Le Sénat a adopté courant mai le texte définitif de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LEN). Cette loi, faut-il le rappeler, est le premier texte juridique français traitant expressément du contenu des communications électroniques et du commerce sur Internet. Il était temps : il aura fallu attendre quatre ans pour qu’elle transpose dans le droit français la directive européenne du 8 juin 2000 sur le commerce électronique.On oublie trop souvent que bien des articles de la LEN traitent de cet aspect d’Internet. Et ces articles-là font depuis des lustres l’objet d’un large consensus. Ils ont le grand mérite de graver dans le marbre les obligations des cyber-marchands à l’égard de leurs clients et les règles d’établissement des contrats électroniques. Ce qui a donné lieu à moult débats ces derniers mois, ce sont les dispositions relatives à l’encadrement des libertés de communication électroniques. Les fournisseurs d’accès s’étaient en particulier effrayés de devoir filtrer le trafic Internet pour en retirer les contenus illicites (voir l’OI n?’ 158, page 14). Leurs doléances ont été entendues. Ils échappent à cette obligation. Le texte adopté par les sénateurs n’en conserve pas moins trois grands objets de polémique.La première critique porte sur l’obligation faite aux hébergeurs de sites, de weblogs et autres forums de couper l’accès aux contenus illicites, dès lors qu’ils sont informés de leur caractère illégal. N’importe qui peut effectuer une demande de retrait. Même si ces dénonciations ne peuvent être anonymes, et si les recours abusifs sont passibles de fortes amendes et de peines de prison, les détracteurs de la loi crient ‘ à la privatisation de la justice ‘ puisqu’aucune intervention judiciaire n’est requise. Mais s’il en était autrement, compte tenu de l’envergure d’Internet, les tribunaux ne risqueraient-ils pas d’être très vite submergés ?Le deuxième point de friction relève de la notion de prescription. Les médias classiques (journaux, télé, radio) ne peuvent être attaqués en justice que dans les trois mois suivant la diffusion des informations mises en cause. Sur Internet, une information pourra être attaquée tant qu’elle restera en ligne. Un gamin diffamant dans son weblog une vedette qu’il exècre pourrait ainsi se voir traîné en justice plusieurs années après son forfait…Dernier grand grief, la LEN n’accorde pas explicitement aux e-mails le statut de correspondances privées, intouchables en dehors de procédure judiciaire. Les opposants à la LEN craignent que cela puisse autoriser de nombreux organismes privés à y fourrer leur nez. Le gouvernement s’en défend, arguant que le caractère privé des échanges de courriels est déjà défini par d’autres textes juridiques.Ces trois critiques pourraient conduire des partis dopposition comme le PS et le PC à saisir le Conseil constitutionnel. Ce sera alors à lui de trancher.
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