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La TNT va-t-elle exploser ?

Le lancement de la télévision numérique terrestre est officiellement fixé au 1er mars 2005. Qui pourra la recevoir ? A quelles conditions ? Quelles seront les chaînes disponibles ? Réponses.

Enfin ! La télévision numérique terrestre (TNT) initialement prévue pour 2001, verra le jour l’an prochain. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) l’a officiellement annoncé le 9 juin dernier. Dans un premier temps, huit chaînes gratuites s’ajouteront aux sept chaînes hertziennes actuelles, soit un total de 15 chaînes en libre accès. Puis viendront s’ajouter 14 chaînes payantes à compter du 1er septembre 2005. En parallèle, le passage de l’analogique au numérique se traduira par une meilleure qualité d’image et de son. En théorie, il suffira d’acheter un décodeur numérique TNT, annoncé entre 100 et 150 euros, de le brancher entre la prise de l’antenne et le téléviseur et de regarder !Dans le détail, tout ne sera pas forcément si simple. D’abord, seule une poignée de grands centres urbains sera arrosée par la TNT en mars 2005 : Paris et la région parisienne, Bordeaux, Brest, Lille, Lyon, Marseille, Niort, Rennes, Rouen, Toulouse et Vannes, ce qui représente seulement 35 % de la population française. La couverture du territoire sera ensuite progressive : les prévisions misent sur 50 % de la population couverte en septembre 2005, 65 % fin avril 2006 et 80 à 85 % des foyers en 2007. Soit, à terme, une couverture inférieure aux 96 % de foyers capables aujourd’hui de recevoir les chaînes hertziennes analogiques.

Des antennes qu’il faudra réorienter

Parallèlement, une portion non négligeable d’antennes (30 à 50 % selon les estimations) devront être redirigées, modifiées, ou même, dans quelques cas, remplacées. En effet, les sites d’émission de la TNT différeront parfois des sites de la télé hertzienne analogique, ce qui obligera à réorienter le râteau dans la bonne direction. Surtout, les nouvelles fréquences viendront s’ajouter aux anciennes : or de nombreuses antennes collectives sont ‘ bridées ‘, réglées de manière à ne recevoir que les fréquences des chaînes hertziennes actuelles. Comptez alors avec l’intervention d’un antenniste, et donc des frais supplémentaires.Autre sujet de déception : il ne sera pas possible, à moins d’être très proche de l’émetteur, de capter la TNT sur une télé portable équipée d’une petite antenne, ce qui aurait pourtant permis de ne plus dépendre de la prise d’antenne murale.

Le contenu sera-t-il à la hauteur ?

Au-delà des problèmes techniques de réception, le contenu de la TNT suscitera-t-il assez d’intérêt pour déclencher une vague d’équipement de décodeurs dans les foyers et assurer son succès ? L’impression générale est plutôt mitigée. Du côté des chaînes gratuites (voir tableau), perçues comme le véritable moteur de la TNT, on retrouve les chaînes nationales parmi lesquelles France 5 et Arte, qui proposeront chacune une diffusion 24 h/24. S’ajoutent quatre chaînes existantes sur le câble et le satellite : Festival (qui appartient à France Télévision et dont la ligne éditoriale sera revue pour la destiner aux jeunes ménages), La Chaîne parlementaire, TMC et M6 Music. La naissance de la TNT verra aussi celle de quatre nouvelles chaînes : Direct8, qui mettra l’accent sur le direct, la chaîne musicale iMCM, NRJ TV, qui vise le public des 11-49 ans, et une généraliste, NT1.L’offre gratuite double ainsi largement le nombre de chaînes disponibles, mais souffre, de l’avis de Régine Chaniac, chercheur à l’Ina, ‘ d’un manque de diversité entre les chaînes ‘. Il est vrai que France Télévision, par la voix du gouvernement, a abandonné deux projets pourtant prometteurs, l’un d’une chaîne thématique, l’autre d’une chaîne consacrée aux enfants et à la publicité restreinte. Pour les chaînes payantes, pas de surprise : les meilleures audiences du câble et du satellite sont présentes, à l’exception notable de RTL9.Derrière l’annonce du lancement officiel, de nombreuses inconnues demeurent. Si les chaînes payantes ont été sélectionnées, aucun candidat ne s’est pour l’instant déclaré pour leur commercialisation. Il s’agira probablement de l’un des opérateurs déjà existant du câble ou du satellite, mais ceux-ci restent discrets pour l’instant. En pratique, y aura-t-il un seul bouquet payant ou un bouquet réduit et des chaînes optionnelles ? Surtout, quel sera le prix de l’offre de TNT payante, un élément déterminant face aux formules satellite ou câble ? L’arrivée décalée en septembre 2005 des chaînes payantes pose une question supplémentaire. A cette date, faudra-t-il troquer un boîtier acheté en mars pour un nouveau décodeur ? Sera-t-il plus cher ? Les offres d’abonnement incluront-elles le nouveau boîtier ?Côté technique, une partie de la bande passante de la TNT n’a pas encore été attribuée. Le CSA a lancé un appel à propositions et les idées reçues sont nombreuses : nouvelles chaînes, chaînes locales, chaînes pour les téléphones mobiles, canal de téléchargement des mises à jour des terminaux numériques…

M6 et TF1 misent sur la TVHD

C’est surtout le projet de diffusion de chaînes en haute définition qui retient toutes les attentions (voir encadré ci-contre). M6 et TF1 défendent ardemment et depuis longtemps la télévision haute définition (ou TVHD, voir Micro Hebdo numéro 311, page 62) comme indispensable à la réussite de la TNT. Les deux chaînes privées ont même souhaité le retardement de la TNT afin de diffuser dès ses débuts des programmes en haute définition.La TVHD offrirait une qualité sonore et d’image encore meilleure, mais pour les seules personnes équipées d’un téléviseur ad hoc. Le CSA a jugé préférable de démarrer au plus vite la TNT sans la TVHD, qui ralentirait l’ensemble. L’espace resté libre pourrait donc vraisemblablement accueillir plus tard les premières chaînes diffusées en haute définition. Mais pour l’instant, aucune date n’est fixée pour la décision finale du CSA.Dernière incertitude : la fin de la télé analogique. Annoncée pour 2010, elle permettra de libérer et de réaffecter les fréquences qu’elle utilise à d’autres emplois. Cette date paraît bien hasardeuse. D’une part, il est loin d’être certain que la quasi-totalité des foyers sera équipée de la TNT à ce moment-là. D’autre part, on imagine mal couper la télévision hertzienne aux 15 % de foyers alors non couverts par la TNT (selon les prévisions actuelles). Mais d’ici 2010, la TNT aura le temps d’évoluer à la fois sous la pression du public qu’elle aura su conquérir et sous l’influence des technologies en devenir

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Olivier Lapirot