On les appelle les communautés virtuelles. Des groupes d’individus de tous horizons qui se retrouvent régulièrement sur des sites, réseaux sociaux ou forums pour échanger leurs avis sur un même centre d’intérêt, discuter d’une passion commune ou simplement élargir leur cercle de connaissances. Ainsi trouve-t-on des communautés d’amoureux des bonsaïs, les fondus de La Guerre des étoiles, les mordus de motos ou de jeux vidéo, les passionnés de football, de voyages, de chiens ou de chevaux, ou encore les amateurs de gastronomie. Personne ne se connaît au départ mais, au fil des discussions, les membres de la communauté tissent des liens d’amitié sur la Toile. Puis vient le jour où l’envie de se rencontrer physiquement apparaît comme une évidence.
L’Évolution en cinq phases
Ce phénomène a été mis en lumière en 1993 par un journaliste d’investigation scientifique américain, Howard Rheingold, qui a été le premier à utiliser cette expression, dans son livre Les Communautés virtuelles. Selon lui, la particularité de ces communautés est leur évolution similaire. Il distingue cinq phases, qui s’étendent sur plusieurs mois : la première marque la mise en relation des participants autour d’un thème spécifique. La deuxième phase est le théâtre de discussions plus régulières entre membres du réseau ; la convivialité est de mise, on apprend à se connaître. Lors de la troisième étape, les personnalités les plus impliquées éprouvent l’envie de se rencontrer physiquement une première fois, puis se réunissent plus régulièrement à l’occasion d’un apéritif, d’un dîner ou d’une soirée festive. Au cours de la phase quatre, des liens plus profonds se créent ?” amitiés, affinités, goûts communs ?” et le groupe se soude. Au cinquième et dernier stade, la communauté passe à un degré bien ‘ réel ‘. Les membres ont appris à se connaître, s’apprécient et ils peuvent entreprendre ensemble des actions collectives en dehors du champ d’Internet. Ce constat effectué par Howard Rheingold il y a quinze ans, alors que l’usage du Web n’était pas encore aussi développé, est toujours d’actualité.Fotocommunity est un exemple significatif de ce phénomène. Son fondateur, Andreas Meyer, un passionné de photographie qui a créé le site en Allemagne en 2001, s’étonne encore de l’engouement qui s’est ensuivi. ‘ Après un long périple à travers le monde, j’ai eu envie de mettre mes photos en ligne pour les partager. Avoir l’avis d’autres photographes amateurs me semblait intéressant et constructif. C’est de là qu’est née l’idée de consacrer un site au partage de photos, simple d’accès et basé sur la convivialité. ‘ Les clichés sont mis en ligne sur le site, en nombre limité, et chacun découvre ceux des autres, avec la possibilité de les commenter, de les admirer ou de les critiquer tout à loisir. ‘ L’aspect communautaire est très important, et des liens se nouent rapidement entre membres. Les rendez-vous physiques suivent dans la foulée… Il n’y a qu’à jeter un ?”il sur l’agenda du site, qui recense près de 300 rencontres de membres par mois en Allemagne. ‘ Fotocommunity s’est étendue à toute l’Europe et compte actuellement 600 000 membres. Cette ‘ communauté virtuelle des amateurs de photos ‘ selon son appellation existe en France depuis 2007 et affiche déjà 8 500 adhérents. Un week-end photographique a été organisé le mois dernier à Vienne et a réuni 300 amateurs.
Une passion commune
Autre site, autre atmosphère, la communauté Starwars-Universe a vu le jour en 1997 et regroupe actuellement 13 500 membres autour du thème de La Guerre des étoiles, les deux trilogies de George Lucas. Toutes les générations sont présentes, du jeune fan venant de découvrir la saga au quadra qui a vu le premier film en salle à sa sortie en 1977. Jérôme Andreux, le webmaster et l’un des responsables du site, analyse leurs motivations : ‘ Nos visiteurs recherchent toute l’actualité ayant trait à Star Wars. Ils souhaitent aussi partager leur passion avec d’autres membres. Les échanges sont permanents via le forum et la messagerie instantanée. Nous leur proposons également des dossiers très complets sur le sujet et nous les laissons exprimer leurs talents à travers des Fan-fictions, Fan-arts, Fan-films. ‘ Les sorties, organisées après deux années d’existence, ont connu un succès croissant. Ces rencontres mensuelles peuvent être liées à un événement particulier ?” sortie d’un film, convention de science-fiction ?” ou simplement au plaisir de retrouver d’autres fans.Le monde des jeux vidéo a été rattrapé par ce phénomène. World of Warcraft réunit 10 millions d’adeptes sur Internet à travers le monde. Ce jeu de rôle massivement multijoueur est basé sur l’interactivité et l’entraide. Les joueurs ont besoin les uns des autres pour progresser dans la partie. Ils se regroupent donc par guildes, selon leurs affinités, leur âge, leurs disponibilités. Les échanges d’informations s’effectuent par le biais de la messagerie ou des conversations orales en ligne. De leur complicité naissent des liens d’amitié qu’ils matérialisent par des rencontres IRL (In Real Life, ‘ Dans la vie réelle ‘), à l’occasion de repas ou soirées.
Retrouver la vie de quartier
La vocation du site Peuplade est d’un tout autre ordre mais cible toujours le rapprochement entre membres. Là, pas de passion commune, on joue sur les notions de proximité géographique et de convivialité. Par rue, par quartier, par arrondissement, le ciment du site est le voisinage, sa richesse la solidarité. Lors de l’inscription, les membres remplissent une fiche en indiquant à leur convenance leurs centres d’intérêt, leurs goûts littéraires, musicaux ou sportifs, les activités qu’ils pratiquent ou encore les services qu’ils peuvent rendre ou qu’ils recherchent : baby-sitting, bricolage, prêt d’outils, cours, etc. Ils peuvent visualiser la position géographique des autres membres, pointée par une pastille de couleur sur le plan de leur quartier. ‘ La notion de proximité est primordiale et facilite les rencontres. Après un bref échange de courriels, les membres éprouvent vite le besoin de se rencontrer au café ou au restaurant du coin, puis à l’occasion de sorties à thème ou de pique-niques. Quelque 1 300 rendez-vous ont ainsi lieu chaque mois ‘, précise Jérémie Chouraqui, l’un des fondateurs du site. Avec ses 140 000 membres sur la France, dont 70 000 en région parisienne, et ses 1 000 ‘ peuplades ‘ actives, la communauté Peuplade a remis au goût du jour la vie de quartier.Réunies par affinités ou en fonction d’activités similaires, ces communautés se nourrissent de la qualité des échanges entre membres qui témoignent de leur authenticité. Le sentiment de confiance qui s’établit fait évoluer le site dans une démarche participative. Le collectif prend le pas sur le particulier, le réel sur le virtuel. Ces phénomènes laissent présager l’influence qu’auront ces communautés virtuelles de plus en plus nombreuses sur l’évolution de nos sociétés modernes.
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.