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Le cimetière des PC en Chine

Quand ils ne sont pas recyclés en France, les matériels électroniques mis au rebut sont souvent exportés vers l’Asie. Enquête à Dacheng à 200 kilomètres de Pékin.

A l’heure où faire réparer un appareil revient plus cher que d’en acheter un neuf et où les technologies sont de plus en plus rapidement obsolètes, les déchets d’équipements électriques et électroniques ­ ou ‘ e-déchets ‘­ représentent aujourd’hui 25 kilos par an et par habitant dans l’Hexagone. Le problème, c’est qu’un ordinateur est un cocktail de matières toxiques et qu’aucun pays ne dispose actuellement d’un système de collecte et de recyclage efficace. On estime que seulement 10 à 15 % des déchets électroniques et électroménagers sont recyclés en France.Le travail manuel étant prédominant dans cette industrie, la solution de l’exportation reste la plus économique. On récupère en France les métaux précieux les plus rentables, puis, avec le reste, on remplit des containers de 22 tonnes qui, sans cela, retourneraient à vide vers la Chine. M. Qiao, chef d’une entreprise de ‘ e-recyclage ‘ à Dacheng explique : ‘ J’ai des partenariats avec des importateurs chinois et étrangers installés dans le port de Tanggu (Tianjin). Nous achetons des containers pour un prix allant de 200 à 2 000 euros la tonne, selon leur contenu en métaux. ‘Le district de Dacheng, situé à 200 kilomètres au sud de Pékin, fait partie d’une vaste zone ‘ qualifiée ‘ par le bureau national de l’environnement chinois pour démanteler des déchets importés. Ce commerce est autorisé car nécessaire pour approvisionner l’industrie chinoise en pleine croissance en matières premières comme le cuivre et l’acier. De nombreux réseaux de petits villages, à l’écart des routes principales, ont donc transformé leurs fermes en centres de recyclage. ADacheng, une quarantaine de petites entreprises se sont spécialisées dans les câbles électriques et les pièces de moteurs. Mais cette activité n’est en fait qu’un paravent légal pour le e-recyclage, qui, lui, est interdit par les autorités. Ainsi, dans les entreprises comme celle de M. Zhu, on trouve des circuits imprimés, des vieux PC ou encore des appareils de laboratoire.

‘ La poubelle des pays riches ‘

Les e-recycleurs sont pour la plupart d’anciens paysans, victimes d’une croissance anarchique et de la mondialisation. Ils font partie du vaste cortège de migrants venus des quatre coins de la Chine à la recherche d’un emploi industriel. Dans l’entreprise de M. Qiao, les ouvriers sont payés en fonction de la productivité de leur équipe. Le salaire maximum est d’environ 40 yuans (4 euros) par jour.Cet amoncellement de matériel a aussi des conséquences écologiques dramatiques. Dans toute la région, de l’eau noire coule dans des rivières recouvertes d’un sédiment verdâtre. Pas étonnant quand on sait que ‘ les gens brûlent souvent des déchets la nuit près de la rivière pour éviter la police ‘, témoigne un médecin du district. ‘ Beaucoup de déchets non recyclables arrivent aussi ici. Je suis indigné que mon pays soit la poubelle des pays riches ‘, poursuit-il.Il y a pourtant la convention de Bâle (1989), qui interdit aux pays de l’OCDE d’exporter des déchets toxiques vers les pays en voie de développement. La Chine, qui reçoit 90 % des déchets électroniques exportés vers l’Asie, a décidé d’agir en mai 2002, après le scandale de Guiyu, un petit village du sud de la Chine sinistré suite à son engagement massif dans le e-recyclage. Depuis, l’importation des e-déchets est interdite, et les autorités travaillent en partenariat avec l’Union européenne, qui met actuellement en place la législation la plus avancée en la matière. Mais sur place, difficile pour les habitants de Dacheng d’avoir de l’espoir. M. Zhu est conscient de participer à une ‘ industrie qui n’a pas d’avenir, car elle est beaucoup trop polluante ‘. Quant aux mesures légales : ‘ Le bureau national de la protection de l’environnement est le seul à nous avoir rendu visite, mais il ny a pas de solution à cause de la pauvreté et du protectionnisme local ‘, conclut le médecin

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Raphaëlle Pienne et Georges Favraud