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Des intermédiaires pas toujours très nets

eBay a inventé un nouveau métier : vendeur assistant. Des intermédiaires qui vendent pour le compte d’autrui sur le site d’enchères, moyennant une commission. Une activité en plein développement, mais à la frontière de la
légalité.

‘ Vous voulez vendre un objet sur eBay ? Confiez-le nous, on s’occupe de tout ‘. Voilà, en résumé, ce que proposent les ‘ vendeurs
assistants ‘
. Un nouveau métier qui a déjà attiré plus de 450 particuliers et professionnels en France. Le principe est simple : vous voulez vendre votre ancienne voiture, le vase précieux légué par votre tante, votre
chaudière encore en état de marche ou votre collection de timbres sur eBay, le site d’enchères le plus connu et le plus fréquenté d’Internet ; mais vous n’avez pas de connexion, pas la moindre idée du prix que vous pouvez en tirer, ou
simplement ni le temps ni l’envie de vous en occuper… Vous pouvez vous adresser à un vendeur assistant. Certains viennent même chercher les objets à domicile ! Une fois votre article entre leurs mains, ces intermédiaires se chargent de
tout : ils prennent des photos de l’objet, rédigent une annonce, la publient sur eBay, répondent aux questions des acheteurs potentiels, s’occupent de la réception et de l’encaissement du paiement, de l’emballage et de l’expédition du colis.
Bien entendu, leurs services ne sont pas gratuits. Ils prélèvent une commission qui varie entre 10 et 40 % du montant de la vente. Si l’objet ne trouve pas preneur, vous n’avez rien à payer (en règle générale, car certains vendeurs demandent
quelques euros correspondant à ce que l’on pourrait appeler des ‘ frais de dossier ‘).Pour trouver un vendeur assistant près de chez vous, allez sur le site d’eBay et consultez la rubrique Vendre, puis Vendeurs assistants. Un moteur permet d’accéder à leurs coordonnées par département.On distingue trois grandes catégories parmi ces spécialistes des enchères en ligne : les professionnels, dont c’est l’unique activité ; les commerçants, qui élargissent ainsi leur gamme de services ; et les
particuliers.Les professionnels ont adapté, en France, un concept venu des Etats-Unis. Ces spécialistes des ventes sur eBay, tels qu’EncherExpert (voir encadré), accueillent leurs clients dans une
‘ vraie ‘ boutique. Outre-Atlantique, on les appelle des ‘ drop-off stores ‘. Leur clientèle est composée de particuliers, mais aussi de professionnels.
‘ Ce sont, par exemple, des vendeurs de vêtements ou de portables qui souhaitent se débarrasser d’anciennes collections, des plombiers qui ont récupéré des adoucisseurs d’eau sur des
chantiers… ‘
, explique Benjamin Lafitte, responsable de l’enseigne Quickseller installée à Mérignac (Gironde).Les commerçants, eux, sont souvent spécialisés dans la vente d’objets anciens : antiquaires, brocanteurs, libraires… Leur expertise peut s’avérer précieuse pour ceux qui souhaitent vendre un bien a priori recherché (un
vase en porcelaine chinois, une encyclopédie médicale du début du siècle, etc. ) mais dont ils ne connaissent ni la valeur, ni les caractéristiques à mettre en avant au moment de la vente.Enfin, la troisième catégorie de ces spécialistes des enchères en ligne est constituée de particuliers qui cherchent à arrondir leurs fins de mois. Membres d’eBay, bons vendeurs, leur statut de vendeur assistant leur permet aussi de
‘ mettre plus d’objets en vente, afin d’obtenir un plus grand nombre d’évaluations positives ‘ selon le site d’enchères, qui classe ses vendeurs en fonction de la quantité d’objets vendus et de la
qualité des appréciations laissées par leurs acheteurs. Mais si eBay se montre très persuasif pour recruter ses vendeurs assistants, il se fait beaucoup plus discret sur leurs obligations légales : ‘ Les vendeurs eBay
doivent déterminer la législation fiscale applicable liée à leurs mises en vente sur eBay ‘
, peut-on lire à la page ‘ Considérations juridiques relatives aux vendeurs
assistants ‘
. Un peu maigre, avec des questions qui restent en suspens, comme la provenance des objets proposés sur eBay (a-t-on le droit de vendre des adoucisseurs récupérés sur un chantier ?), ou encore les démarches à
effectuer, en France, dès qu’on perçoit des revenus réguliers d’une activité. D’autant plus que, dans le cas présent, il ne s’agit pas de n’importe quels revenus : la commission que perçoivent les vendeurs assistants provient en effet de ventes
aux enchères, une activité réglementée en France par le Conseil des ventes volontaires. Or cet organisme voit d’un mauvais ?”il le développement de cette activité, qu’il considère comme ‘ hors
régulation ‘
. ‘ A partir du moment où le vendeur procède à l’expertise et à l’évaluation de l’objet, où il le met en vente sur un site d’enchères publiques, où il obtient le mandat implicite de son
client, où il choisit le meilleur enchérisseur et perçoit l’argent de la vente, il présente tous les critères d’une société de ventes volontaires ‘
(équivalent actuel des anciens offices de commissaires-priseurs), explique
Christophe Eoche-Duval, secrétaire général du Conseil des ventes volontaires. ‘ Or, les sociétés de ventes volontaires doivent se déclarer auprès de notre Conseil, sont tenues de posséder un compte de tiers et de payer une
caution pour l’objet qu’ils détiennent pendant la vente. Ces obligations, qui offrent des garanties aux clients, n’existent pas chez les drop-off stores ‘
.Des drop-off stores qui, effectivement, font la sourde oreille. ‘ Nous sommes prestataires de services pour les vendeurs et nous ne faisons pas d’adjudication. Et nous passons par eBay, une plate-forme de vente
en ligne qui n’en fait pas non plus ‘
, se défend Sébastien Le Pont, responsable informatique d’EncherExpert, un drop-off stores créé par Thomas David, un ancien d’eBay France. ‘ D’ailleurs, nous ne
parlons jamais d’enchères en ligne mais de ventes en ligne, tout comme eBay ‘
. Un discours un brin hypocrite quand on travaille pour une enseigne au nom aussi explicite, qui annonce sur les vitrines de ses magasins
‘ Nous vendons vos objets aux enchères sur Internet ‘ !

