L’ordinateur figure en bonne place sur le bureau des auteurs de bande dessinée, sans pour autant leur ôter le crayon des mains. A l’image de Didier Crisse et Fred Besson, que nous avons rencontrés entre leurs planches à dessin et leurs PC, deux mois avant la sortie du tome I d’Ishanti, danseuse sacrée. Publiée par Soleil Productions, l’éditeur de Lanfeust de Troy, cette série s’inscrit dans le renouveau de la BD, ici sous l’angle de l’heroïc fantasy. ‘ C’est plutôt de la mythologic fantasy puisque l’histoire d’Ishanti revisite les mythes de l’Egypte antique, ‘ explique Crisse, scénariste et dessinateur, qui affiche une bonne quinzaine d’albums à son actif, dont les séries à succès L‘Epée de cristal, Kookaburra et Atalante. C’est en réalisant cette dernière qu’il a connu Fred Besson, un magicien des couleurs.
Un travail à quatre mains
Aujourd’hui, ils travaillent en duo, comme coauteurs, sur ce nouveau projet qui a demandé six mois de préparation. Crisse se charge de l’histoire, des dessins, du découpage, et Besson du reste. ‘ Moi, c’est le papier, lui, c’est l’ordinateur, résume Crisse. A l’origine, Fred m’avait envoyé par mail une de mes cases qu’il avait entièrement retravaillée, avec une richesse graphique incroyable. Je me suis dit, c’est ça ! ‘ C’est-à-dire un dessin où le trait noir disparaît au profit de couleurs très chaudes, d’un rendu tout en profondeur, avec un jeu de lumières et des volumes qui donnent une impression de 3D, sans la froideur de la 3D. Pas de secret : ils sont tous deux fans des animations Pixar. Le métier d’auteur de BD restant ?” heureusement ?” artisanal, les nouvelles technologies y font leur entrée par petites touches. Dans la rapidité des échanges, entre autres. Didier Crisse habite en Vendée, Fred Besson à Nantes. Crisse envoie chaque jour par courriel ses dessins en noir et blanc, Besson les imprime, ajoute des détails (pour les cheveux, par exemple), puis les scanne. A partir de là commence un gros travail de mise en couleurs, par couches successives à la palette graphique avec un logiciel unique : Photoshop. Initialement destiné à la retouche photo, cet outil devient la baguette magique des créateurs de BD, séduits par sa puissance et sa gestion des calques.Crisse et Besson privilégient l’ambiance graphique et les textures, préparées à la main puis scannées : une bonne partie de l’histoire se déroule dans les dédales de palais égyptiens, où les colonnes de pierre et la végétation abondent. Pour gagner du temps, les auteurs se sont construit une base de données de colonnes, de feuillages et de textures ‘ même si, en fin de compte, en BD, on réutilise assez peu les mêmes éléments de décor. ‘Fred Besson travaille ses couleurs numériques sur un écran cathodique de 19 pouces ‘ pour un bon calibrage des couleurs, les écrans plats actuels étant peu fiables à ce niveau. ‘ Il possède tout de même un petit écran plat qui lui sert à afficher son modèle noir et blanc. Il travaille chaque case en grand format et en mode CMJN, plus contraignant que le classique RVB, mais nécessaire pour obtenir une impression couleur précise et fidèle. Avec le parti pris graphique d’Ishanti, les fichiers ont pris de l’embonpoint : 30 Mo en moyenne pour une case, 400 Mo pour une planche complète. Il faut un graveur de DVD pour archiver tout ça, alors qu’un ou deux CD suffisaient auparavant pour les BD plus traditionnelles. Fred Besson utilise une simple palette graphique. C’est parfois peu pratique quand on veut la tourner d’un quart de tour comme on le ferait d’une feuille de papier. ‘ Mais de nouvelles solutions techniques arrivent et vont nous simplifier la tâche, en se rapprochant encore plus du papier. Comme cette palette sur écran tactile qui permet de travailler directement sur le dessin ‘, précise Fred Besson, qui termine une à deux planches par semaine.
Pas de triche, ni d’effets
La micro permet aux créateurs d’univers d’imaginer des projets graphiquement plus ambitieux. Mais la base reste du dessin traditionnel. ‘ Les gens imaginent que c’est l’ordinateur qui fait tout ! Ce que l’on peut faire aujourd’hui grâce au numérique, on ne pourrait pas le faire si on n’avait pas une vraie expérience du dessin, de la peinture… Pas de triche ni d’effets. On veut au contraire ne pas sentir le travail de l’ordinateur. Les jeunes dessinateurs ont tendance à être fascinés par l’outil numérique. Le résultat est souvent bancal. ‘Dernière étape : le lettrage ?” les textes des bulles ?” qui sera réalisé pour la première fois en numérique, pour correspondre à la précision graphique choisie pour cette série. Histoire de faire vivre Ishanti, la petite danseuse égyptienne, et de la sortir de sa case dorée
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