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Le tri du c?”ur

Les ‘ chiffonniers ‘ d’Emmaüs se sont convertis aux nouvelles technologies. Pour créer des emplois et équiper les plus démunis d’ici et d’ailleurs, ils remettent en état le matériel informatique et les mobiles dont les mieux lotis se débarrassent.

Onze heures à Mauléon, près de Cholet, dans les Deux-Sèvres : Gilles et Serge, deux bénévoles arrivés de Cahors, garent une fourgonnette Emmaüs devant l’entrepôt des Ateliers du Bocage. Les poignées de main et mots de bienvenue échangés, Michel s’installe aux commandes du chariot élévateur pour déposer dans l’utilitaire des palettes chargées de matériel informatique : cinquante unités centrales ?” des Pentium III ?”, autant d’écrans, de claviers et de souris. ‘ C’est la troisième fois que l’on vient s’approvisionner car ils se vendent comme des petits pains. Ceux-là nous sont achetés par une école ‘, explique Gilles, avant de reprendre le volant pour la capitale du Quercy.Combien ? Cent euros la configuration complète, dont la moitié revient aux Ateliers du Bocage, ‘ pour payer les tests, les programmes, le nettoyage, notre travail quoi ! ‘ poursuit François. Ce dernier tire un brin de fierté d’avoir récemment passé une semaine dans une société du Mans à ‘ rincer ‘ (effacer) les disques durs de trois cents vieux PC. ‘ C’était la condition pour qu’elle nous cède son parc informatique ‘. Autre sujet de satisfaction, il a appris à réparer les écrans plats car ‘ les vendre d’occasion en état de marche rapporte plus à Emmaüs que les brader à la tonne en tant que déchets ‘.A l’autre bout de l’entrepôt, Djibril déroule, en courant, un film plastique autour d’un empilement de moniteurs en état de marche. Sur de hauts rayonnages, 1 200 écrans 17 pouces, 1 000 écrans 15 pouces, 1 000 PC (essentiellement des Pentium II et III), 150 imprimantes laser noir et blanc, collectés dans des entreprises et des administrations de la région, attendent leur tour pour reprendre du service.Leur destination : la boutique informatique d’Emmaüs toute proche implantée à Le-Peux-du-Pin, celle de Ouagadougou en Afrique, ou bien les bric-à-brac de France et de Navarre où associations, écoles, collectivités et particuliers s’équipent. ‘ Le réemploi, c’est le meilleur des recyclages : il ne pollue pas et fait des heureux ‘, résume Bernard Arru, directeur des Ateliers du Bocage.Quant aux matériels vraiment hors d’usage, ils sont démantelés. Les pièces détachées sont expédiées dans des entreprises spécialisées pour y être valorisées ou détruites, dans le respect de la réglementation en vigueur. Prix de revente à la tonne selon Bernard Arru : 2 000 euros les cartes mères ‘ riches ‘ (en métaux), 340 euros les cartes mères ‘ pauvres ‘, entre 45 et 100 euros la ferraille, 600 euros les câblages, 350 euros les lecteurs de CD, de disquettes et de disques durs, et 720 euros l’aluminium. Pas de quoi rouler sur l’or mais de quoi rémunérer les salariés et les ‘ compagnons ‘ (nourris et logés).Au rythme du renouvellement des équipements informatiques et des mobiles (18 mois en moyenne), les chiffonniers high-tech d’Emmaüs ont un métier d’avenir.

