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Des bulles à l’encre magique

Délaissant crayons, pinceaux et papier, Denis Bajram réalise ses bandes dessinées entièrement sur ordinateur. Ses outils ? Un Mac, une tablette graphique et le logiciel Photoshop.

L’encre qu’utilise Denis Bajram ne tache pas. Depuis quelques années déjà, l’auteur de la saga de science-fiction Universal War One dessine ses BD entièrement sur ordinateur. Pourquoi a-t-il abandonné plumes et
encres acryliques ? Certainement pas pour la rapidité d’exécution : ‘ A un niveau équivalent de précision, cela me prendrait seulement une heure de plus sur papier ‘. Est-ce la richesse des
pinceaux de Photoshop qui l’a attiré ? ‘ Pour le dessin, Photoshop est assez rudimentaire. De plus, j’utilise un pinceau basique. J’ai choisi ce logiciel car il n’influe pas sur ma façon de dessiner. Quand l’outil prend
le dessus, tout le monde arrive au même résultat ‘
.Denis refuse d’utiliser la fonction Annulation (le fameux Pomme Z) : ‘ Comme sur papier, j’aime corriger mes erreurs ‘. Alors, quel est l’intérêt de Photoshop ?
‘ Je peux dessiner avec plus de finesse, faire varier l’épaisseur du trait avec mon stylet comme aucun crayon ne le permet. Je peux m’attarder sur les détails, améliorer leur finesse, leur précision. Une planche me demande en
moyenne trois jours de travail, contre un jour sur le papier… mais le résultat est bien supérieur. ‘
Pour autant, ce n’est pas sans difficulté que Denis Bajram a rompu avec les outils de dessin traditionnels. ‘ J’ai mis quinze jours à réaliser ma première planche complète sur Mac. Le plus ardu, c’était de
crayonner sur la palette graphique et de suivre le résultat à l’écran. J’ai dû dissocier la main et le regard. Mais aujourd’hui, même pour les dessins complexes, je suis aussi à l’aise avec un stylet ‘
. Le contact avec le
papier ne lui manque pas. ‘ Mieux : je préfère le stylet, plus confortable. Je peux voir à l’écran la totalité de mon dessin, car ma main n’en cache pas une partie. Et plus besoin de faire attention à ne pas barbouiller
les pages d’encre fraîche. Mais surtout, adieu les risques de scoliose : maintenant, je travaille assis dans mon siège, le buste bien droit, la palette graphique relevée de 40?’, mes trois écrans face aux
yeux ! ‘

De l’esquisse…

Voici la première étape du dessin d’une planche de BD. Denis Bajram a réalisé ce brouillon avec Photoshop CS2 d’Adobe. Il l’a crayonné à l’aide d’un stylet sur une tablette graphique Wacom, branchée sur un Power Mac G5 biprocesseur
relié à trois écrans cathodiques 17 pouces.

… à l’?”uvre finale

Difficile d’imaginer que cette planche a été dessinée sur ordinateur, tant son rendu paraît naturel. Elle figure dans le Tome 5 d’Universal War One (UW1), une saga de science-fiction qui compte six albums publiés
chez Quadrant Solaire (Soleil Production). Les inconditionnels de Denis Bajram ont consacré un article à UW1 sur
fr.wikipedia.org

Dessin au stylet

Denis Bajram travaille sur une tablette graphique haut de gamme de Wacom au format A5. Quand il effleure la palette avec son stylet, le trait est très fin. S’il presse plus fort, le trait s’épaissit. La largeur du trait peut ainsi
varier davantage qu’avec une plume traditionnelle.

Ebauche

Pour chaque page, Denis dessine d’abord un brouillon sommaire avec Photoshop. Cette ébauche lui sert à fixer la position des personnages et à réserver l’emplacement des bulles de texte, copiées depuis Word. Leur agencement ne changera
plus jusqu’à la finalisation de la planche.

Premières esquisses

Denis rend son brouillon translucide et dessine par-dessus, sur un nouveau calque de Photoshop. Il suit le trait du brouillon, tout en l’affinant peu à peu, comme à l’époque où il plaçait son brouillon sur une table lumineuse puis
dessinait par-dessus sur une feuille superposée. Durant cette ‘ ère manuelle ‘, Denis utilisait une photocopieuse pour déformer les proportions de certains personnages ou copier/coller des vaisseaux
spatiaux. Sur ordinateur, ces manipulations sont plus simples et plus rapides.

Finalisation du dessin

Les dessins sont affinés sur un dernier calque. Le secret de leur finesse ? ‘ Le zoom, avantage majeur du dessin sur ordinateur. Une fois que de minuscules détails sont grossis plusieurs fois à l’écran, je
peux les travailler finement ‘
, explique Denis Bajram. C’est ainsi qu’il a dessiné les minuscules motifs de tête de mort ornant le bandana de son héros, Edward Kalish. ‘ J’apprécie de pouvoir dessiner
en blanc sur du noir, ce qui est difficile sur papier. J’aime aussi multiplier les essais, et superposer quinze couches jusqu’à obtenir ce que je recherche. ‘

Colorisation

Denis choisit avec soin la couleur dominante, une teinte unie placée sur un calque séparé juste en dessous du dessin. Pour teinter sa page, Denis bannit les dégradés automatiques comme les textures toutes prêtes proposées par
Photoshop. ‘ Leur rendu est trop artificiel, trop propre. D’ailleurs, si l’ordinateur peut le faire, cela veut dire que tout le monde en est capable, et ça ne m’intéresse pas. ‘

Teintes tout en nuances

Les peintres traditionnels peuvent créer, sur leur palette, des dizaines de nuances en mélangeant trois couleurs primaires (bleu, jaune, rouge). Pour obtenir des dégradés au rendu aussi naturel, Denis Bajram procède de même avec son
logiciel. Il choisit une couleur et l’applique à l’outil pinceau de Photoshop. Du mélange de la couleur du pinceau avec celle du fond, naît une teinte intermédiaire. Denis récupère celle-ci avec l’outil pipette, puis la dépose à côté du premier
trait, créant ainsi une autre nuance qu’il prélève aussitôt.

Textures

Denis s’attaque enfin aux textures, dont il réalise lui-même les motifs avec l’outil pinceau, détail après détail. Au terme de trois jours de travail, il presse un raccourci clavier qui déclenche un script maison de 40 lignes, grâce
auquel la planche sera automatiquement finalisée (fusion de certains calques, passage du RVB au CMJN…) pour être transmise à l’imprimeur, en PDF, à la résolution de 300 points par pouce.

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Nicolas Six