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Jouer, c’est guérir un peu

A Pantin, un centre hospitalier utilise le jeu vidéo pour aider au traitement de jeunes atteints de troubles du comportement.

Centre médico-psychologique de Pantin, en Seine-Saint-Denis, mercredi après-midi. Quatre garçons de 10 à 12 ans sont rivés devant un poste de télévision. L’un d’eux tient une manette de jeu, les autres l’encouragent et lui donnent des conseils. ‘ Le coffre en haut, prends-le ! ‘, ‘ Non, pas lui, ne le tue pas, c’est lui qui donne les quêtes ! ‘ Malgré le brouhaha des joueurs, les trois adultes présents dans la pièce ne leur demandent pas de se calmer.Au contraire, ils observent la partie en cours avec attention, demandent des explications et donnent aussi leur avis : ‘ Les voleurs sont trop nombreux, utilise ton coup spécial pour les ralentir avant de les frapper un par un. ‘ Cette partie de jeu vidéo n’est pas qu’un loisir, elle fait partie d’une thérapie destinée à aider ces enfants en difficulté à vaincre leurs troubles du comportement (agressivité, trouble de l’attention, instabilité…). Une expérimentation qui a débuté il y a quatre ans.Dirigé par Michael Stora, psychologue clinicien, cet atelier se divise en deux phases : un temps de parole d’une demi-heure pendant lequel les enfants s’expriment face aux psychologues, et un temps de jeu d’une heure qui sert aux psychologues à observer les réactions de leurs patients.

Des questions abordées par le jeu

‘ La manière dont les enfants jouent est plus révélatrice que ce qu’ils peuvent dire en temps de parole pur, affirme Michael Stora. Certaines questions qui les bloquent sont plus facilement abordées au détour de la partie. Dans certains cas, ce sont même eux qui en parlent les premiers. ‘ Grâce au jeu, ils se confrontent à la mort, à l’autorité, à leurs rapports avec leurs propres parents.‘ Au travers du jeu, les enfants peuvent exprimer leur agressivité et s’en décharger sans ressentir de culpabilité. Et ici, nous les aidons à mettre des mots sur leurs sentiments. Nous observons comment ils réagissent face aux personnages non joueurs et à l’environnement du jeu, explique le psychologue. Nous utilisons la médiation du jeu pour libérer la parole des enfants. Nous nous calons sur l’histoire du jeu et sur sa fin pour faire évoluer le groupe, séance après séance. ‘

Tester ses limites

De fait, tous les jeux ne conviennent pas à ce type de thérapie. Par exemple, alors que le jeu Les Sims était utilisé en 2004, la version actuelle, Les Sims 2, a été rejetée de cette année : les objectifs à atteindre sont trop précis et trop ‘ adultes ‘ pour aider psychologiquement les enfants.Cette année, après avoir testé plusieurs jeux, Michael Stora et ses deux collaboratrices ont arrêté leur choix sur Fable. L’histoire, est calquée sur celle d’un conte de fées. Le personnage commence sa vie dans la partie à l’âge de 10 ou 12 ans, ce qui est l’âge des patients, et la termine vers la soixantaine. Le jeu offre régulièrement le choix entre faire le bien et faire le mal. Ces répétitions de situations trouvent un écho dans la vie quotidienne des enfants. Celles-ci, ainsi que l’intelligence des personnages non joueurs, permettent à l’enfant de tester ses limites face à la loi.‘ Attention, le jeu seul ne permet pas de guérir, prévient Michael Stora. Il ne peut qu’assister un suivi thérapeutique déjà installé. ‘ Elèves en Clis (Classe d’intégration scolaire), les quatre patients de l’atelier 2005-2006 sont suivis individuellement au sein du CMP dans le cadre d’une psychothérapie plus traditionnelle. ‘ Pour résoudre leurs problèmes il faut plus que quelques heures de jeu pendant une année scolaire. Il faut parfois de 4 à 5 ans. ‘Il n’empêche que l’atelier jeu vidéo de Pantin a porté ses fruits. Après quatre années d’existence et une quinzaine de patients de 6 à 15 ans traités, le CMP de Pantin ouvrira dès septembre prochain deux nouveaux ateliers.

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Stéphanie Chaptal