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La vache et le robot

Moins de 300 producteurs de lait utilisent, en France, des robots de traite. Dans le Calvados, Gilles Haelewyn et Daniel Picquenard font partie de ces pionniers.

Neuf heures : souvent les paysans finissent à peine de traire leurs vaches. Gilles Haelewyn, lui, est installé devant un café dans la cuisine de sa ferme. Sur l’écran de la télé s’affichent les images vidéo transmises depuis l’étable qui abrite son troupeau de 55 vaches, des Prim’Holstein et deux Normandes. Avec la télécommande, Gilles zoome sur le robot de traite dans lequel une vache vient de s’engager toute seule. ‘ Nos parents en rêvaient, on l’a fait ‘, constate cet agriculteur de 39 ans.Après un BTS Production animale et neuf ans dans le privé, il a repris l’exploitation familiale dans le village de Commes, tout près de Bayeux et des plages du Débarquement.Pendant plusieurs années, il a trait ses vaches avec une trayeuse électrique, une opération qui prend environ quatre heures par jour à raison d’une traite matin et soir. En 1998, il s’associe avec Daniel Picquenard, un voisin d’une cinquantaine d’années. ‘ Quand il a fallu refaire notre salle de traite, nous avons décidé d’installer un robot qui, en plus, allait nous permettre un meilleur suivi du troupeau grâce à la collecte informatisée de données ‘, se souvient Gilles.

Traite à la demande

Dans la vaste étable où se trouve le robot, les vaches déambulent sans contrainte, c’est le principe de la stabulation libre. Elles mangent leur foin, se réunissent autour d’une pierre de sel ou se couchent dans la paille. Pour sortir dans le pré elles doivent passer ­ c’est la rançon de leur liberté ­ par le robot de traite, une sorte d’enclos métallique à leur taille, que les vaches ouvrent d’une poussée du museau. Une puce implantée dans le collier de chaque animal indique son identité au robot, un Astronaut de la marque Lely, le modèle le plus répandu en France. Si la vache a été traite récemment, elle peut sortir brouter. Dans le cas contraire, un bras automatisé, assez robuste pour résister aux coups de pied grâce à un carénage en Inox, se glisse sous le ventre de la vache. Un rayon laser détecte les mamelles, deux brosses les nettoient et, actionnés par des cordelettes, les gobelets trayeurs se placent sur les pis de la bête.Pendant la traite, la vache reçoit en récompense une dose de concentrés calculée en fonction de sa production de lait et de son stade de lactation. Ce mélange de soja, de colza et de céréales est adapté à chaque animal pour assurer une meilleure production. Le lait tiré est recueilli dans un bidon d’une trentaine de litres et un échantillon est prélevé pour les analyses obligatoires. Lorsque le robot détecte qu’une partie des mamelles est vide, il cesse de la traire et poursuit son travail seulement où il reste du lait. En fin de traite, un produit protecteur est pulvérisé sur les mamelles et la vache s’en va au pré. En moyenne, chaque animal passe par ce petit manège trois fois par jour. Le robot peut aussi être programmé de manière qu’il détecte une vache malade ou qui vient de vêler. Le lait est alors évacué vers une citerne différente de celle où il est habituellement stocké.La production laitière de Daniel et Gilles rejoint tous les deux jours Isigny, le grand centre de fabrication du camembert.

Collecte de lait et de données

Pendant la traite, le robot transmet les données collectées à l’ordinateur situé dans un bureau surplombant l’étable. Trois fois par jour, ou à la demande, l’ordinateur télécharge les nouvelles données dans le logiciel X.pert, livré avec le robot et fonctionnant avec Windows 98. Sont indiqués, pour chaque vache, le nombre de traites, l’heure, la quantité de lait, la quantité de nourriture absorbée, etc. Gilles passe tous les jours une dizaine de minutes à contrôler ces informations, véritable tableau de bord du troupeau. En un clin d’?”il, il voit que Fatale ou Epanouie n’ont pas produit le nombre de litres attendu. ‘ Quand il y a un écart important, c’est un signal d’alerte. Je vais voir la vache ‘, explique-t-il. Un autre logiciel, Aliment, permet de programmer le dosage des concentrés que chaque bête doit recevoir et de contrôler si elle a tout mangé.Pour rien au monde les deux éleveurs ne reviendraient en arrière, malgré les piques qu’on leur lance (‘ ils n’aiment pas leurs vaches ‘,’ ce sont des fainéants ‘). Car ils ne voient que des avantages à leur installation.Outre l’économie de temps, ils citent la diminution des mammites, (inflammation des mamelles rendant le lait invendable) qu’ils soignent plus vite grâce à la détection faite par le robot. Soumis aux quotas laitiers, ils peuvent aussi ajuster au jour le jour leur production. Et les vaches ? ‘ Moins stressées que quand on les faisait rentrer deux fois par jour pour la traite. Elles vivent à leur rythme ‘, assure Gilles, serein

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Isabelle Boucq