eBay reste muet…

Pour tenter de mettre un peu d’ordre dans le marché des ventes aux enchères électroniques, le Conseil des ventes volontaires vient d’envoyer une injonction d’agrément à 35 sites d’enchères et à 15 drop-off stores.
‘ En cas de refus, nous irons devant le tribunal ‘, prévient Christophe Eoche-Duval.Et qu’en pense eBay, le principal intéressé ? Impossible de le savoir. Nous avons transmis nos questions aux responsables français du site d’enchères, envoyé des courriels et rappelé plusieurs fois leur attaché de presse.
‘ L’emploi du temps des personnes qui auraient pu vous répondre est très chargé, je doute qu’elles aient le temps de vous parler ‘, nous a-t-on finalement fait savoir. Le site d’enchères serait-il
embarrassé ? Probablement, même si le cas des vendeurs assistants n’est que la partie visible d’un iceberg… qui pourrait bientôt amorcer sa phase de dégel. Car cela fait plusieurs années qu’eBay fait mine de ne pas entendre les reproches
 ?” parfois exprimés sur ses propres forums ?” de ceux qui l’accusent de favoriser le travail au noir. Des milliers de particuliers proposent en effet plusieurs centaines d’objets sur le fameux site d’enchères ; certains
comptabilisent même plus de 10 000 transactions en trois ans ! Et parmi eux, combien sont inscrits au registre du commerce ? Combien déclarent leurs gains ? Très peu, assurément. D’une part, parce qu’ils manquent d’informations,
d’autre part, parce qu’il existe un vide juridique dans ce domaine : les enchères en ligne ont pris un tel essor durant les sept dernières années que les législateurs restent à la traîne !Pour l’instant, à l’exception du Conseil des ventes volontaires, les pouvoirs publics français ferment les yeux. Pour combien de temps encore ? Aux Etats-Unis, le Trésor cherche à taxer les vendeurs qui réalisent plus de 100
transactions par an sur les sites d’enchères et en tirent au moins 5 000 dollars (environ 3 800 euros). Cette opération, qui rapporterait quelque 2 millions de dollars (1 500 000 euros) au fisc américain, pourrait bien faire
réfléchir les services fiscaux d’autres pays…

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Anne Lindivat