois écriture et culture. ‘ Après une vingtaine de minutes de concentration, c’est l’heure du débriefing : ‘ Un volontaire pour présenter son travail ? ‘, lance l’instituteur. Plusieurs petites mains se lèvent aussitôt. La cloche sonne, c’est la fin des cours, Li Ming sort son mobile : ‘ J’appelle ma maman pour qu’elle vienne me chercher ‘, commente-t-il, avant de se plonger dans une folle partie de Super Mario.
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.