La récup ? Le savoir-faire d’Emmaüs

Spécialisés dans la collecte, la valorisation et le traitement des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), les Ateliers du Bocage sont implantés en banlieue parisienne, à Pantin, et, dans les Deux-Sèvres, à Mauléon, Nueil-les-Aubiers et Le-Peux-du-Pin. Affiliée au mouvement Emmaüs France, cette association qui emploie 170 personnes, a traité 550 tonnes de DEEE en 2005. Dans les Deux-Sèvres, toutes les installations sont classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

La table de démantèlement

A Mauléon, on manie tour à tour le marteau, les tournevis et les pinces pour démonter les PC non réutilisables. Les gants de protection blancs noircissent au contact des matériels souvent crasseux. Les lecteurs de CD, les disques durs, les blocs d’alimentation, les plastiques, les cartes mères, la ferraille, les fils électriques et les nappes sont déposés dans des cartons distincts ou dans des sacs géants d’un mètre cube de contenance. Les éléments non recyclables, comme les petites cales en caoutchouc ou les plastiques avec inserts, forment les déchets ultimes (2 % du poids total traité).

OK ou HS

Téléviseurs, moniteurs, ordinateurs, imprimantes, portables, claviers, souris, etc. Les matériels qui arrivent dans l’entrepôt de Mauléon sont pesés puis testés. Ceux qui peuvent encore fonctionner sont nettoyés et remis en état pour être vendus d’occasion. Les autres sont démantelés. Une fiche par client (constructeur, recycleur, etc.) accompagne chaque lot ainsi ‘ tracé ‘.

Le tri des cartouches

1. Dans les entrepôts de Nueil-les-Aubiers (4 500 m2), le personnel déconditionne puis trie les cartouches vides d’imprimantes à jet d’encre et laser (2,8 millions de pièces en 2005). A d’infimes détails, les employées identifient les références des milliers de modèles répertoriés dans un énorme classeur. Selon la responsable, Canon, HP et, dans une moindre mesure, Lexmark, sont les marques les plus représentées, les cartouches ‘ compatibles ‘ constituant tout de même un quart des arrivages.
2. Selon la marque, les cartouches vides, triées par référence, sont transportées chez le constructeur ou chez un recycleur spécialisé (Pélikan, Armor), au rythme d’un semi-remorque par semaine. Les recycleurs et certains constructeurs rachètent les cartouches qui n’ont été utilisées qu’une fois : remplies d’encre une seconde fois, ces cartouches recyclées coûtent moins chères que les neuves.

Des mobiles ressuscités

Jacques déverse sur sa table de tri le contenu d’un carton de mobiles collectés, par les communautés Emmaüs, dans les entreprises et, depuis juin, dans les magasins Fnac. Cet ancien chauffeur routier est le premier salarié de cette activité : ‘ J’espère que ça va marcher et qu’un autre emploi sera créé ‘. En un tournemain, il classe les appareils par marque et par modèle, apprécie leur aspect, vérifie l’absence de carte à puce (sinon, il l’ôte) et la présence de la batterie, indispensable pour le réemploi. Les modèles récents les plus prisés, en état de marche ou réparés, sont vendus entre 3 et 20 euros. Les autres, hors d’usage ou obsolètes, sont expédiés vers des centres agréés de traitement et de valorisation des matières.

L’atelier d’assemblage

A Le-Peu-du-Pin, une fois que les disques durs et les lecteurs de CD-Rom ont été testés, Aurélie et Carlos donnent un coup de lustre aux ordinateurs et procèdent à l’installation du système d’exploitation Windows 98 ou 2000 Pro. Les Ateliers du Bocage bénéficient de la licence MAR (Microsoft Authorised Refurbisher) accordée par le géant du logiciel aux ‘ associations, entreprises ou collectivités locales, faisant du reconditionnement de PC ‘.

Ferme sur les prix

A la Boutique informatique, située en bordure de la route nationale 149, comptez de 120 à 150 euros pour acquérir un écran plat, 200 euros pour un Pentium III à 1 GHz avec 128 Mo de mémoire vive et un disque dur de 30 Go, 50 euros pour une imprimante laser, 200 euros pour un portable Pentium III à 700 MHz. ‘ Tous nos matériels sont garantis trois mois ‘ précise Jean-Yves, le responsable. Mais pas question de marchander : ‘ Ah non ! s’emporte François. Notre travail nest pas négociable. ‘

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Véronique Balizet