Pillée de son patrimoine au fil des siècles, l’Egypte réclame ses trésors archéologiques aux musées européens. Cela aurait pu être évité si les égyptologues de Napoléon, et ceux qui leur emboîtèrent le pas, avaient pu emporter dans leurs bagages un scanner 3D. La pierre de Rosette, le buste de Néfertiti, et bien d’autres pièces exceptionnelles auraient alors pu rester à l’endroit même de leur découverte. Hélas, les archéologues n’ont accès aux scanners 3D que depuis quelques années. L’Archéopôle d’Aquitaine, à Pessac près de Bordeaux, est à la pointe de cette technique naissante.L’une de ses réalisations emblématiques est la numérisation puis la taille du Sphinx de Naxos, en juillet 2005. Cette première mondiale ?” il s’agit du premier facsimilé de sculpture réalisé par numérisation ?” est l’aboutissement d’une grande aventure technologique. Impossible à scanner en un seul bloc, le Sphinx a été virtuellement ‘ découpé ‘ : les techniciens de l’Archéopôle ont procédé segment par segment, scannant plus de 100 parties au total, ce qui représente une bonne semaine de travail.
Un long travail de préparation
Après, il a fallu assembler les fichiers 3D. Un calvaire d’un mois et demi : ‘ On commence par lisser les surfaces pour effacer les aspérités créées par le bruit numérique, explique Loïc Espinasse, puis on coupe les artefacts qui apparaissent en bord d’image. Ensuite, on colle chaque image avec ses voisines. Puis on reconstitue les anfractuosités que le faisceau du scanner ne peut pas atteindre. ‘ Bien évidemment, les soucis informatiques sont toujours de la partie. ‘ Le fichier 3D du Sphinx contient 20 millions de polygones ! Le logiciel RapidForm ne le supporte pas… Il s’agit pourtant d’un logiciel professionnel très coûteux, plus costaud que 3DS Max, et épaulé par un PC puissant équipé d’un processeur Xeon, de 8 Go de mémoire vive et de deux cartes graphiques nVidia 7800. ‘ Il a donc fallu trouver le juste compromis en ajustant la résolution du scan. Le plan 3D de la statue a ensuite été injecté dans un robot tailleur de pierre, qui a réalisé une copie de l’?”uvre.Pour admirer cette copie du Sphinx, il n’est donc plus besoin de se rendre au musée de Delphes, sa reproduction exacte trônant désormais dans le hall de l’Archéopôle.Un autre projet d’envergure de l’Archéopôle est la reconstruction virtuelle du fameux Circus Maximus, un stade romain qui accueillait 300 000 spectateurs dans l’Antiquité et qui a été complètement détruit par trois incendies. Avec l’aide de chercheurs italiens, l’Archéopôle le reconstruit actuellement en 3D, sur la base de dessins et d’observations datant de deux millénaires. La première version, un dégrossissage en quelque sorte, est terminée. Les chercheurs, qui travaillent sur la ‘ V2 ‘, se réunissent régulièrement à l’Archéopôle pour corriger les petites erreurs du modèle 3D, affiché sur un écran géant. ‘ La 3D, ce n’est pas obligatoire, explique Robert Vergnieux, ingénieur chercheur, on aurait pu travailler sur une simple maquette. Mais le fait de pouvoir se promener en temps réel dans ce Circus Maximus en 3D nous aide à corriger nos erreurs. Lorsqu’on se trouve immergé dans ce décor, les idées viennent plus facilement : ” non, cet objet ne peut pas être là ! ” Le doute est confirmé en quelques secondes, il suffit de cliquer sur l’objet en question pour afficher toutes les sources qui ont servi à le reconstituer : textes, images, sculptures, etc. ‘ La ‘ V3 ‘ du Circus Maximus, définitive, est attendue pour bientôt : les experts arrivent presque à un consensus.Les archéologues qui utilisent ces nouvelles et coûteuses techniques de reconstitution 3D sont encore peu nombreux. Pour l’instant, c’est souvent des musées ou des sites archéologiques que proviennent les budgets. Ces sites et musées sont en effet, soucieux de présenter les fouilles en 3D au grand public. Le CNRS et les universités n’ont pas encore investi massivement. Et quelques problèmes ne sont pas résolus. Côté logiciel, d’abord. Les archéologues n’ont pas d’éditeur 3D adapté à leurs besoins : ils doivent jongler avec des logiciels destinés à d’autres usages, extrêmement complexes à manipuler et coûtant des… milliers d’euros. Des logiciels tellement complexes que l’aide d’un expert en modélisation est nécessaire à l’intervention, même légère, d’un chercheur sur un modèle 3D. Autre problème : il n’y a ni format de fichier ni lecteur universel. Pour envoyer le scan d’un petit objet par courriel à un chercheur américain, pas de souci : on utilise le VRML, léger, lisible avec un logiciel gratuit. Mais s’il s’agit d’un site archéologique entier, le VRML rend les armes. Pour ouvrir ces énormes fichiers, tels celui du Circus Maximus qui contient plus de 22 000 objets, on n’a pas le choix : il faut utiliser un gros éditeur 3D hors de prix. Pour l’heure, le fantasme d’un conservatoire virtuel mondial des sites archéologiques reste donc irréalisable. Mais un autre rêve semble, lui, à la portée des chercheurs : ceux de l’Archéopôle pourraient en effet se rendre à Berlin, copier le buste de Néfertiti, puis renvoyer l’original en Egypte pour réparer la faute historique d’un chercheur allemand peu scrupuleux. Et bien d’autres musées européens pourraient faire de même, permettant ainsi que soient rendues à l’Egypte les ?”uvres quelle réclamehttp://archeovision.cnrs.fr
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